L’impact du COVID-19 sur le ­secteur ambulatoire

FMH
Édition
2020/42
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19306
Bull Med Suisses. 2020;101(42):1331

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Médecine et tarifs ambulatoires

Publié le 13.10.2020

La pandémie de COVID-19 a eu et continue d’avoir un impact considérable sur le secteur ambulatoire en Suisse. L’interdiction des traitements médicaux «non ­urgents» décrétée par le Conseil fédéral durant les six semaines de semi-confinement a occasionné des pertes à hauteur de 117 millions de francs pour les cabinets médicaux et les centres médicaux ambulatoires. Ce chiffre tient déjà compte de l’indemnité en cas de ­réduction de l’horaire de travail pour le personnel. Durant cette période, pratiquement tous les fournisseurs de prestations ont été contraints d’exercer dans l’intérêt général (et de garder des réserves de capacité) avec une perte massive d’efficience. Quant à l’allocation perte de gain pour les propriétaires, elle n’a été accordée qu’aux cas de rigueur.
Tandis que les hôpitaux devaient se préparer à un afflux massif de patients présentant de graves complications, ce qu’ils ont fait de manière tout à fait remarquable, l’accès aux soins primaires a été rendu possible grâce aux acteurs du secteur ambulatoire, dans des conditions particulièrement difficiles. Les mesures d’hygiène accrues et les règles de distanciation engendrent une perte d’efficience durable pour les cabinets médicaux, qui restent des petites entreprises. Sur le plan statistique, les cabinets médicaux ont atteint seulement 93% du volume d’avant-crise à l’issue du semi-confinement, entre mai et juillet; au cours de cette période, les pertes se montent à 147 millions de francs par rapport aux résultats de l’année précédente. Les chiffres du monitoring de l’évolution des coûts de l’assurance-maladie (MOKKE) publiés par l’OFSP confirment cette baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de 5%.
Sur toute l’année, ces pertes se traduiront par une baisse de revenu à hauteur de 20% pour les cabinets médicaux et centres ambulatoires. Étant donné qu’il est exclu de prévoir des réserves, comme c’est le cas d’ordinaire en économie d’entreprise, pour toutes les prestations relevant de l’AOS (art. 59c, al. b, OAMal), les médecins installés devront s’adapter en réduisant leurs coûts.
Mais la pandémie n’est pas seulement synonyme de pertes de revenu; elle implique aussi des coûts supplémentaires conséquents pour le secteur ambulatoire. La prise en charge des patients ne peut se faire qu’en respectant des mesures de protection particulières. Le personnel des cabinets aussi doit être protégé à l’aide de mesures spéciales. Le 22 avril 2020, la FMH a publié un protocole indiquant comment protéger les patients, les médecins et le personnel d’une infection au coronavirus. Les surcoûts liés au matériel à usage unique supplémentaire, au temps supplémentaire nécessaire entre chaque patient (désinfection, etc.), au triage, aux consultations et instructions par téléphone par le médecin ou l’assistante médicale, sans oublier les arrêts de travail plus nombreux, sont estimés à environ 445 millions pour 2020.
D’après nos calculs, plus de 60% des soins prodigués par les cabinets et centres ambulatoires – y compris au plus fort de la crise – étaient de nature urgente. Les moins de 40% restants, considérés comme non ­urgents, ont été reportés.
Un ajustement temporaire des tarifs (p. ex. via la valeur du point) apparaît donc indispensable pour compenser les pertes induites par les coûts supplémentaires liés à la pandémie de COVID-19 (prestations d’intérêt général et perte d’efficience). Son financement relève à la fois de la Confédération, qui a interdit les traitements non urgents, et des assureurs-maladie, qui ont dû financer moins de prestations avec des primes inchangées.