To vaccinate, or not to vaccinate …?

FMH
Édition
2020/49
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19430
Bull Med Suisses. 2020;101(49):1637

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Publié le 02.12.2020

Un vaccin contre la Covid-19 se doit premièrement d’être sûr, deuxièmement d’être sûr, troisièmement d’être sûr, et quatrièmement d’être efficace. Pourquoi la sécurité doit-elle peser si lourd dans la balance? Une raison essentielle est que pour 90% de la population, une infection va connaître une évolution bénigne, et ce d’autant plus que la personne sera jeune. Il faut en tenir compte lorsqu’on évalue l’opportunité de vacciner le personnel de soins, qui, tant du point de vue de l’âge que de l’état de santé général, n’appartient pas à un groupe à risque susceptible d’évoluer vers une forme grave de la maladie. Tout problème de sécurité aurait pour effet potentiel de discréditer la vaccination en tant que telle, ce qui d’un point de vue de santé publique reviendrait à se tirer une balle dans le pied. J’écris cela en sachant que le temps presse et que la ­sécurité absolue n’existe pas. Il n’en reste pas moins ­exclu que nous jetions par-dessus bord les normes en vigueur en matière de sécurité vaccinale. Il faut au moins six mois d’observation après un vaccin pour évaluer les risques de réaction auto-immune. Et la complexité augmente encore dès lors qu’il est question de piqûres de rappel…
Toute question en matière de sécurité soulève également la question de la responsabilité. Impossible de mener des entretiens individuels avec chaque patient et d’obtenir son consentement éclairé en cas de vaccination de masse. Qui porterait le chapeau en cas de problème? Les fabricants, on le comprend, voudront endosser un degré de responsabilité aussi faible que possible. Une exigence exprimée en ce sens a déjà été rejetée par l’AEM au niveau européen. Comment la situation se présente-t-elle en Suisse? La responsabilité reviendrait-elle à la Confédération? Aux cantons? Dans l’actuelle situation de pandémie, il n’est pas envisageable que les médecins assument la responsabilité des accidents par le biais de leur assurance professionnelle, surtout s’ils vaccinent dans le cadre d’une campagne publique, et qu’il n’existe pas d’informations fiables quant aux effets secondaires immédiats ou à long terme qu’ils puissent fournir à leurs patients.
Quant à la question de l’efficacité: dans quelles quantités et avec quel niveau d’adéquation notre corps formerait-t-il des anticorps contre les antigènes générés par nos cellules suite à un vaccin à ARN messager? ­Fabriquerait-il des anticorps contre les vecteurs d’un vaccin vectorisé? A quelles réactions faut-il s’attendre? Des rappels seraient-ils possibles, resteraient-ils sans effet, ou induiraient-ils des effets indésirables? Contrairement à ces vaccins de type nouveau, ceux reposant sur la technique éprouvée des protéines recombinantes nécessitent du temps pour leur mise au point, car il est impossible d’accélérer les processus biologiques qui les fondent. Et si les vaccins recombinants ont prouvé leur efficacité pour les personnes jeunes, il n’en va pas toujours ainsi pour les personnes âgées. Il faut donc répondre à la question suivante: les vaccins à ARN messager fonctionneront-ils mieux ou moins bien que les vaccins traditionnels, surtout pour les personnes âgées et pour les groupes à risque? Comment définissons-nous l’efficacité: faut-il exiger une protection généralisée, à savoir que le vaccin protège de toute contagion et prévienne toute transmission, ou est-ce assez si le vaccin prévient les formes graves de la maladie et réduit significativement le nombre d’hospitali­sations et de décès? Il nous faut répondre à ces questions si nous voulons pouvoir peser en connaissance de cause les avantages et les risques de chaque vaccin. Sans parler de la question – importante – de la logistique, avec la nécessité de maintenir des températures de –20, voire –70 °C pour conserver certains vaccins. Quelles seront leurs durées de conservation, à quelle température faudra-t-il les stocker? Seront-ils livrés en seringues prêtes à l’emploi? Quels concepts logistiques faudra-t-il élaborer pour les cabinets, les EMS, les hôpitaux? Les questions restent nombreuses. C’est pourquoi il convient de viser en tout premier lieu une vaccination des personnes à risques, de manière à éviter une surcharge du système de soins, plutôt qu’une vaccination de masse dans l’idée d’induire une immunité de groupe.