Médecine et communication, deux facettes d’une même profession

Zu guter Letzt
Édition
2020/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19212
Bull Med Suisses. 2020;101(43):1436

Affiliations
Cheffe de la division Communication de la FMH et membre de la rédaction

Publié le 20.10.2020

Si j’ai une certitude, en tant que cheffe de la division Communication de la FMH, c’est que lorsqu’il est question de communication ou de médias, tout le monde est un spécialiste. Chacun sait parfaitement comment ça marche et l’on est sûr de recevoir des conseils pour faire tout mieux, plus vite et plus efficacement. J’ai tendance à prendre ces remarques comme des compliments, car à mon avis elles témoignent surtout du vif intérêt que suscitent la communication et les médias. Et la place substantielle dévolue à la communication professionnelle dans nombre de conversations est révélatrice de son importance.
Quant à vous, chers médecins, il arrive que l’intensité de votre quotidien vous fasse oublier une chose: c’est qu’à la différence peut-être d’autres professionnels, vous êtes par essence des communicateurs. Vous communiquez en permanence avec vos patients, vos confrè­res, les autres corps de métiers, et ce que vous dite­s a un impact considérable. Non pas seulement ce que vous dites, mais comment vous le dites; votre choix de mots, l’expression de votre visage, votre ton, votre gestuelle, votre posture, tout est communication. On a pu prouver que la manière dont vous communiquez a un effet tangible sur le bien-être et les chances de guérison des patients. Vos mots peuvent donner de l’espoir, ou au contraire le retirer définitivement.
Le rôle de la communication dans la pratique médicale est un sujet étudié et connu depuis longtemps, et a été ­attesté dans de nombreuses publications scientifiques. L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a publi­é un guide pratique intitulé «La communication dans la médecine au quotidien». Ses auteurs y mentionnent, parmi les conséquences d’une communication inadéquate, «le risque accru de poser un diagnostic erroné, la difficulté d’établir une relation de confiance, la multiplication des examens inutiles et la non-observance des prescriptions thérapeutiques» [1]. Par ailleurs, les problèmes le plus souvent rapportés par les patients hospitalisés relèvent du domaine de la communication (p. 5).
C’est dire s’il vaut la peine de se pencher sur la qualité de sa propre communication. Souvent, nous ne réfléchissons pas à la manière dont nous exprimons une idée, ni aux raisons qui nous poussent à le faire. Et souvent, nous nous contentons de reproduire ce que nous entendons dans notre entourage. Combien de fois pouvons-nous dire «en fait» dans une conversation? Et que voulons-nous dire en réalité? Nos paroles produisent des effets, même si nous n’en sommes pas toujours conscients. C’est souvent lorsque nous sommes nous-mêmes patients et qu’il est question de notre santé que nous nous mettons à écouter avec la plus grande attention. Quelle serait votre réaction en entendant votre médecin vous expliquer que vous avez en fait de bonnes chances de guérison? Quel effet va produire un médecin s’il dit à un patient souffrant d’hypertension «Je voudrais faire un ECG pour vérifier que tout va bien» ou au contra­ire «Je voudrais faire un ECG pour évaluer les dégâts sur votre cœur»? Il est assez facile d’imaginer, en fonction de la formulation choisie, comment le patient va vivre les jours qui le séparent dudit ECG. Une autre occasion de réfléchir aux stratégies de communication m’a été offerte par un couple d’amis, lorsqu’ils m’ont relaté comment, alors qu’ils étaient remplis d’espoir de devenir prochainement parents, un médecin consciencieux s’était ingénié à leur expliquer avec force statistiques éloquentes à l’appui, que leurs chances de concevoir un jour étaient pour ainsi dire négligeables.
Ces exemples peuvent paraître exagérés, mais n’en rencontrons-nous pas tous au moins quelques-uns dans nos vies? Il y a pourtant un truc assez simple, en matière de communication. Il consiste à réfléchir brièvement, avant d’ouvrir la bouche, à la manière dont nous recevrions notre message si nous en étions le destinataire. Oui, c’est tout simple, mais combien de fois oublions-nous de nous poser la question?
La citation ci-après ne peut être attribuée à un auteur particulier, mais je la trouve très parlante et à propos pour illus­trer l’importance d’une communication attentive.
Choisis bien tes pensées, car elles déterminent tes paroles.
Choisis bien tes paroles, car elles déterminent tes actions.
Choisis bien tes actions, car elles déterminent tes habitudes.
Choisis bien tes habitudes, car elles déterminent ton caractère.
Et sois attentif à ton caractère, car il déterminera ton destin.
Efforçons-nous, dans notre communication quoti­dienne, d’être attentifs à la manière dont nous choisissons nos mots, à ce que nous voulons communiquer et transmettre à notre interlocuteur. Et demandons-nous quel effet produiront nos paroles.
charlotte.schweizer[at]fmh.ch