Pause estivale?

FMH
Édition
2021/2728
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.20003
Bull Med Suisses. 2021;102(2728):905

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Publié le 06.07.2021

Plusieurs thèmes sont appelés à nous occuper au-delà de la prochaine pause estivale, bien méritée, et l’un d’entre eux sera certainement le COVID. Sur l’année 2020, le virus s’est hissé à la 2e place des causes de décès clairement identifiables et influençables, juste derrière le tabac. Il est pour l’heure difficile d’estimer combien de ressources nos systèmes de santé et de sécurité sociale devront consacrer à la maîtrise du COVID long. Toutes les contagions intervenant dans le cadre de l’activité professionnelle, en particulier dans le domaine de la santé, doivent entrer dans la catégorie mal­adie ­professionnelle. Ce d’autant plus que, comme le montrent les rapports d’évaluation 2020, il y avait pénurie de ma­tériel de protection et de produits ­désinfectants, ­notamment parce que le plan national de pandémie, édité en 2018, avait été peu lu et peu suivi. Trop souvent, la volonté d’économiser à court terme prévaut. Or ce type d’économies, en accroissant le nombre de contagions et de décès, finit par nous coûter un multiple de ce qu’aurait coûté un investissement réfléchi au départ, sans même parler des conséquences des mesures contre le COVID pour l’économie.
On ose espérer qu’après la prochaine pause estivale, on arrêtera de débattre de l’opportunité de prendre en charge les cinq francs que coûte un test diagnostic pour les personnes qui, selon les études menées en Suisse, présentent un risque accru de transmettre le virus au sein d’une institution. Un seul cas de contagion de ce type entraîne des coûts sans commune mesure avec ­celui d’un test. Dans l’ensemble, on n’a pas pondéré correctement les coûts. L’argent investi pour les tests ­diagnostiques et les vaccins est de l’argent bien investi si on le compare au coût d’une pandémie non contrôlée. En ne suivant pas la loi sur les épidémies, on a instauré des procédures de prise en charge des coûts excessivement compliquées, qui ont elles-mêmes contribué à la propagation de la pandémie. Nous devons continuer à tester si nous ne voulons pas nous retrouver nez à nez avec une quatrième vague. Nous verrons dans quelque temps si certaines décisions politiques ne vont pas entraîner des surcoûts pour les fabricants et les amener à proposer moins de produits, ce qui induira une augmentation des prix. On peut accepter une majoration pour des produits de meilleure qualité, mais pas pour un surcroît de travail administratif ne contribuant en rien à la qualité. Si l’on en venait à introduire les objectifs de maîtrise des coûts, la cherté des produits se traduirait par une diminution des ressources disponibles pour le ­travail des acteurs de la santé. Cela se solderait-il par des licenciements? Une diminution des revenus? Des ajournements de traitements à l’année qui suit?
Il est intéressant de voir des personnes sans la moindre expérience pratique en matière de soins s’ingénier à fixer des objectifs de prestations et de coûts deux ans à l’avance. Ces personnes ne semblent avoir rien appris de la pandémie, dont elles ont assuré une gestion pour le moins, disons-le, moyenne. Nous ne disposerons peut-être plus, demain, du même système de santé résilient qu’aujourd’hui, porté par des professionnels aux motivations intrinsèques, capables de compenser les mauvaises décisions de gestion. Les mêmes décideurs fixent des objectifs ambitieux, à l’instar du programme de la législature 2019 à 2023, article 11, objectif 10: «La Suisse dispose d’un système de soins de qualité qui soit financièrement supportable, de conditions favorables à la santé et d’un système de prévention efficace.» Mais grâce aux mêmes, toujours, ces objectifs resteront probablement lettre morte, comme le montre l’état d’avancement de la loi sur les produits du tabac. La Suisse sera bonne dernière du peloton européen, avec des conséquences pour son système de santé qui se chiffreront en milliards, mais dont les prestataires ne pourront en ­aucun cas être tenus responsables. Concernant le premier objectif partiel, j’oserai la remarque suivante: la qualité a un coût. Or on pourrait dès aujourd’hui économiser des milliards en réduisant l’absurde surcroît de travail administratif généré par la culture de méfiance généralisée colportée par les médias, teintée de soupçon et de volonté de contrôle. Les objectifs de maîtrise des coûts insufflent encore plus d’importance et d’argent dans l’administration plutôt que dans la prise en charge des patients.