Un virus longue durée

Wissen
Édition
2023/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21389
Bull Med Suisses. 2023;104(03):74-75

Publié le 17.01.2024

Fatigue chroniqueLe COVID long affecte la vie de certains patients et patientes pendant des mois ou des années après l’infection. Quel est le nombre de personnes concernées et existe-t-il des médicaments efficaces? Nouvelles découvertes de la recherche.
La plupart des personnes touchées par une infection au COVID se rétablissent complètement, mais d’autres non. Il n’existe pas encore de définition universelle du COVID long – l’OMS a toutefois essayé de parvenir à une uniformisation des définitions dans une déclaration de consensus [1] en octobre 2021: «L’affection post-COVID-19 survient [...] généralement 3 mois après l’apparition de la COVID-19 avec des symptômes qui persistent au moins 2 ​mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic.» La liste des symptômes est longue: la fatigue (58%), les maux de tête (44%), les problèmes de concentration (27%), la perte de cheveux (25%) et l’essoufflement (24%) font partie des plus fréquents [2]. PD Dr méd. Dominique Braun, médecin-chef à la clinique des maladies infectieuses et d’hygiène hospitalière de l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ), explique que, contrairement à d’autres maladies, il n’existe pas de biomarqueur pour identifier la maladie, ce qui rend le diagnostic d’autant plus difficile.

La vaccination réduit le risque

La fréquence du COVID long ne semble pas encore pouvoir être estimée de manière fiable: selon la définition du cas, la base de données et la méthode d’étude, les analyses aboutissent à des résultats différents [3, 4]. Le professeur Dr méd. et phil. Milo Puhan, directeur de l’Institut d’épidémiologie, de biostatistique et de prévention de l’Université de Zurich, souligne toutefois qu’on peut supposer que 20% de toutes les personnes dont l’infection est confirmée développent un COVID long, ce qui correspond à environ 5% de toutes les personnes infectées.
Les recherches actuelles concluent que le risque de séquelles à long terme augmente avec la gravité de la maladie. De nombreuses études s’accordent à dire que les filles et les femmes sont plus souvent touchées par le COVID long que les garçons et les hommes des mêmes groupes d’âge [5]. Le docteur Braun renvoie à une étude actuelle réalisée en Israël qui indique qu’une vaccination de rappel réduit le risque de COVID long [6].

Les sources d’espoir

Les mécanismes sous-jacents du COVID long ne sont pas encore élucidés, mais des recherches intensives permettent d’en savoir plus. Le Dr méd. Michael Gengenbacher, directeur médical de la médecine interne et de l’appareil moteur de Zurzach Care, pratique entre autres des traitements de réadaptation stationnaires pour les personnes atteintes de COVID long. Comme le virus mute, il faut des médicaments qui ne s’intègrent pas à la mutation et deviennent par conséquent inefficaces, selon le docteur Gengenbacher. «Seul le génie génétique permet de rendre la recherche suffisamment réactive et adaptative.»
Il n’existe pour l’heure aucune thérapie reconnue spécifique pour le COVID long, confirme également Dominique Braun. Mais il renvoie lui aussi à une étude actuelle [7] et explique qu’un traitement précoce par nirmatrelvir (Paxlovid) pourrait réduire le risque de COVID long. L’étude démontre qu’un traitement par nirmatrelvir réduit le risque de 26%. Pour dix des douze symptômes étudiés, les résultats étaient moins bons pour les participants non traités par ce médicament. Il s’agit notamment de l’essoufflement, de l’épuisement ou des troubles du rythme cardiaque. Dominique Braun souligne toutefois que ce traitement précoce n’est remboursé en Suisse que pour les patients à haut risque afin de réduire le risque d’une évolution grave. Une étude est actuellement réalisée à l’Hôpital universitaire de Bâle sur l’influence de la fampridine sur la mémoire de travail de personnes atteintes de COVID long [8]. Il s’agit d’un inhibiteur des canaux potassiques réversible utilisé dans la prise en charge de la sclérose en plaques pour améliorer la capacité de marche.
The passage of time helps the virus to multiply. Hourglass with coronavirus covid19
COVID long: quand les symptômes persistent durablement.
© Alphaspirit / Dreamstime

Examen somatique

Il existe aujourd’hui au moins 49 services de consultation spécialisés et 47 services de réadaptation en Suisse [9]. La clinique des maladies infectieuses de l’Hôpital universitaire de Zurich reçoit par exemple beaucoup de transferts venant de médecins de famille. Dominique Braun explique que l’USZ occupe un rôle de service d’orientation: des examens somatiques sont d’abord effectués afin d’exclure d’autres maladies susceptibles de causer les symptômes. Les personnes concernées devraient être traitées de manière pragmatique et il faut éviter le surdiagnostic. Dans quelques cas, il a été possible de découvrir, par exemple, un dysfonctionnement caché de la thyroïde qui était en fait à l’origine des symptômes. Ce n’est qu’ensuite que les patients sont répartis, selon les symptômes, vers la neurologie, la cardiologie, la pneumologie ou la psychiatrie. La collaboration avec les physiothérapeutes et les ergothérapeutes est également importante, tout comme la formation à la gestion de l’énergie.

Un fardeau socio-économique

Selon de nouvelles connaissances, le COVID long est souvent à l’origine de perturbations dans la vie professionnelle. En moyenne, les personnes présentant des symptômes graves font état d’une capacité de travail réduite de 50% [10]. La question des prestations de l’assurance-invalidité et de la caisse de pension se posera donc également. Une chose est claire: seule la poursuite de la recherche permettra de prendre des décisions fondées sur des preuves concernant le nouveau tableau clinique. L’OFSP a publié fin octobre la neuvième mise à jour de Milo Puhan sur le COVID long: actuellement, 164 études sur le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de COVID long sont enregistrées, dont 23 sont terminées [11].
Parmi elles, les études réalisées dans le cadre du programme national de recherche «COVID-19» (PNR 78) du Fonds national suisse, lancé en 2020 et qui dispose d’un cadre de financement de 20 millions de francs [12]. Des projets actuels étudient les séquelles à long terme telles que la mémoire immunologique après une infection au COVID [13], les troubles cognitifs liés au COVID [14], les incidences d’une infection sur le système cardiovasculaire [15] ou les conséquences de la pandémie sur la santé psychique [16].
Lisez également le rapport de cas sur le post-COVID dans le Swiss Medical Forum de ce numéro.

Réseaux COVID long

L’association Long COVID Suisse a été fondée par des patientes en 2021. Elle s’engage pour la reconnaissance du COVID long en tant que pathologie d’origine neuro-immunologique. Le réseau Altea Long COVID vient lui aussi en aide aux personnes touchées et réunit des informations sur le tableau clinique – également pour le corps médical.
1 Organisation mondiale de la Santé (OMS). Publications. Une définition de cas clinique pour l’affection post-COVID-19 établie par un consensus Delphi, 6 octobre 2021. www.who.int/fr/publications/i/item/WHO-2019-nCoV-Post_COVID-19_condition-Clinical_case_definition-2021.1 (consulté le 8.11.2022).
2 Thurnher MM, et al. Long-COVID: Langzeitsymptome und morphologische/radiologische Korrelate [Long COVID: long-term symptoms and morphological/radiological correlates]. Radiologue. 2021 Oct;61(10):915-922.
3 Nittas V, et al. Long COVID Through a Public Health Lens: An Umbrella Review. Public Health Rev. 2022 Mar 15;43:1604501.
4 Antonelli M, et al. Risk of long COVID associated with delta versus omicron variants of SARS-CoV-2. The Lancet. 2022 Jun 22;399;10343;P2263-2264 (www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00941-2/fulltext)
5 Sylvester SV, et al. Sex differences in sequelae from COVID-19 infection and in long COVID syndrome: a review. 2022 Aug;38(8):1391-1399.
6 Paul Kuodi et al. Association between BNT162b2 vaccination and reported incidence of post-COVID-19 symptoms: cross-sectional study 2020-21, Israel. NPJ Vaccines. 2022 Aug 26;7(1):101.
7 Yan X, et al. Nirmatrelvir and the Risk of Post-Acute Sequelae of COVID-19. COVID-19 SARS-CoV-2 preprints from medRxiv and bioRxiv. Nov 05;2022.
8 Université de Bâle. Medikamentenstudie bei kognitiven Problemen im Rahmen von Long COVID (Post-COVID-19-Syndrom). mcn.unibas.ch/de/laufende-studien/famc (consulté le 5.11.2022).
12 Programme national de recherche PNR 78. Portrait. www.nfp78.ch/fr/le-pnr/portrait/ (consulté le 10.11.2022), appendice 6.
13 Programme national de recherche PNR 78. News. www.nfp78.ch/fr/news/signature-immunoglobuline-pour-predire-le-risque-de-COVID-long/ (consulté le 10.11.2022).
14 Programme national de recherche PNR 78. News. www.nfp78.ch/fr/news/anosognosie-quand-nos-propres-symptomes-nous-echappent/ (consulté le 10.11.2022).
15 Programme national de recherche PNR 78. News. www.nfp78.ch/fr/news/incidences-du-COVID-19-sur-le-systeme-cardiovasculaire/ (consulté le 10.11.2022).
16 Programme national de recherche PNR 78. News. www.nfp78.ch/fr/news/un-atlas-interactif-de-la-sante-mentale-mondiale/ (consulté le 10.11.2022).