Journée des malades du 6 mars

«J'aime ma vie telle qu'elle est»

FMH
Édition
2022/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20559
Bull Med Suisses. 2022;103(09):277-278

Affiliations
Dr méd., délégué de la FMH et vice-président de la «Journée des malades»

Publié le 01.03.2022

Les médecins ne peuvent pas guérir toutes les maladies, mais malgré la souffrance et les bouleversements qui en résultent, les personnes concernées peuvent retrouver la force de s’ouvrir à nouveau à la vie. Réflexions sur la Journée des malades.
Les maladies, les accidents ou des crises peuvent bouleverser nos vies durant plusieurs années, voire durant la totalité de celle-ci. Ces situations modifient nos ­attentes, car il n’est souvent plus possible de vivre tout ce qu’on aimerait de la façon dont on l’aimerait. Nous sommes confrontés à nos limites, devons faire le deuil de choses que nous ne pourrons plus faire. Parfois la colère nous gagne face à ce destin que nous n’avons pas choisi, mais ces émotions peuvent aussi être un moteur pour nous permettre de retrouver la joie de vivre et vivre des expériences enrichissantes alors même que notre vie a changé. Et peut-être qu’il s’agit aussi de se réconcilier avec le fait que toute vie, aussi riche et pleine soit-elle, a une fin.

Guérir c’est bien, accompagner c’est mieux

Quand j’étais jeune, je croyais devoir guérir toutes les maladies. J’avais une vie intense, faisais des plans d’avenir et nourrissais de grandes attentes envers la médecine et les progrès scientifiques. Après 30 ans de pratique en tant que psychiatre, je suis devenu plus humble et vu mon âge, je réfléchis aussi à la finitude de l’existence. J’ai appris combien ces questions existentielles sont cruciales pour les patients atteints de troubles psychiques. J’ai rencontré de nombreuses personnes qui ne trouvaient plus de sens à la vie. Parfois, le goût de vivre devait se reconquérir de haute lutte en consultation. Etre en permanence confronté aux pensées suicidaires et à l’envie de vivre est un réel défi pour les personnes malades comme pour les médecins qui les accompagnent. Toute consultation psychiatrique, comme toute consultation ­médicale, vous amène, tôt ou tard, à vous poser la question du sens de la vie, de comment vous souhaitez mener votre vie pour pouvoir l’aimer. Lorsqu’on est en mesure de répondre à cette question, il devient ­possible, malgré la douleur, la souffrance et la perte, de s’ouvrir à nouveau à la vie. Même si les personnes ­malades sont souvent à bout de force, elles trouvent néanmoins toujours l’espoir et le courage de continuer. En tant que médecin, c’est une tâche essentielle et gratifiante que d’accompagner les ­patients sur ce chemin, même s’il mène parfois à la mort.

La pandémie, une école de vie

Le coronavirus et son impact sur la société nous ont arrachés à nos habitudes. Notre manière d’être au monde et nos liens sociaux ne sont plus les mêmes qu’il y a deux ans. La pandémie a mis en lumière le fait que notre vie n’est pas assurée et que nous ne pouvons pas la mener avec autant d’insouciance que nous le voudrions, et ce quel que soit notre âge. Un petit virus a tout chamboulé, nous poussant – du moins je l’espère – à trouver un nouveau sens à notre vie. Pour les jeunes, c’est un réel défi qu’ils ne sont pas tous à même de relever. L’augmentation des dépressions, du risque de suicide et de l’anxiété chez les adolescents et les jeunes adultes illustre bien leur détresse. Etonnamment, les plus âgés semblent plus sereins malgré le risque de développer un covid sévère. Peut-être qu’une explication possible réside dans le fait que ces générations ont donné un autre sens à leur vie malgré ou peut-être grâce au fait que celle-ci touche bientôt à sa fin. En cas de crise, ils sont en mesure, comme la plupart d’entre nous, d’accepter une vie comportant des restrictions, voire d’y trouver des aspects positifs.

Demandez à vos patients quels sens ils voient à leur vie

La Journée des malades nous permet de réfléchir à ce qui rend la vie digne d’être vécue, d’autant plus lorsqu’elle devient plus difficile en raison d’une maladie. Comment arriver, malgré les restrictions dues à la maladie, à vivre de manière à pouvoir se dire «Jusqu’ici, tout va bien»? En tant que médecin traitant, mettons-nous à la place de nos patients pour les aider à dégager d’autres aspects de leur vie. Qu’attendent-ils de l’existence, qu’est-ce que leur maladie, leur accident, la crise qu’ils traversent a changé pour eux? A quoi doivent-ils renoncer, que peuvent-ils continuer à apprécier, qu’ont-ils à gagner? La perte de qualité de vie est certes douloureuse mais, même en étant malade, il est toujours possible de faire de nouvelles expériences et de découvrir des ressources insoupçonnées. En fin de compte, il revient à chacun et chacune d’entre nous, que l’on soit médecin ou patient, d’accepter de perdre la santé ou une partie de celle-ci, ainsi que d’accepter les souffrances, les insatisfactions et les déceptions qui en découlent, et ce même si notre vie approche inéluctablement de sa fin. La ­Journée des malades nous invite à discuter avec nos ­patients, à écouter leurs craintes, leurs projets, leurs souhaits et ce qui donne sens à leur vie et leur procure de la joie. Grâce à ce dialogue, nous pouvons les aider à mettre des mots sur leur vécu et à trouver de la force.

Journée des malades

La Journée des malades est une association d’utilité publique fondée en 1939. Elle est constituée de différents membres, dont la FMH qui assume la vice-présidence au sein du comité de l’association. Cette journée a toujours lieu le premier dimanche du mois de mars. Pour plus d’informations: www.journeedesmalades.ch
kurt[at]solnet.ch