Résultats du sondage 2019 sur l’évaluation des cursus de formation postgraduée

Des études de médecine au quotidien de médecin en formation

FMH
Édition
2021/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19948
Bull Med Suisses. 2021;102(2930):944-947

Affiliations
a MA, collaboratrice scientifique, Consumer Behavior, ETH Zurich; b Dre, Senior researcher, Consumer Behavior, ETH Zurich; c Dr méd., ancien président de l’ISFM; d Dre méd., p.-d. et MME, présidente de l’ISFM; e Prof. phil., professor for Consumer Behavior, ETH Zurich

Publié le 20.07.2021

Le début de l’activité professionnelle met les jeunes médecins en formation postgraduée face à des défis considérables. Le sondage annuel mené en leur sein comporte un module dédié abordant des thèmes chaque fois différents, qui peuvent être récurrents ou spécifiques à l’époque. En 2003 et 2008, le thème étudié a été la qualité dans la formation médicale, sous l’angle de la préparation à l’assistanat de médecine et ce thème a une nouvelle fois été traité dans l’édition 2019 du sondage.
Au moment où les médecins interrogés en 2019 terminaient leurs études, cinq facultés de médecine en Suisse – Genève, Lausanne, Zurich, Bâle et Berne – proposaient un cursus complet de médecine humaine1 et c’est sur ces cinq facultés «originelles» que portaient les questions concernant les modules complémentaires de l’édition 2019. En 2017, le catalogue des objectifs de formation utilisé jusque-là, le «Swiss Catalogue of Learning Objectives for Undergraduate Medical Training (SCLO)», a été remplacé par le catalogue «PROFILES» (Principal Relevant Objectives and a Framework for Integrative Learning and Education in Switzerland) [1, 2]. La mise en œuvre de l’approche qui en découle, orientée compétences et portant notamment sur les aspects communicationnels, la professionnalité, l’interprofessionnalité et l’aptitude à développer un point de vue critique sur le progrès en médecine, est plus ou moins avancée selon la faculté de médecine considérée. L’objectif général de la formation est de préparer les médecins aussi bien que possible à leur future activité, en leur permettant de trouver rapidement leurs marques et d’exercer de manière autonome. Les questions sur les modules complémentaires 2019 avaient pour but d’évaluer dans quelle mesure ces objectifs étaient remplis et de déterminer si l’enquête actuelle révélait des différences par rapport aux enquêtes précédentes.

Méthode et questionnaire

Pour l’édition 2019, 8380 des 12 088 médecins en formation inscrits qui ont reçu un questionnaire l’ont rempli et renvoyé, ce qui équivaut à un taux de par­ticipation de 69,3%. Par ailleurs, 1534 responsables d’établissements de formation postgraduée (EFP) (95% du total) ont participé au relevé des bases statistiques. Tant l’approche suivie que les taux de participation correspondaient à ceux des années précédentes [3, 4].
Dans le module «Des études de médecine au quotidien de médecin en formation», les participants étaient priés d’évaluer si les études les préparaient bien à leur future pratique professionnelle. Ils devaient également évaluer si les études étaient excessivement théoriques ou si elles leur avaient appris à tenir compte des facteurs sociaux lors des décisions. L’échelle utilisée allait de 1 à 6, mais pour simplifier la visualisation, les réponses ont été regroupées en trois grandes catégories: (absolument) pas exact (1–2), indéterminé (3–4) et (parfaitement) exact (5–6). Dans une partie distincte, les responsables d’EFP étaient priés d’évaluer dans quelle mesure les médecins en formation étaient à même d’accomplir leur travail de manière autonome au cours du premier semestre suivant la fin des études.
Les mêmes questions sur la formation universitaire avaient été posées aux médecins en formation en 2003 et en 2008, ce qui a permis d’établir des comparaisons intéressantes.
Figure 1: Evaluation des responsables d’EFP quant au degré d’autonomie des médecins en formation durant le premier ­semestre suivant la fin des études, par domaine de spécialisation et EFP.

Le degré d’autonomie varie en fonction de la spécialisation choisie

Un tiers environdes responsables d’EFP estiment que les médecins en formation accomplissent leur travail de manière autonome durant le premier semestre suivant la fin des études: 2% de manière très autonome et 33% de manière plutôt autonome. Pour deux tiers d’entre eux, en revanche, les évaluations allaient de plutôt peu autonome (46%) à très peu autonome (17%). En subdivisant par domaine de spécialisation, on constate que c’est dans celui de la pédiatrie que les médecins en formation sont jugés les moins autonomes. Par contraste, c’est en psychiatrie, gynécologie et anesthésiologie que les médecins en formation semblent travailler de la manière la plus autonome.
Figure 2: Evolution du pourcentage des réponses données aux trois questions sur la formation universitaire, sur une échelle de 1 (ce n’est absolument pas exact) à 6 (c’est parfaitement exact) en 2003 (n = 5343), 2008 (n = 6011) et 2019 (n = 8380). Pour simplifier la représentation graphique des résultats, les six gradations ont été ramenées à trois.

La formation universitaire est devenue davantage axée sur la pratique

En 2019, 23% des médecins en formation se sentaient très bien préparés à leur quotidien professionnel de médecin et plus de la moitié d’entre eux (53%) plutôt bien. En 2003, les chiffres étaient de 12% et 39%, et de 19% et 46% en 2008. Les médecins se sentent donc sensiblement mieux préparés qu’auparavant à leur quotidien professionnel.
Outre la préparation au quotidien professionnel, les facteurs sociaux ont eux aussi été plus largement abordés dans le cadre des études. En 2019, 38% des médecins en formation estimaient avoir appris à tenir compte des facteurs sociaux lors d’une décision, et presque la moitié (45%) étaient au moins en partie de cet avis. En 2003, ils étaient sensiblement moins nombreux: 21% étaient entièrement de cet avis et 39% en partie.
46% des médecins en formation ont dit regretter que les études soient trop théoriques et n’abordent pas suffisamment les questions pratiques. Sur ce point aussi, on constate une légère amélioration sur le long terme: 57% des médecins en formation étaient de cet avis en 2003 et 49% d’entre eux en 2008. Le cursus universitaire est donc toujours mieux évalué au fil des années pour ce qui est de la préparation au quotidien professionnel et de la proximité à la pratique.
La manière dont la formation prégraduée prépare au quotidien professionnel a été évaluée de manière différente selon l’université au sein de laquelle les médecins ont accompli leurs études. Sur les cinq facultés de médecine, celles de Berne et de Genève sont les mieux notées. Dans l’édition 2019, 32% des médecins ayant étudié à Genève et 24% de ceux ayant étudié à Berne ont indiqué se sentir bien, voire très bien préparés à leur quotidien professionnel. Plus de la moitié (resp. 51% et 58%) ont affirmé être partiellement de cet avis. Dans les trois autres universités – Zurich, Bâle et Lausanne –, entre 13% et 15% des médecins en formation estiment que leurs études les ont très bien préparés à leur quotidien professionnel, et 54% à 57% sont partiellement de cet avis. Par contraste, un peu plus d’un quart (28%) des médecins en formation qui ont effectué leur formation prégraduée à l’étranger estiment que leurs études les ont bien, voire très bien préparés à leur quotidien professionnel.
Sur le long terme, on observe de nettes améliorations dans l’évaluation pour les cinq universités. Qui plus est, les différences entre universités sont sensiblement moindres en 2019. Dans toutes les facultés, les étudiants se sentent mieux préparés qu’auparavant à leur quotidien professionnel.
Figure 3: Réponses en pour cent à la question «Après mes études, je me sentais bien préparé-e au quotidien professionnel de médecin en formation», sur une échelle de 1 (pas du tout exact) à 6 (parfaitement exact). Pour faciliter la représentation graphique, les six gradations ont été ramenées à trois.

Discussion

Les résultats ci-dessus montrent que quelle que soit la faculté, les étudiants estiment que leurs études sont davantage axées sur la pratique aujourd’hui. Outre l’attention accrue portée aux aspects pratiques de la formation, les enseignants veillent à davantage intégrer les aspects sociaux dans la prise de décision. Les universités dont les évaluations tendaient à être moins bonnes que la moyenne, en particulier, ont, ont beaucoup progressé sur ces points. Certaines différences subsis­tent néanmoins et l’on constate que ce sont les jeunes médecins sortant des facultés de Genève et de Berne qui se sentent les mieux préparés à leur quotidien professionnel.
A en croire les descriptions officielles des cursus de master des cinq universités, les facultés de Genève et de Berne collaborent étroitement avec divers hôpitaux, et en plus de l’année d’études à option, qui dure entre 7 et 10 mois, les étudiants accomplissent des stages compacts en clinique. Outre leur année ordinaire d’études à option, les jeunes médecins ont ainsi la possibilité d’effectuer un stage de courte durée dans un hôpital ou dans un cabinet médical. Les différences constatées entre les facultés de médecine pourraient provenir de cette possibilité supplémentaire offerte aux étudiants d’utiliser leurs compétences d’ordre pratique. Les raisons exactes expliquant ces différences ne faisaient toutefois pas l’objet du questionnaire et l’on ne peut donc guère que les conjecturer.
Les responsables d’EFP ont eux aussi été priés d’évaluer dans quelle mesure les médecins en formation étaient à même d’accomplir leur travail de manière autonome durant la première année suivant leur master. Comme on pourrait s’y attendre, la plupart des responsables d’EFP estiment que les médecins en formation ne sont pas encore très autonomes. On constate toutefois des différences importantes selon la spécialisation choisie. C’est dans le domaine de la pédiatrie que les médecins en formation sont jugés les moins autonomes, et en gynéco­logie, anesthésiologie et psychiatrie que l’on trouve le plus haut degré d’autonomie. Dans l’ensem­ble, un tiers environ des responsables d’EFP estimaient que les médecins en formation dans leur établissement étaient (plutôt) autonomes à l’issue de leurs études.
Les résultats de l’enquête montrent que dans toutes les facultés, la formation universitaire offre une bonne préparation au quotidien professionnel, même s’il subsiste une marge de progression. Le recours accru aux stages en cours d’études ainsi qu’à certaines méthodes d’apprentissage ciblées pourrait également apporter des améliorations, tout comme l’orientation résolue sur les compétences, qui pourrait elle aussi contribuer de manière décisive à préparer les étudiants à leur futur rôle de médecin. Pour assurer une meilleure continuité entre les cursus prégradué et postgradué, il est important de favoriser les échanges directs entre les personnes chargées de la formation et les responsables de la définition des programmes.
Institute for Environmental Decisions (IED)
Consumer Behavior
ETH Zurich CHN J 76.3
Universitätstrasse 22
CH-8092 Zurich
michael.siegrist[at]hest.ethz.ch
1 Sohrmann M, Berendonk C, Nendaz M, Bonvin R. Nationwide intro­duction of a new competency framework for undergraduate medical curricula: a collaborative approach. Swiss Medical Weekly. 2020;150:w20201.
2 Michaud P, Jucker-Kupper P, Profiles working group. Nendaz M, Bonvin R. The «Profiles» document: a modern revision of the ­objectives of undergraduate medical studies in Switzerland. Swiss Medical Weekly. 2016;146:w14270.
3 Bearth A, Burgermeister LC, Bauer W, Suetterlin B, Siegrist M. Personali­sierte Medizin: Umfrageresultate 2018. Bull Med Suisses. 2019;100(38):1256–9.
4 Van der Horst K, Siegrist M, Orlow P, Berendonk C, Giger M. Démographie, appréciation des études et de la culture de feed-back dans les établissements de formation postgraduée. Bull Med Suisses. 2010;91(6):203–7.