ReMed – Réseau de soutien pour médecins

Burn-out dans la profession médicale

FMH
Édition
2021/50
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.20404
Bull Med Suisses. 2021;102(50):1674-1675

Affiliations
Dre méd., médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, comité de direction de ReMed

Publié le 15.12.2021

Le médecin-cadre à la tête du service orthopédique d’un hôpital ne peut plus opérer en raison de la crise de coronavirus. Il commence à douter de ses capacités de médecin, présume un burn-out et trouve finalement de l’aide grâce au soutien de ReMed.
Le formulaire de contact électronique reçu par ReMed ce jour-là ne contenait, outre les coordonnées nécessaires de l’émetteur, que ce simple mot: «Burn-out». ­Sachant d’expérience qu’un burn-out est généralement lié à une longue histoire conflictuelle d’importance, j’ai pris contact avec mon collègue avec intérêt. Celui-ci est rapidement sorti de sa réserve initiale et a souhaité profiter de l’offre de ReMed sous forme d’une consultation de deux heures à mon cabinet.
En cas de crise, ReMed apporte son soutien.

Exigence éthique et grande vulnérabilité

Le collègue en question dirige le service d’orthopédie d’un hôpital, en tant que médecin-cadre. Les hautes responsabilités incombant au métier de médecin ont toujours signifié beaucoup pour lui, ce sont elles qui l’ont motivé à poursuivre dans cette voie et restent pour lui un défi le satisfaisant pleinement. «Je me décrirais comme quelqu’un ayant des exigences éthiques et morales extrêmement élevées envers lui-même, et aussi envers les autres. Demandez à ma femme ou à nos enfants, ils savent de quoi je parle», dit-il en riant, un peu gêné. «Au travail, par exemple, il ne m’a jamais été difficile, voire c’était presqu’une évidence pour moi, de reconnaître et d’aborder ouvertement et honnêtement mes limites professionnelles ainsi que celles de mes collègues. Je n’aime pas arborer cette façade du «docteur qui sait tout». Dans mon équipe, nous nous soutenons mutuellement. En tant que chirurgien, offrir des soins de première qualité, adaptés aux besoins des patientes et des patients, et garantir la plus grande sécurité possible ont été et restent deux des valeurs les plus importantes auxquelles je crois. Au cours de ma carrière, cela a probablement conduit à une indication opératoire plutôt restrictive. Ce fut longtemps du moins ma manière de voir les choses et c’est aussi ce que reflètent les dires de mes collègues.

Les constats désagréables

Maintenant, après un an et demi de coronavirus, je doute fortement de moi-même, comme jamais. Tout à coup, je n’arrive plus à gérer mon travail et la pression qui pèse actuellement sur moi. Je me réveille la nuit en sueur et je rumine pendant des heures sans résultat, surtout sur des recommandations de traitement possiblement discutables, émises par le passé. Par exemple, une opération de la prothèse du genou, qui avait été convenue avec une patiente de 57 ans, n’avait finalement pas eu lieu suite aux restrictions liées au coronavirus n’autorisant que les interventions d’urgence. Le traitement conservateur mis en place avait apparemment permis de limiter ses problèmes de genou, à tel point qu’elle avait renoncé à l’opération, même lorsque celle-ci aurait été à nouveau possible.
À l’époque, j’étais pourtant convaincu, vu sa situation, de la nécessité de cette opération.
Je me sens mal, je doute de moi-même et je ne trouve plus d’issue à cette spirale descendante dévastatrice. «Un bon collègue du service d’anesthésie m’a révélé prendre un mélange de scotch et de Lexotanil avant d’aller se coucher, un merveilleux somnifère selon lui.»
Mon collègue n’a laissé planer aucun doute sur le fait qu’une telle automédication n’est pas une option pour résoudre ses problèmes d’insomnie et qu’elle est en totale contradiction avec les exigences qu’il s’impose à lui-même. Au cours de la deuxième heure, nous avons pu continuer à clarifier le contexte de son burn-out et mieux le cerner.

Intervisions ReMed pour les premiers répondants et les membres du réseau

En plus du soutien apporté aux médecins qui demandent conseil, ReMed organise des intervisions régionales pour que les médecins ayant des collègues pour patients puissent échanger leurs expériences. Ces intervisions permettent la mise en réseau et la constitution de groupes de pairs (6 à 8 participant-e-s, 2 ou 3 rencontres par année) qui abordent ensemble des questions concrètes liées au mentorat, au coaching, au conseil, à la thérapie ou à d’autres aspects (droit, assurances, etc.). N’hésitez pas à nous contacter et à participer à une de nos réunions pour vous faire une idée de notre travail. Contact et inscription: info[at]swiss-remed.ch. Prochaines dates en 2022:
Jeudi 10.3.2022
Jeudi 21.4.2022
Jeudi 5.5.2022
Jeudi 9.6.2022
Jeudi 15.9.2022
Jeudi 10.11.2022
de 14h00 à 18h00, à l’Hôtel Plaza à Zurich.

Le dilemme

La crise du coronavirus, avec la phase imposée de gel des opérations non urgentes, a été le point de départ d’une profonde crise de ses valeurs morales. Lui qui était pourtant très prudent dans ses recommandations d’opérations à ses patientes et patients a dû faire face à deux conséquences extrêmement difficiles à digérer de ce gel des opérations. La première, un peu moins éprouvante, a été de voir une partie de ces patientes et patients se détourner soudainement de lui et poursuivre leurs traitements ailleurs. Il a été déçu de leur opportunisme et du manque de reconnaissance qu’ils témoignaient à son engagement en tant que médecin. Autocritique, il s’est demandé s’il n’avait pas suggéré et imposé à des patientes et patients des interventions qui auraient été très probablement inutiles. Ce constat déprimant est rendu encore plus accablant par la pression économique croissante qui s’exerce actuellement sur lui – une pression sans précédent. Ce stress lié aux indications le déstabilise et déclenche des angoisses existentielles. Le sentiment de ne plus traiter en premier lieu des patientes et des patients, mais de devoir fournir à la direction de l’hôpital, composée en majorité de non-médecins, un nombre de cas et un nombre prédéfini d’opérations, est en contradiction flagrante avec ses valeurs professionnelles personnelles.

Conflits émotionnels

Ce collègue doté d’une bonne capacité d’introspection a très vite identifié le conflit émotionnel derrière son «burn-out», sur lequel il poursuit actuellement son travail dans le cadre d’un coaching organisé par ReMed. Nous rencontrons chez ReMed d’autres conflits de ce type, rassemblés sous le terme de «burn-out», par exemple des angoisses professionnelles qui sont soit minimisées, soit niées ou mal perçues, des déceptions et des crises existentielles liées à la profession médicale, un surmenage dans la planification de la carrière ainsi qu’un grand isolement social et la solitude.

ReMed est là pour vous

Avez-vous ou quelqu’un de votre entourage a-t-il besoin d’un soutien professionnel? Dans ce cas, n’hésitez pas à contacter ReMed: le réseau de soutien pour les médecins vous conseillera avec compétence et dans le respect du secret médical. ReMed peut également intervenir dans d’autres situations de crise professionnelles ou personnelles. Cette offre s’adresse aussi aux personnes de l’entourage de médecins, 24 heures sur 24. Un des médecins ­conseillers se manifeste dans les 72 heures: www.swiss-remed.ch, remed[at]hin.ch, tél.: 0800 07 36 33.
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