Intolérances et mythes alimentaires

Zu guter Letzt
Édition
2022/46
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.21190
Bull Med Suisses. 2022;103(46):66

Publié le 16.11.2022

Je suis intolérante. Et cela a même été diagnostiqué par un médecin. Et pourtant, alors qu’un diagnostic devrait conduire à un certain soulagement, c’est tout le contraire qui s’est produit dans un premier temps. «Tu te fais des idées!» «Ça ne peut pas être si grave que ça!» «Ne fais pas ta difficile!» J’ai régulièrement entendu ces phrases et d’autres du même genre lorsque j’exprimais mon «souhait particulier»: «Est-ce qu’il y a aussi du lait sans lactose? J’ai une intolérance.»
Mes amis et ma famille réagissaient généralement avec compréhension et intérêt, me posaient des questions sur les symptômes ou sur les produits alternatifs. Après tout, ils avaient remarqué pendant des années à quel point je souffrais de crampes abdominales et de ballonnements (je vous épargne ici les détails). Mais même des phrases ironiques comme «nous n’avons que du lait normal ici», parfois suivies d’un «il a tout simplement un meilleur goût», me donnaient souvent le sentiment de ne pas être normale d’une certaine manière.
J’ai donc commencé mes recherches sur le sujet et j’ai pu constater avec joie que c’est exactement l’inverse: l’intolérance au lactose à l’âge adulte est, à l’échelle mondiale, la norme. Dans les cultures asiatiques et africaines en particulier, la majorité des personnes cessent de produire de la lactase après l’enfance. Seule l’Europe a connu une persistance de la lactase au cours de l’évolution. Et même dans le règne animal, l’homme est le seul mammifère à consommer du lait au-delà de l’âge de la petite enfance. Je vivais donc au royaume des mutants. Cette constatation m’a un peu réconfortée et m’a notamment conduite à manger plus souvent des sushis et des pad thaï, au lieu de manger des spätzle avec une sauce à la crème ou des «Dampfnudeln» avec une sauce à la vanille, comme c’est l’habitude dans ma région natale, le Bade du Sud.
À 18 ans, j’ai déménagé en Suisse et je me suis inscrite à l’université de Bâle pour y étudier l’histoire de l’art et la littérature française. Me voilà donc au pays du chocolat et du fromage fondu. Et je dois dire que j’acceptais la plupart du temps les maux qui s’ensuivaient pour me retrouver bien au chaud dans un chalet autour d’une fondue ou d’une raclette.
Je l’avoue, j’ai surtout mis l’accent sur le goût et les vieilles habitudes par le passé. Mais depuis quelque temps, je m’intéresse aussi au lait d’un point de vue nutritionnel et écologique. Et la question s’est rapidement posée: le lait est-il vraiment bon pour la santé? Ces dernières années, cette question a été au centre de plusieurs débats animés. Il est incontestable que le lait de vache contient des vitamines et des minéraux importants tels que le calcium, l’iode, la vitamine D et la B12. En outre, il est riche en protéines et contient du sucre et des graisses, raison pour laquelle un verre est à considérer comme un repas et non comme une boisson désaltérante. Les alternatives végétales doivent généralement ajouter des nutriments et contiennent en moyenne moins de protéines et plus de sucre. Mais leur avantage décisif se situe ailleurs. La production de boissons végétales, notamment à base d’avoine, génère nettement moins de gaz à effet de serre, nécessite moins d’eau et – pour beaucoup, c’est le facteur le plus important – ne fait pas souffrir les animaux.
Pour ma part, j’ai opté pour une solution de compromis et, dans l’esprit d’une alimentation flexitarienne, je varie entre le lait de vache sans lactose et les alternatives végétaliennes. Selon la devise: la diversité fait la différence!
Sarah Bourdely
Rédactrice Junior au Bulletin des médecins suisses
© Donata Ettlin