Accent

L'hépatite C au cabinet de médecine de famille

DOI: https://doi.org/10.4414/bms.2023.21764
Date de publication: 14.06.2023
Bull Med Suisses. 2023;104(24):78-79

Traitement Bien que le traitement de l’hépatite C soit devenu beaucoup plus puissant au cours des dix dernières années, il n’est plus limité aux soins tertiaires comme auparavant, mais peut aussi être prescrit dans le cadre des soins primaires. Aujourd’hui, les médecins devraient proposer un traitement à toutes les personnes atteintes d’une hépatite C chronique.

Prof. Dr. méd. Philip Bruggmann

Selon les estimations, un tiers des 30 000 personnes atteintes d’hépatite C chronique en Suisse ne savent pas qu’elles sont infectées – elles n’ont jamais été testées. Les deux autres tiers ont certes été testés, mais pas traités [1]. Pourtant, les lignes directrices actuelles recommandent un traitement à toute personne concernée dont l’espérance de vie est supérieure à un an [2].

Éradication de l'hépatite C

Bien que des antiviraux d’action directe (AAD) très efficaces contre l’hépatite C soient commercialisés depuis 2014, avec des taux de guérison de plus de 95%, des personnes continuent de mourir en Suisse des suites de cette maladie virale chronique à progression lente. Malgré une mortalité plus élevée de l’hépatite C par rapport au VIH, l’hépatite C est restée pendant des années dans l’ombre du VIH [3]. La Suisse fait figure de modèle dans la lutte contre le VIH – la lutte contre les hépatites virales B et C ne fera probablement partie intégrante d’un programme national qu’à partir de 2024. En conséquence, l’information et les connaissances sur l’hépatite C sont encore insuffisantes à tous les niveaux, de la population générale aux autorités en passant par le système de santé.

Aussi bien la Stratégie Hépatite Suisse initiée par la société civile que la stratégie mondiale de l’OMS ont pour objectif d’éradiquer les hépatites B et C d’ici 2030 [4, 5]. Les instruments pour y parvenir sont tous disponibles en Suisse: un système de santé bien développé, des tests simples et des médicaments très efficaces pouvant être prescrits sans limite.

Test et examens

Une hépatite C chronique est recherchée par un test d’anticorps (anti-VHC). Un tel test est indiqué chez les personnes se trouvant dans des situations à risque (transfusions sanguines avant 1990, consommation passée ou actuelle de drogues par voie intraveineuse ou nasale, séjour en prison, tatouages, piercings, manucures ou pédicures effectués dans des conditions insuffisamment stériles, interventions médicales dans des pays à haut risque), celles présentant des symptômes d’hépatite C non explicables autrement (fatigue, douleurs articulaires, douleurs dans le quadrant supérieur droit de l’abdomen, difficultés de concentration) et celles originaires de pays à haut risque (Italie, pays des Balkans, Portugal, Pakistan, Géorgie, Russie, Ukraine, Égypte). Pour les personnes nées entre 1950 et 1985, qui sont les principales concernées, l’indication d’un test d’anticorps anti-VHC doit aussi être posée généreusement, par ex. à l’occasion d’un check-up.

En cas de test d’anticorps positif, la présence de virus est recherchée par une analyse PCR du VHC. En présence de virus et en l’absence de contamination récente, le diagnostic est posé. Après le diagnostic d'une hépatite C chronique, il convient d’exclure une cirrhose hépatique, non pas tant en raison du choix du traitement – les AAD ont un effet illimité même en cas de cirrhose compensée – que du suivi. En cas de fibrose hépatique avancée ou de cirrhose hépatique, un dépistage du carcinome hépatocellulaire doit être effectué tous les six mois, malgré un traitement réussi.

Un score calculé à partir des plaquettes et des transaminases (aspartate aminotransferase to platelet ratio index, score APRI) permet d’évaluer la probabilité de cirrhose en cas d’hépatite C [6]. Si le score APRI est inférieur à 1, la probabilité d’une cirrhose hépatique est très faible, il n’est pas nécessaire de réaliser des examens complémentaires. S’il est supérieur à 1 ou en présence d’autres maladies du foie, une élastographie transitoire (Fibroscan, ARFI) est indiquée pour déterminer le degré de fibrose.

Traitement

Avant l’instauration d’un traitement contre l’hépatite C, le potentiel d’interaction avec les médicaments existants doit être évalué [7]. Les deux associations médicamenteuses disponibles, glécaprévir/pibrentasvir et sofosbuvir/velpatasvir, ne se distinguent guère en termes d›efficacité. Les deux ont un effet pangénotypique et présentent des taux de guérison supérieurs à 95%. Les effets indésirables possibles incluent céphalées, symptômes gastro-intestinaux et fatigue. L’association glécaprévir/pibrentasvir est administrée pendant huit semaines, le patient doit prendre trois comprimés par jour à la fois avec un peu de nourriture. L’association sofosbuvir/velpatasvir est prise pendant douze semaines, à raison d’un comprimé par jour, indépendamment des repas.

Sous traitement, des contrôles de laboratoire ne sont pas obligatoires. En cas de doute, il convient d’envisager des contrôles pour favoriser l’adhérence thérapeutique et une administration fractionnée des médicaments. Douze semaines après la fin du traitement, l’ARN du VHC est déterminé. S’il n’est plus détectable, le patient est considéré comme guéri. L’hépatite C ne confère pas d’immunité et il n’existe pas de vaccin. Les réinfections après un traitement réussi sont possibles, mais rares. Une information préventive appropriée est indiquée en présence de facteurs de risque.

Cabinet de médecine de famille: prescription autonome

Depuis l’année dernière, tous les médecins de Suisse sont autorisés à prescrire les médicaments contre l’hépatite C. Ceux qui souhaitent se faire assister par un spécialiste peuvent le faire très simplement via le projet HepCare d’Hépatite Suisse [8]. À l'aide d'une liste de contrôle contenant toutes les données nécessaires, le spécialiste établit alors l'indication du traitement lors d'une consultation du dossier et, si nécessaire, délivre une ordonnance. Parallèlement, une demande de garantie de prise en charge des coûts de ce traitement de 30 000 francs est adressée à la caisse-maladie, car de nombreuses pharmacies en exigent une pour honorer l’ordonnance.

Un traitement contre l’hépatite C peut également être administré lors d’un séjour en psychiatrie. Les deux médicaments disponibles se trouvent sur la liste des rémunérations supplémentaires, ce qui signifie qu’ils doivent être remboursés par les caisses-maladie en dehors du forfait hospitalier. Ici aussi, HepCare offre son soutien aux psychiatres [8].

Avec la possibilité de prescrire les nouveaux médicaments très efficaces contre l’hépatite C, les médecins de premier recours peuvent désormais assurer une prise en charge complète de l’hépatite C dans leur cabinet, ce qui était jusqu’à récemment réservé aux spécialistes. Ainsi, les médecins de famille joueront à l’avenir un rôle prépondérant dans les efforts visant à éradiquer l’hépatite C en Suisse.

Résumé pour vous par:

Congrès des JHaS | 31.03.-01.04.2023 | Fribourg

Prof. Dr méd. Philip Bruggmann

Co-médecin-chef en médecine interne au Centre de médecine des addictions Arud à Zurich. Research Associate à l’Institut de médecine de famille de l’université de Zurich. Président Hépatite Suisse.

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Adresse de correspondance

p.bruggmann[at]arud.ch

Références

1 Bihl F, Bruggmann P, Castro Batänjer E, Dufour JF, Lavanchy D, Müllhaupt B, et al. HCV disease burden and population segments in Switzerland. Liver Int. 2022;42(2):330–9.

2 European Association for the Study of the Liver. EASL recommendations on treatment of hepatitis C: Final update of the series. J Hepatol. 2020;73(5):1170–218.

3 Keiser O, Giudici F, Mullhaupt B, Junker C, Dufour JF, Moradpour D, et al. Trends in hepatitis C-related mortality in Switzerland. J Viral Hepat. 2018;25(2):152–60.

4 World Health Organisation. Global health sector strategies on, respectively, HIV, viral hepatitis and sexually transmitted infections for the period 2022–2030. Geneva: World Health Organisation; 2022.

5 Swiss Hepatitis Strategy Network. Swiss Hepatitis Strategy 2014-2030: It’s time to act now. Process Paper – A Living Document. Zurich: Swiss Hepatitis; 2019.

6 Hépatite Suisse. Calculateur de score APRI: Swiss Hepatitis; 2022: https://fr.hepatitis-schweiz.ch/professionnels/hepatite-c (consulté le 05.04.2023).

7 University of Liverpool. Interaction Checker: University of Liverpool: https://www.hep-druginteractions.org (consulté le 05.04.2023).

8 Hépatite Suisse. The HepCare Project: Swiss Hepatitis; 2020: www.hepcare.ch (consulté le 05.04.2023).

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