Quelle tristesse d’apprendre le décès du Dr Jean-Luc Baierlé, ancien médecin cantonal du Jura, le 7 octobre 2021 à l’âge de 71 ans; emporté prématurément par une funeste affection que la médecine n’a pu maîtriser.
Vaudois d’origine, Jean-Luc a passé une partie de son enfance dans le Jura, son père ayant exercé au Centre psychologique de Porrentruy. Etudes de médecine à Lausanne, stages, notamment à l’Hôpital de Porrentruy où il rencontre son épouse, une infirmière québécoise. Plus tard, il ouvre en 1982 un cabinet à Courgenay. Il accepte le poste de médecin cantonal en 1984.
La suite est décrite dans une belle page du Quotidien Jurassien du 30 janvier 2013, à l’approche de sa retraite. Extraits: «J’ai toujours exercé la fonction à temps partiel, en parallèle à mon activité de médecine de famille. Au début, j’ai cru devoir choisir mais j’aimais les deux choses, convaincu que chacune bénéficie et se nourrit de l’autre. Pour moi, il est important de garder un pied dans la pratique tout en me tournant, comme j’ai toujours eu une vision sociale de la médecine, vers la santé publique.» [...] «Tout était à faire en matière de santé publique dans le Jura. Et je voulais suivre mes idéaux de médecine préventive, en me consacrant beaucoup aux problèmes de drogues et de dépendances.» […] «Au début des années 1980 apparaissait le sida. La politique fédérale en matière de drogue s’est développée à cause de cette maladie. Il fallait prendre les toxicomanes au sérieux, les protéger aussi en distribuant des préservatifs et des seringues. Pour marquer le coup, j’ai même fait la promotion du préservatif au marché de Delémont! La nécessité de faire de la prévention du sida auprès des jeunes a aussi donné un grand coup d’accélérateur au dossier, à l’époque enlisé, de l’éducation sexuelle à l’école.» […] «J’ai travaillé avec quatre ministres de la santé au cours de ma carrière. Je dirais qu’avec chacun les rapports dépendaient plus de la personne que de son étiquette partisane. Et comme je ne sais pas faire le poing dans ma poche, la confiance et une bonne relation humaine sont des choses plus importantes pour moi que la couleur politique. A noter que la gestion de la santé est très transversale.»
Le Dr Baierlé s’est aussi fait connaître pour avoir introduit en Suisse en 1990 l’Opération Nez Rouge – lancée en 1984 au Québec, patrie de son épouse. Opération qui a connu un beau succès depuis lors. Son but est de sensibiliser la population aux risques que représente la conduite d’un véhicule avec des facultés affaiblies et de mettre en place durant les Fêtes de fin d’année un dispositif, animé par des volontaires, permettant de ramener chez elles les personnes ne se sentant pas en état de conduire. Pendant plus de 30 ans, il a entraîné dans son sillage des milliers de bénévoles dans toute la Suisse.
Pour ma part, j’ai énormément apprécié Jean-Luc Baierlé comme confrère et ami. Je me souviens l’avoir découvert avec beaucoup de plaisir au sein de la sympathique équipe des médecins cantonaux, amenés à se réunir plusieurs fois par an pour discuter des enjeux auxquels ils faisaient face, tout en cherchant à élaborer des positions communes (à vrai dire, la situation n’a alors jamais été aussi chaude que depuis début 2020 avec le COVID-19). Il a d’ailleurs présidé, avec honneur comme on dit chez nous, l’Association des médecins cantonaux suisses. Sur un plan plus festif, je me souviens de l’invitation qu’il nous avait faite un automne de vivre dans le Jura un banquet de la Saint-Martin!
Attentif, pertinent, incisif, il a illustré dans son canton une bonne combinaison de médecin de famille et médecin cantonal. Avec beaucoup d’autres choses, son dynamisme, sa lucidité et sa cordialité nous manqueront. Nos sentiments de très vive sympathie vont à son épouse, ses enfants, petits-enfants et proches, durement touchés.
Adieu, l’Ami. Merci pour tout.
Dr méd. Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois
