In memoriam Gabriel Duc (1932 – 2021)

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Édition
2021/1314
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19718
Bull Med Suisses. 2021;102(1314):465

Publié le 31.03.2021

Mieux vaut être petit et voir grand
qu’être grand et voir petit.
Gabriel Duc a été un pionnier en néonatologie. Il s’est engagé par la clinique, la recherche et l’enseignement pour les nouveau-nés les plus vulnérables et a ainsi grandement contribué à la reconnaissance de cette spécialité en Suisse et au niveau international.
Ce précurseur est né le 18 janvier 1932 à Chermignon (VS). Il fait ses études de médecine à Lausanne et se spécialise ensuite en pédiatrie à Berne. Sa passion pour les soins aux nouveau-nés le conduit en 1967 aux Etats-Unis. C’est là, au célèbre «Babies Hospital» de l’Université Columbia à New York, qu’il se spécialise dans une toute jeune discipline, la néonatologie. Son mentor, le Prof. William A. Silverman, fait grandir cette passion 
et lui donne des impulsions marquantes pour sa carrière future.
En 1970, le Conseil d’Etat zurichois le nomme à la tête de la nouvelle chaire de néonatologie de l’Université de Zurich, l’une des premières en Europe. En même temps, il devient responsable des unités de néonatologie à l’Hôpital universitaire et à l’Hôpital des enfants à Zurich. En directeur ­visionnaire, il assume ces trois fonctions jusqu’à sa retraite en 1997 avec audace et efficience.
En tant que clinicien, Gabriel Duc a amené de nombreuses innovations. Il s’est battu pour que les nouveau-­nés, traditionnellement pris en charge par les obstétriciens, soient sous la responsabilité des néonatologues dès la naissance. Il s’est engagé pour le transfert des mères à risque d’un accouchement prématuré dans un centre périnatal. Malgré une forte résistance initiale, il a ouvert la néonatologie aux parents pour les inclure dans les soins à leurs nouveau-nés malades.
Gabriel Duc était un communicateur. En visionnaire, il a réussi à convaincre grâce à sa ténacité, son habileté ­diplomatique et, chose importante, son charme, ce qui a finalement conduit à réduire la mortalité et la morbidité néonatale en Suisse.
Gabriel Duc était un chercheur. L’oxygène était sans doute sa molécule de cœur. Il insistait sur le fait que son utilisation devait être dosée comme un médicament: «Trop peu d’oxygène lèse le cerveau, trop rend aveugle.» 
Il insistait sur l’importance des études randomisées, contrôlées et multicentriques. Il s’intéressait notamment aux interventions peu invasives, telles que l’administration intratrachéale de surfactant, la CPAP nasale («Continuous Positive Airway Pressure») ou encore la mesure transcutanée de l’oxygène, l’ultrasonographie, la résonance magnétique et aussi la clearance au Xenon-133 et la spectrographie proche de l’infrarouge (NIRS).
Prof. ém. Dr méd. Gabriel Duc
Gabriel Duc était un enseignant hors pair et ses talents ont enthousiasmé de nombreux médecins et infirmières. Son credo était que les nouveau-nés ne sont pas des petits adultes, notamment de par leur voyage physiologique du milieu intra-utérin au milieu extra-­utérin.
Gabriel Duc était un humaniste. Très tôt, il se questionnait sur les limites raisonnables des traitements intensifs chez les nouveau-nés avec un mauvais pronostic. Au début, il a été fortement critiqué par ceux qui préconisaient un traitement toujours maximal, parce qu’il était favorable à une évaluation médico-éthique plus large des valeurs. Il a lancé un débat médico-éthique en soins intensifs néonataux qui continue à ce jour.
A sa retraite, Gabriel Duc a continué 
à s’intéresser au développement de son domaine de la néonatologie, mais sans vouloir s’imposer ou se mettre en scène. Ses nombreux élèves et successeurs prennent plaisir à se remémorer son engagement pour les soins aux nouveau-nés vulnérables, son côté visionnaire, son sens critique, son humour et son charme.
Hans Ulrich Bucher, Diego Mieth, Jean-Leopold Micheli, Gregor Schubiger, Christian Kind, Romaine Arlettaz, Riccardo Pfister, Jean-Claude Fauchère, Dirk Bassler
Jean-Léopold Micheli
micheli.jean[at]yahoo.fr