Bâtir des ponts

Zu guter Letzt
Édition
2020/13
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18723
Bull Med Suisses. 2020;101(13):480

Affiliations
Dr. méd., Présidente de la section zurichoise de l’ASMAC

Publié le 24.03.2020

J’ai toujours aimé bâtir des ponts: de l’Hôpital de médecine intégrative à Arlesheim, à l’exercice de la médecine intensive à l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) en passant par une mission en Zambie et la politique professionnelle en Suisse. Tisser des liens entre la médecine de pointe et les pays émergents, entre la médecine universitaire et la médecine intégrative, entre les médecins effectuant leur assistanat et les médecins cadres est devenu une vocation.
J’ai accompli ma première année de médecine dans le service de chirurgie d’un hôpital régional où j’ai réalisé que j’avais plutôt le profil d’une interniste. Mes supérieurs étaient du même avis et m’ont engagée au service d’urgence interdisciplinaire, un endroit où je me sens toujours à ma place aujourd’hui. J’ai ensuite rejoint la policlinique de l’USZ où j’ai suivi, parallèlement à ma formation postgraduée universitaire, une formation complémentaire de trois ans en cours d’emploi en vue de l’obtention d’un titre de praticienne en médecine élargie par l’anthroposophie VAOAS/ISFM. J’ai toujours été intéressée par une vision globale de l’être humain qui tienne compte des aspects physiques, psychiques et spirituels. L’approche intégrative, soit le rapprochement entre la médecine traditionnelle et la médecine complémentaire, me paraît donc particulièrement pertinente et enrichissante.
Mais que serait le monde sans les avancées de la médecine traditionnelle?
J’allais en apprendre davantage à ce sujet en 2013, lorsque je me suis rendue dans un petit hôpital de brousse en Zambie où j’ai vu à la fois une joie de vivre et une misère indescriptible. En tant qu’être humain et médecin, j’ai ressenti une profonde impuissance face à la détresse de ces patients.
Je me souviens de la petite Daisy, 9 ans, atteinte d’un septum interventriculaire congénital qui ne pouvait plus rester couchée en raison d’un œdème pulmonaire et haletait appuyée sur ses bras frêles. Ou de ce jeune homme atteint du sida et rongé par la tuberculose qui, heureux, tenait un petit bol avec une bouillie de feuilles vertes. Encore aujourd’hui, je suis reconnaissante pour chaque repas pris à l’hôpital.
Ces expériences m’ont profondément marquée et transformée. J’ai alors voulu connaître la médecine qui se pratique à l’autre bout du spectre. Après l’obtention de mon titre de spécialiste en médecine interne en 2015, j’ai accepté un poste aux soins intensifs de chirurgie à l’USZ.
Un univers totalement différent. J’exerçais la médecine intensive dans une clinique de renommée mondiale et assistais aux prouesses des médecins et soignants que ceux-ci étaient capables de réaliser grâce à la technique. Les patients vivaient d’autres souffrances, mais étaient aussi en proie à des situations exceptionnelles sur le plan physique, psychique et spirituel. Dans cet espace entre la vie et la mort, j’ai été régulièrement confrontée à des dilemmes et à l’impuissance, malgré les méthodes de pointe. Et, dans cet environnement hors norme, j’ai aussi été touchée par mes collègues et tout particulièrement par les soignants, par leur engagement, leur professionnalisme, leur humanité et leur l’humour.
Ces années à l’Hôpital universitaire de Zurich m’ont fait grandir, me montrant l’importance d’une réflexion éthique au cœur de la médecine moderne. Une réflexion nourrie par ma formation en médecine intégrative.
Parallèlement à l’exercice de la médecine, je me suis lancée dans la politique professionnelle dès ma deuxième année de pratique. D’abord en tant que porte-parole des médecins en formation à la policlinique de l’USZ, puis en tant que membre du Comité de l’ASMAC des sections de Bâle et Zurich pendant plusieurs années. Depuis 2017, je préside la section zurichoise de l’ASMAC qui représente environ 5000 médecins. Des années riches en événements et en apprentissages. Là encore, ma tâche a été de créer des ponts, de tisser des liens entre des médecins en cours d’assistanat au bord de la rupture et des médecins en chef qui ploient sous les contraintes administratives, entre la base et les cadres supérieurs, entre les médecins en formation et la FMH/l’ISFM.
L’écoute, la compréhension, la disposition au compromis et parfois aussi la fermeté sont mes outils de travail.
Mais cette étape de vie touche bientôt à sa fin. Je vais quitter la présidence de l’ASMAC en milieu d’année pour relever un nouveau défi professionnel. Mes collègues de la section zurichoise de l’ASMAC et l’équipe des urgences de la Clinique Hirslanden vont me manquer!
Je me réjouis de participer à la création d’une unité de soins intermédiaires à la clinique de médecine intégrative d’Arlesheim et d’en reprendre les rênes conjointement avec le service des urgences. Je me retrouve ainsi à nouveau dans la région bâloise, à exercer dans mes disciplines préférées, au sein du centre hospitalier suisse pour la médecine élargie par l’anthroposophie. Un lieu rêvé pour continuer à bâtir des ponts.
jana.siroka[at]vsao-zh.ch