Nouveaux et anciens traitements de la dermatite atopique

Point fort
Édition
2023/19
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21730
Bull Med Suisses. 2023;104(19):63-65

Publié le 10.05.2023

Barrière cutanée Les options thérapeutiques de la dermatite atopique (DA) ont beaucoup avancé. Avec la compréhension croissante de la physiopathologie de la DA, le développement de nouveaux médicaments est en plein essor. Mais pourrons-nous à l’avenir renoncer au pénible traitement sous forme de crèmes?
La DA touche près de 20% des enfants et 5% des adultes. Il s’agit ainsi de la maladie cutanée inflammatoire chronique la plus fréquente [1, 2]. Non seulement elle fait partie du quotidien des dermatologues, mais est aussi un problème fréquent au cabinet de médecine de famille. La présentation clinique varie selon l’âge, le degré de sévérité et l’origine ethnique des personnes concernées, et englobe une sécheresse et des démangeaisons cutanées, un eczéma des zones typiques voire une érythrodermie [3]. La qualité de vie des patientes et patients atteints de DA peut être gravement perturbée notamment par des démangeaisons chroniques, une défiguration et des troubles du sommeil.

Barrière cutanée endommagée et réponse immunitaire dysfonctionnelle – un cercle vicieux

Le concept actuel de la physiopathologie de la DA considère deux facteurs comme étant la clé de la survenue de la maladie (figure 1): Sur la base d’une prédisposition génétique apparaît d’abord une barrière cutanée endommagée, puis une réponse immunitaire dysfonctionnelle. La barrière cutanée endommagée (notamment en raison de mutations du gène de la filaggrine) provoque une perméabilité aux facteurs environnementaux et une dysbiose du microbiome cutané, ce qui entraîne une activation du système immunitaire cutané. À l’issue de cascades complexes de signalisation et du fait de la libération de cytokines, les lymphocytes Th2 sont activés et recrutés dans la peau. Ces lymphocytes Th2 activés libèrent quant à eux des cytokines dans la peau, principalement des interleukines (IL). Les IL-4, IL-13 et IL-31 activent à leur tour, via des liaisons à leurs récepteurs, des voies de signalisation Janus kinases dans les cellules cibles. Ces cytokines déclenchent ainsi l’inflammation cutanée et les démangeaisons par activation de kératinocytes et de terminaisons nerveuses. Un aspect particulier de la réponse immunitaire Th2 repose sur la perturbation supplémentaire de la barrière cutanée par les cytokines Th2, spécifiquement par l’IL13. Il se forme ainsi un cercle vicieux stimulé de l’extérieur, avec encore plus d’inflammation et de démangeaisons.
Figure 1: Physiopathologie de la dermatite atopique au niveau cellulaire – au centre se trouvent la dégradation de la barrière cutanée et une réponse immunitaire Th2 dysfonctionnelle.

De la pathogenèse au traitement

Diverses options thérapeutiques sont disponibles selon le degré de sévérité de la DA. Il convient de procéder par paliers et de combiner entre elles différentes mesures thérapeutiques. La barrière cutanée endommagée, d’une part, et la réponse immunitaire dysfonctionnelle, d’autre part, constituent le point de départ du traitement.

Traitement de base et traitement topique

L’utilisation topique quotidienne de lotions relipidantes soutient et renforce la barrière cutanée et fait donc partie du traitement de base incontournable pour tous les patients et patientes atteints de DA – ce qui n’est pas toujours réjouissant [4]. Durant la phase aiguë d’une poussée d’eczéma, les traitements anti-inflammatoires topiques à base de corticostéroïdes et d’inhibiteurs de la calcineurine sont indiqués pour rétablir la fonction de barrière, tandis qu’après une rémission, l’utilisation à long terme peut prolonger la durée des intervalles sans poussée (p. ex. 2x / semaine).

Photothérapie et traitements systématiques conventionnels

Lorsqu’un traitement de base et un traitement anti-inflammatoire topique ne suffisent pas, des traitements systématiques immunosuppresseurs conventionnels sont en premier lieu disponibles à côté de la photothérapie. La photothérapie (par UVB 311nm) assure, dans de nombreux cas, une bonne efficacité anti-inflammatoire, mais n’est pas toujours réalisable (infrastructure requise, investissement en temps). La ciclosporine A agit contre l’activation et la multiplication des lymphocytes T, et reste considérée comme un traitement de première ligne efficace, bien que son utilisation nécessite une surveillance étroite de la pression artérielle et la fonction rénale et que l’administration soit limitée dans le temps en raison de la néphrotoxicité. Il est également possible d’avoir recours au méthotrexate, à l’azathioprine ou au mycophénolate mofétil. Il convient de renoncer à l’administration de longue durée de glucocorticoïdes systémiques du fait d’un profil d’effets indésirables défavorable en cas de prise prolongée ainsi qu’en raison d’un effet rebond rapide [5].

Nouveaux traitements – médicaments biologiques et inhibiteurs de Janus kinase (inhibiteurs de JAK)

Les médicaments les plus récents actuellement autorisés pour la DA font partie du groupe des médicaments biologiques et des inhibiteurs de Janus kinase.
Le dupilumab a été le premier anticorps monoclonal humain de type IgG4 pour la DA. Il se lie à une sous-unité du récepteur de l’IL4 et agit ainsi au niveau de la réponse immunitaire. Il bloque la liaison de l’IL-4 et l’IL-13 à ses récepteurs. Le traitement très rapide et efficace est généralement bien toléré et ne nécessite aucun contrôle sanguin régulier. Les effets indésirables les plus fréquents incluent la conjonctivite, qui régresse la plupart du temps après un traitement à base de collyre anti-inflammatoire. Le tralokinumab, un autre anticorps monoclonal de type IgG4 qui neutralise directement l’IL-13, semble provoquer un peu moins de complications oculaires.
Les inhibiteurs de JAK représentent une nouvelle classe de substances à fort potentiel: ils inhibent la cascade de signalisation intracellulaire en-dessous de divers récepteurs de cytokines et bloquent ainsi certains médiateurs de l’inflammation et la démangeaison. Parmi les substances autorisées en Suisse se trouvent le baricitinib, l’abrocitinib et l’upadacitinib. Selon les résultats d’études actuels, les inhibiteurs sélectifs de JAK1 en particulier ne cèdent en rien à l’efficacité du dupilumab (efficacité plus rapide, effet comparable après > 4 mois) [6]. Contrairement aux médicaments biologiques administrés par voie sous-cutanée, les inhibiteurs de JAK sont pris oralement. Les effets indésirables fréquents incluent l’acné, les céphalées et les infections. Le profil de sécurité à long terme des inhibiteurs de JAK n’est toutefois pas encore clair.

Traitements à l’horizon

La compréhension croissante des pathomécanismes sous-jacents de la DA [1, 7] s’accompagne d’une augmentation des connaissances sur de nouvelles molécules clés et cibles pour le développement de traitements adaptés:
Plusieurs inhibiteurs de JAK ainsi que des inhibiteurs de la phosphodiestérase 4 font partie des futurs traitements topiques. Les agonistes du récepteur d’aryl hydrocarbone semblent être d’autres molécules topiques très prometteuses. Des substances topiques et orales agissant sur le microbiome déséquilibré sont en cours de développement. De nouveaux médicaments biologiques destinés à influencer non seulement la réponse Th2, mais aussi l’évolution de la maladie sont également dans le point de mire (anticorps anti-OX40/OX40L).

La pommade reste reine

Même si le choix actuel des options thérapeutiques efficaces de la DA n’était guère imaginable il y a encore quelques années, l’un des principaux points de départ demeure le rétablissement et le maintien de la fonction de barrière cutanée. La recette secrète pour cela est contenue, aujourd’hui encore, dans un tube.
Dr méd. Julia Riggauer
Médecin assistante en dermatologie à l’Inselspital de Berne.
Prof. Dr méd Dr. phil. nat. Christoph Schlapbach
Médecin adjoint en dermatologie à l’Inselspital de Berne, spécialisé dans la recherche sur les maladies cutanées inflammatoires en médecine translationnelle.

Résumé pour vous par:

Swiss Derma Day and STI Reviews and Updates 2023
11.-12.01.2023
Lucerne
julia.riggauer[at]insel.ch
christoph.schlapbach[at]insel.ch
1 Weidinger S, Beck LA, Bieber T, Kabashima K, Irvine AD. Atopic dermatitis. Nat Rev Dis Primers. 2018;4:1.
2 Bieber T. Atopic dermatitis: an expanding therapeutic pipeline for a complex disease. Nat Rev Drug Discov. 2022;21:21-40.
3 Yew YW, Thyssen JP, Silverberg JI. A systematic review and meta-analysis of the regional and age-related differences in atopic dermatitis clinical characteristics. J Am Acad Dermatol. 2019;80:390-401.
4 Wollenberg A, Kinberger M, Arents B, et al. European guideline (EuroGuiDerm) on atopic eczema - part II: non-systemic treatments and treatment recommendations for special AE patient populations. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2022;36:1904-26.
5 Wollenberg A, Kinberger M, Arents B, et al. European guideline (EuroGuiDerm) on atopic eczema: part I - systemic therapy. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2022;36:1409-31.
6 Wan H, Jia H, Xia T, Zhang D. Comparative efficacy and safety of abrocitinib, baricitinib, and upadacitinib for moderate-to-severe atopic dermatitis: A network meta-analysis. Dermatol Ther. 2022;35:e15636.
7 Kim J, Kim BE, Leung DYM. Pathophysiology of atopic dermatitis: Clinical implications. Allergy Asthma Proc. 2019;40:84-92.