La méthode de sélection doit continuer d’être développée et affinée

Echange d’expériences sur la nouvelle méthode de sélection

FMH
Édition
2021/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19520
Bull Med Suisses. 2021;102(03):73-75

Affiliations
a chef de la division Médecine et tarifs ambulatoires FMH; b spécialiste, division Médecine et tarifs ambulatoires FMH

Publié le 20.01.2021

La nouvelle convention relative à la méthode de sélection dans le cadre du contrôle de l’économicité est entrée en vigueur au début de l’été 2018. Cette nouvelle méthode qui s’applique à partir des données de l’année statistique 2017 a été analysée en profondeur puis présentée par des experts lors de deux séances d’information. L’occasion pour les représentants d’organisations médicales d’avoir un premier échange de vue sur la question.
Signée par la FMH, curafutura et santésuisse et entrée en vigueur au début de l’été 2018, la nouvelle convention relative à la méthode de sélection dans le cadre du contrôle de l’économicité selon l’art. 56 al. 6 LAMal précise que cette méthode visant à identifier les médecins avec des coûts hors norme selon la LAMal se fonde sur l’analyse de régression en deux étapes figurant dans le rapport final de l’étude de Polynomics AG. Cette nouvelle méthode s’applique à partir des données de l’année statistique 2017. Rappelons cependant que seule une analyse individuelle consécutive à la procédure de sélection et tenant compte des particularités du cabinet permet de déterminer si un médecin ne répond pas aux critères d’économicité. La méthode de sélection ne constitue donc qu’une partie du contrôle de l’économicité selon l’art. 56 al. 6 LAMal et ne remplace pas une évaluation individuelle détaillée.
Deux séances d’information virtuelles consacrées à cette nouvelle méthode ont eu lieu les 5 et 12 novembre 2020. L’objectif était de donner un aperçu de la nouvelle méthode aux représentants des organisations médicales et des centres de confiance qui soutiennent, accompagnent et conseillent les médecins concernés, de leur présenter des éléments importants du pro­cessus, de développer une conception commune de la question et de permettre un échange de vues entre les participants.
Quatre experts se sont exprimés lors de ces séances. Le Dr Andreas Kohler, chef de projet pour l’évaluation de l’économicité chez tarifsuisse SA, a présenté la nouvelle méthode de sélection. Le Prof. Dr Beat Hulliger, enseignant de la FHNW à l’Institute for Competitiveness and Communication (ICC), a fourni un point de vue scientifique sur la nouvelle méthode de sélection tandis que Patrizia Gratwohl, avocate, s’est penchée sur le volet juridique. Enfin, le Dr Juerg B. Reust, mandataire de la FMH, a apporté aux personnes présentes des informations et expériences pratiques et résumé les points essentiels de la nouvelle méthode de sélection. Les exposés sont brièvement résumés ci-après.

Contrôle de l’économicité

Dans son exposé, le Dr A. Kohler a présenté en détail la nouvelle méthode de sélection. Pour commencer, il a évoqué les bases légales et conventionnelles du contrôle de l’économicité. Ensuite, il a abordé le développement du comparatif des coûts moyens, d’ANOVA (qui tient compte des variables de l’âge et du sexe) et de l’indice de régression (auquel s’ajoutent les variables séjour hospitalier l’année précédente, franchise à option, Pharmaceutical Cost Group [PCG]). «Du point de vue de santésuisse, le contrôle de l’économicité se divise en trois phases», a expliqué Andreas Kohler: «premièrement la sélection statistique, deuxièmement l’examen individuel et troisièmement les mesures en résultant.» Les données du pool de données et pool tarifaire ainsi que les numéros RCC de SASIS SA et la liste PCG de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) constituent la base du contrôle de l’économicité. La sélection s’effectue désormais avec un modèle de régres­sion, respectivement un modèle à effets fixes (style de cabinet du médecin) en deux étapes. «La première tient compte de la morbidité des patients et la deuxième de l’emplacement du cabinet et du groupe de spécialistes du médecin. Au final, les coûts par patient d’un médecin sont comparés avec ceux de ses collègues du même groupe de spécialistes en Suisse.» La sélection constitue la première étape du contrôle de l’économicité réalisé par santésuisse et se déroule dans le cadre d’un projet de partenariat de la FMH, santésuisse et curafutura. «Même si la méthode de sélection est scientifiquement fondée, elle n’est pas parfaite et sa méthodologie doit être améliorée. Une analyse indi­viduelle consécutive à la procédure statistique de sélec­tion est systématiquement nécessaire pour déterminer si un médecin répond ou non aux critères d’économicité», a résumé Andreas Kohler.

Puissance statistique de la nouvelle méthode de sélection

Le Prof. Dr B. Hulliger est intervenu sur les performances de la nouvelle méthode de sélection. En ce qui concerne la méthode de régression appliquée, le Prof. Hulliger a relevé que «les tests et les intervalles de confiance se fondent sur l’exactitude du modèle. Si une variable essentielle a été oubliée (Omitted Variable Bias), les coefficients sont souvent faussés.» Poly­nomics AG a analysé différentes variables et n’a pas trouvé de traces tangibles d’autres variables pouvant interférer. «La nouvelle méthode de régression est ­certainement bonne, mais elle ne garantit pas qu’il n’y aura pas de biais découlant de variables essentielles omises», a expliqué Beat Hulliger. Il a poursuivi par une comparaison avec l’effet marginal moyen. «Les coûts prévus peuvent être calculés pour chaque ­médecin. Par contre, la méthode de sélection ne tient pas compte du genre de sinistre (maladie, accident ou maternité). Le modèle de sélection est très complexe et son fonctionnement difficile à comprendre. La plupart des modèles comportent un nombre important de coefficients.» Il a ensuite évoqué les difficultés liées à la taille du modèle qui empêche une analyse plus ­précise des effets et rappelé que d’autres variables ont été analysées par Polynomics AG sans, toutefois, que cela signifie qu’un biais puisse être exclu. En revanche, les variables d’un médecin sont connues et peuvent être analysées. Dans son intervention, il a souligné que le rapport final de Polynomics AG abordait certes les questions de robustesse (winsorisation), mais qu’il fallait malgré tout réexaminer les diagnostics essentiels à chaque nouveau calcul. «La méthode de sélection fournit des indications, mais ne peut pas rem­pla­cer une évaluation individuelle. A noter que la méthode de sélection ne tient pas compte du résultat de la prestation fournie (succès thérapeutique)», a conclu Beat Hulliger.

Une évaluation individuelle 
reste ­nécessaire

Patrizia Gratwohl, avocate, a parlé du volet juridique de la nouvelle méthode de sélection et rappelé que dans la méthode des coûts moyens, une valeur indicielle de plus de 130 points entraînait la présomption de surmédicalisation. Elle a souligné le manque de transparence de cette méthode des coûts moyens qui n’est ni objective ni ne correspond à une procédure d’économicité à proprement parler, mais uniquement à un comparatif des coûts moyens ne tenant pas compte de la morbidité du collectif de patients. Ce point avait d’ailleurs conduit à l’introduction de l’art. 56 al. 6 LAMal qui précise que les fournisseurs de prestations et les assureurs doivent convenir d’une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. «L’objectif de l’art. 56 al. 6 LAMal est d’établir la transparence concernant la méthode de contrôle, de tenir compte de la morbidité du collectif de patients et, enfin, de convenir d’une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations et non pas à mettre en œuvre le contrôle du caractère économique des prestations», a-t-elle expliqué. Dans la convention selon l’art. 56 al. 6 LAMal entre curafutura, la FMH et santésuisse, il est stipulé que la méthode de sélection pour identifier les médecins avec des coûts hors norme selon la LAMal ne montre pas si le médecin répond aux critères d’économicité ou non. «Cela ne peut être déterminé que dans l’analyse individuelle consécutive.» Patrizia Gratwohl a aussi rappelé qu’il n’y avait pas encore de jurisprudence sur la méthode de sélection et que la question de la qualification juridique de la méthode de sélection restait donc ouverte. Elle a conclu ses propos en réitérant que la méthode de sélection servait à identifier les médecins avec des profils de coûts statistiquement hors norme et que le contrôle de l’économicité devait être effectué individuellement en tenant compte des particularités du cabinet et en combinant la méthode statistique et la méthode analytique.

Mieux vaut prévenir que guérir

Dans son exposé, le Dr J. B. Reust s’est concentré sur les principales expériences acquises au cours des deux ans et demi écoulés depuis l’introduction de la nouvelle méthode de sélection. «Les principaux objectifs que sont la réduction du nombre de médecins hors norme et une meilleure prise en compte de la morbidité sont atteints avec la nouvelle méthode de sélection», a confirmé J. B. Reust. Il a souligné qu’il ne fallait cependant pas oublier que la méthode de sélection ne corrigeait pas toutes les particularités du cabinet et qu’elle ne représentait qu’une première étape pour détecter les médecins avec des coûts hors norme. Les méde­cins avaient donc tout intérêt à se préparer, c’est-à-dire à commander le rapport de régression avec les données de coûts et indices chez santésuisse et à prévoir, le cas échéant, un argumentaire, étant donné que les médecins n’avaient généralement pas le temps de réagir. En effet, santésuisse a dans certains cas déjà atta­qué les médecins pendant la première année.
Pour établir une argumentation, il a recommandé de non seulement utiliser le rapport de régression, mais aussi les propres données du cabinet, celles-ci pouvant être analysées selon différents critères (par ex. cons­titution de groupes de coûts selon l’indication). Sans oublier le miroir du cabinet offrant aussi des indications utiles. J. B. Reust a donc insisté sur le fait qu’il fallait ­«livrer les données de facturation dans la collecte de données des médecins (via le centre de confiance ou un intermédiaire comme la Caisse des médecins, Medi­Data), et qu’outre l’âge et le sexe, le PCG avait un impact très important sur l’indice de régression» alors que ­celui des nouveaux critères de morbidité «franchise élevée» et «séjour hospitalier l’année précédente» était moindre.
Si les données à disposition ne permettent pas de déterminer quel paramètre de morbidité est dominant, la comparaison de l’indice non corrigé, de l’indice ANOVA et de l’indice de régression des coûts totaux permet au moins d’évaluer les répercussions sur le plan qualitatif. Une autre difficulté réside dans le fait que les groupes PCG déterminants et les médicaments y figurant ne sont pas constants, mais changent chaque année. En conséquence, il se pourrait donc qu’un médecin prescrivant les mêmes médicaments chaque année assiste à une correction de l’indice de régression en sa faveur la première année et en sa défaveur l’année suivante. Comme souvent, il y a toujours des perdants lorsqu’une nouvelle méthode est introduite, par ex. les méde­cins spécialistes en médecine interne générale pratiquant la médecine complémentaire qui remettent ou prescrivent moins de médicaments. Dans ce cas, l’indice de régression des coûts totaux serait corrigé à la hausse, c’est-à-dire en défaveur du médecin. «L’hypothèse sur laquelle s’appuie le système est la suivante: moins de médicaments = collectif de patients non morbide avec faibles coûts (pour simplifier). Or, tout le monde commet des erreurs, santésuisse aussi. Donc, mieux vaut contrôler la plausibilité du rapport de régres­sion de santésuisse avec les données de son propre cabinet et le miroir du cabinet», a recommandé J. B. Reust. Un tel contrôle est par exemple nécessaire si la date de traitement ne correspond pas à la date de facturation chez l’assureur, qui doivent bien entendu plus ou moins coïncider. Avec un bon argumentaire, les particularités du cabinet ou le profil de coûts peuvent être expliqués, même si c’est une tâche fastidieuse. Les collaborateurs de santésuisse tentent parfois de faire croire que la méthode de sélection opère une correction parfaite et qu’il est donc inutile d’apporter des explications. «Cela ne va pas seulement à l’encontre du texte de la convention, mais met aussi en évidence des situations où la correction de l’indice calculé par la méthode de sélection est tout simplement fausse», a conclu J. B. Reust.

Communication de cas et résultats ­intéressants

La méthode de sélection doit continuer d’être développée et affinée. La FMH s’engage en ce sens dans les négociations avec santésuisse et curafutura et continuera d’encourager l’échange à ce sujet entre toutes les parties prenantes. Nous vous invitons à nous faire part de vos expériences, des cas particuliers et intéressants, du comportement inapproprié de tarifsuisse SA ou de tout autre événement ou approche revêtant un intérêt géné­ral. N’hésitez pas à adresser vos propositions, vos questions et votre point de vue à la FMH (tarife.amb
ulant[at]fmh.ch). Les situations concrètes rencontrées sur le terrain révélant des problèmes de méthode sont des points de départ importants pour perfectionner et développer la méthode. La FMH recommande aux médecins concernés par une procédure d’économicité de prendre contact avec leur société cantonale de médecine ou leur centre de confiance.
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