Maîtriser les coûts et alléger les primes sans impacter les soins

FMH
Édition
2022/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20932
Bull Med Suisses. 2022;103(2930):925

Affiliations
Dre méd., présidente de la FMH

Publié le 20.07.2022

Les coûts de la santé augmentent – et les primes encore plus [1]. Cette hausse alimente depuis longtemps le ­débat sur la manière d’organiser notre système de santé pour qu’il reste accessible, de grande qualité et que son financement soit garanti.
En tant que médecins, notre responsabilité est double, car nous avons non seulement des devoirs envers nos patients, qui attendent le traitement le plus adapté, mais aussi envers les payeurs de primes et les contribuables qui forment la communauté de financement solidaire. C’est pourquoi les critères EAE de la LAMal exigent que nous dispensions des traitements efficaces et appropriés dans le respect du principe d’économicité. Sinon, nous devons rendre des comptes à la communauté solidaire. De même, le Code de déontologie de la FMH répond depuis bientôt 20 ans à la nécessité d’une ­médecine efficace en termes de coûts et nombre de nos activités s’y consacrent.
Dans toutes ses activités, le corps médical est fidèle à la devise «If you focus on quality, you will reduce costs. If you focus on costs, you will reduce quality.» [2] Les nombreux projets en faveur de la qualité et les exigences de la FMH dans ce domaine montrent bien qu’il est ­possible d’améliorer l’efficience [3]. Les mesures suivantes sont utiles pour réduire les prestations sans impacter les soins: registres médicaux, HTA, guides de pratique, sensibilisation du public au «moins, c’est plus», temps de discussion suffisant pour aboutir à une décision partagée, etc. La qualité est gage d’économicité, car ce qui n’est ni efficace ni approprié d’un point de vue médical n’est pas économique non plus. A l’inverse, le mode de pensée économico­-quantitatif qui prévaut dans le monde politique aura un effet rapide et négatif sur la qualité.
Mais les médecins ne s’engagent pas seulement dans leur quotidien clinique, ils sont aussi actifs sur le plan structurel, souvent avec d’autres partenaires de la santé. Proposer des solutions à ce niveau est d’autant plus important que la politique de santé s’enlise actuellement dans une contradiction fondamentale. Chacun sait qu’une prise en charge efficiente réside dans l’ambulatoire, et c’est d’ailleurs ce qui est revendiqué avec la stratégie «l’ambulatoire avant l’hospitalier». Or, si l’augmentation du volume de prestations ambulatoires qui en résulte, par ailleurs souhaitée au plan politique, ­permet de réduire les coûts, elle fait aussi augmenter les primes. Comme les traitements ambulatoires sont exclusivement financés par les primes et que le subventionnement par l’impôt des traitements hospitaliers disparaît, cette manière de limiter les coûts va peser sur les payeurs de primes. Réaliser plus de traitements en ambulatoire signifie un financement accru par les primes, ce qui touchera particulièrement les ménages et familles à faibles revenus.
Vous trouverez en page 929 [4] de ce numéro des pré­cisions sur un projet de réforme crucial pour notre ­système de santé dans lequel la FMH et bien d’autres acteurs s’engagent depuis longtemps [5]. Le financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières (EFAS) permettrait non seulement d’assurer la pérennité du financement du système de santé, mais aussi d’alléger la charge pesant sur les payeurs de primes. De même, la suppression des incitatifs négatifs apporterait un énorme gain d’efficacité. Dans ce contexte, le TARDOC peut lui aussi fortement contribuer à maîtriser les coûts comme nous le montrerons dans l’édition 31/32. De plus, et afin que les solutions pertinentes se basent sur des analyses correctes et différenciées, vous trouverez en page 932 [6] le premier ­article d’une série passant à la loupe certaines déclarations concernant les primes maladie.
Notre système de santé performant et complexe mérite des solutions différenciées fondées sur des analyses pertinentes. C’est la seule façon de satisfaire ­patients, payeurs de primes et contribuables. La FMH assume volontiers cette responsabilité.
1 Wille N, Gilli Y. Les primes augmentent plus que les coûts. Bulletin des médecins suisses. 2022;103(2122):702-704; URL: https://saez.ch/article/doi/saez.2022.20811
2 Jörg F. Debatin, ancien directeur médical de la clinique universitaire Hambourg-Eppendorf, cité dans Oggier W, Zwischenruf. Das Regulierungsmonster Globalbudget. VZK Geschäftsbericht 2017. Verband Zürcher Krankenhäuser, Mai 2018. URL: https://www.vzk.ch/gb2017/zwischenruf (en allemand seulement)
3 Vous trouverez un aperçu des nombreuses activités en faveur de la qualité de la FMH et des organisations médicales qui lui sont affiliées sous https://fmh.ch/fr/themes/qualite-asqm.cfm.
4 Wille N, Gilli Y. Maîtriser les coûts et alléger les primes: la réforme la plus importante de notre système de santé. Bulletin des médecins suisses 2022;103(2930):929–31; URL: https://saez.ch/article/doi/saez.2022.20923
5 Voir également www.pro-efas.ch
6 Wille N, Gilli Y. Les déclarations sur les primes d’assurance-maladie à l’épreuve des faits. Combien pèsent en moyenne les primes dans le budget des ménages? Bulletin des médecins suisses 2022;103(2930):932–5; URL: https://saez.ch/article/doi/saez.2022.20922