Résultats d’une approche ascendante

«smarter medicine»: liste Top-5 supplémentaire pour la médecine interne générale en ambulatoire

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2021/17
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19746
Bull Med Suisses. 2021;102(17):572-573

Publié le 28.04.2021

L’une des principales préoccupations de la médecine interne générale (MIG) est d’assurer les meilleurs soins et traitements possibles à des patients de plus en plus multimorbides dans le cabinet de médecine de famille et à l’hôpital. Le thème des soins optimaux aux patients accompagne la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) depuis de nombreuses années. Dès 2014, la SGIM a lancé une campagne visant à amélio­rer la qualité et l’efficacité du système de santé suisse et a publié, en 2016 déjà, une liste Top-5 des ­mesures géné­ralement inutiles ou inappropriées. La SSMIG étend désormais ces activités avec la publication d’une deuxième liste Top-5 dans le secteur ambulatoire.

Genèse de la présente liste

Ces cinq recommandations, qui préconisent de renoncer à cinq interventions en médecine interne générale ambulatoire, s’appuient sur une étude de l’Institut de médecine de premier recours de l’Université de Zurich de Stefan Neuner-Jehle et al. [1]. Dans le cadre de celle-ci, plus de 1000 médecins de famille suisses des quatre coins du pays ont été questionnés sur des interventions de leur pratique quotidienne qu’ils considéraient inutiles, voire préjudiciables. Dans un deuxième temps, les interventions mentionnées par les médecins de famille ont été évaluées en fonction de leur pertinence. Cette approche innovante se caractérise par le fait qu’en lieu et place d’un panel d’experts, les souhaits sont directement émis par des collègues en activité (bottom-up), et qu’il en découle de meilleures chances de mise en œuvre ultérieure (plus forte adhésion des médecins de famille aux recommandations du fait d’une meilleure identi­fication à celles-ci). Le comité de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) a examiné, remanié et adopté les recom­mandations de l’étude du professeur Neuner-Jehle et al.

La Société Suisse de Médecine Interne Générale formule les cinq recommandations suivantes pour la médecine ambulatoire

1. Pas de dépistage ni de nouvelle prise en charge des dyslipidémies pour les personnes de plus de 75 ans en prévention primaire

En raison de leur bénéfice probablement faible et des effets secondaires possibles, la SSMIG recommande de renoncer à commencer un traitement aux statines et donc à mesurer les lipides dans le sang pour les seniors de plus de 75 ans sans maladies cardiovasculaires. Pour les patients avec des maladies cardiovasculaires et notamment ayant subi un infarctus du myocarde, la décision de savoir si le recours aux statines est justifié devrait être prise d’entente avec le patient sur la base d’une information préalable détaillée de ce dernier.
Pour les personnes de plus de 75 ans sans antécédents cardiovasculaires, on ne sait pas si un traitement aux statines réducteur des lipides venant d’être commencé empêche les événements cardiovasculaires ou le décès. En conséquence, on peut renoncer à mesurer les lipides pour ce groupe de patients.

2. Pas d’IRM de l’articulation du genou en cas de douleurs dans la partie avant du genou en l’absence de limitation de mouvement ou d’épanchement articulaire sans traitement conservateur préalable adéquat

Les rares études disponibles pour les patients avec des douleurs antérieures du genou ne révèlent aucune différence de l’évolution de la douleur et de la mobilité selon qu’un examen IRM ait ou non été effectué. En revanche, les IRM donnent souvent lieu à des résultats faussement positifs, qui peuvent déclencher par la suite des interventions coûteuses, risquées et inutiles.

3. Pas de substitution ferrique chez les patients asymptomatiques non anémiques et pas d’infusion de fer sans essai thérapeutique préalable par voie orale (sauf en cas de mauvaise absorption)

La baisse de performance et la fatigue ne sont pas forcément causées par le manque de fer. Quand l’hémoglobine est présente en quantité suffisante et que les réserves en fer dans l’organisme (dans le foie, la rate et la moelle osseuse) sont pleines, la fatigue a souvent d’autres causes. Jusqu’à présent, aucune indication claire selon laquelle l’apport de fer réduit la fatigue dans cette situation n’a été trouvée.
Pour les patients asymptomatiques sans anémie dont les réserves de fer sont suffisamment remplies (ferritine ≥15 μg/l), il n’y a pas d’évidence scientifique claire du bénéfice d’une substitution ferrique, quel que soit le mode d’administration. Chez des femmes non anémiques avec des taux de ferritine assez élevés et une fatigue accrue, deux RCT ont révélé un faible bénéfice subjectif d’une substitution ferrique orale du point de vue de la fatigue. Un effet placebo ne peut pas être exclu et la qualité de l’évidence scientifique a été jugée modérée à très faible. Si une substitution ferrique est indiquée, il faudrait d’abord tenter une substitution par voie orale compte tenu des risques potentiels de l’infusion, sauf dans les situations spéciales (mauvaise absorption).
Une IRM de l’articulation du genou n’est pas recommandée en cas de douleurs dans la partie avant du genou en l’absence de ­limitation de mouvement ou d’épanchement articulaire sans traitement conservateur préalable adéquat.

4. Ne pas mesurer la vitamine D 25(OH) par habitude pour les personnes ne présentant pas de facteurs de risques pour une carence en vitamine D

Il est très rarement utile de mesurer la vitamine D 25(OH), car le résultat influence peu la procédure recommandée.

5. Aucun check-up de santé approfondi régulier chez les personnes asymptomatiques

Pour les personnes asymptomatiques, il n’existe aucune preuve scientifique du bénéfice des check-up de santé périodiques en termes d’événements et de mortalité cardiovasculaires, de mortalité par cancer ou de mortalité toutes causes confondues. En revanche, ces examens comportent un risque de surdiagnostic, et notamment d’investigations complémentaires après des résultats faussement positifs d’analyses sanguines, d’imagerie ou d’ECG. Les examens de dépistage fondés sur l’évidence scientifique font figure d’exception (p. ex. dépistage de cancers spécifiques en fonction de l’âge et du sexe, tension artérielle, cholestérol), tout comme les consultations sur le mode de vie, dont le béné­fice est clairement attesté scientifiquement.

La campagne «smarter medicine»

L’organisation «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland» est soutenue non seulement par des organisations professionnelles et médicales, mais également par des associations qui défendent les intérêts des patients et des consommateurs; son objectif est de sensibiliser le public au thème des traitements inadéquats et excessifs. Cette campagne s’inscrit dans le prolongement de l’initiative américaine «Choosing Wisely» qui a pour but de déboucher sur des «décisions judicieuses», mais aussi d’encourager une discussion ouverte entre le corps médical, les patients et le public. Au cours des prochains mois, d’autres sociétés médicales publieront des listes Top-5 des traitements inutiles dans leur domaine. L’association a également lancé une vaste campagne en faveur des patients en octobre 2018: les recommandations publiées jusqu’à présent sont désormais disponibles dans un langage compréhensible par les personnes non initiées pour soutenir les décisions conjointes. Vous trouverez des informations détaillées concernant l’organisation de soutien ainsi qu’un récapitulatif des listes Top-5 existantes sous www.smartermedicine.ch
Organisation de soutien
smarter medicine
c/o SSMIG
Monbijoustrasse 43
CH-3001 Berne
smartermedicine[at]sgaim.ch
1 Neuner-Jehle S, Grischott T, Markun S, Maeder M, Rosemann T, Senn O. What interventions do general practitioners recommend avoiding? A nationwide survey from Switzerland. Swiss Med Wkly. 2020;150:w20283. doi.org/10.4414/smw.2020.20283
Pour plus d’informations, une liste de littérature de références est ­disponible sous: www.smartermedicine.ch