Admission des médecins: projet de loi dans la dernière ligne droite

FMH
Édition
2020/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18576
Bull Med Suisses. 2020;101(06):164-165

Affiliations
Responsable Affaires publiques de la FMH

Publié le 04.02.2020

Depuis deux décennies, le Parlement essaie d’établir une base légale durable pour l’admission des médecins. Depuis 2018, les deux Conseils examinent un ­projet de loi définitif et exhaustif pour la gestion des admissions. Reste à savoir si ce projet sera approuvé par le nouveau Parlement au printemps prochain ou s’il ­subira le même sort que les tentatives précédentes.
A l’origine, les discussions sur l’admission des fournisseurs de prestations et la volonté politique de réguler et de contrôler le nombre de médecins en cabinets privés ont commencé immédiatement après l’entrée en vigueur de la LAMal et la signature des Accords bilatéraux I.
La compétence du Conseil fédéral d’introduire une clause du besoin limitée à trois ans a tout d’abord été entérinée le 1er janvier 2001, en vue de répondre à l’évolution des coûts du secteur ambulatoire dans les années 1990 associée à la crainte que l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE (des 15 à l’époque), entré en vigueur en 2002, ne crée une dynamique de coûts supplémentaire.
Le Conseil fédéral a ensuite obtenu la compétence de faire dépendre de la preuve du besoin l’admission de médecins autorisés à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie. Cette réglementation concerne les médecins libéraux et salariés qui exercent en cabinet ou dans les centres ambulatoires des hôpitaux. ­Depuis 2013, une dérogation précise que la preuve du besoin n’est pas exigée des personnes qui ont travaillé pendant au moins trois ans dans un établissement de ­formation postgraduée suisse reconnu. Par ailleurs, les cantons peuvent corréler l’admission des médecins à des conditions.

Une longue histoire

Le Conseil fédéral a fait usage de sa compétence de ­piloter les admissions en publiant une première ordonnance le 3 juillet 2002. Prolongée ensuite à trois ­reprises, la limitation des admissions devait arriver à échéance à fin 2011. Après une hausse importante du nombre d’installations dans certaines régions, un ­arrêté fédéral d’urgence a signé sa réintroduction à l’été 2013 pour trois ans. En 2015, le projet de loi présenté a échoué d’une seule voix au vote final alors qu’il prévoyait une solution stable pour la gestion des ­admissions: la clause du besoin est donc de nouveau entrée en vigueur en 2016 pour une période limitée de trois ans. Elle a finalement été prolongée jusqu’en 2021 et devrait laisser la place à une gestion durable des ­admissions.
Le nouveau projet de loi que le Parlement examine ­depuis 2018 ne vise pas uniquement à remplacer une réglementation limitée dans le temps mais à réguler les admissions de manière beaucoup plus exhaustive que maintenant. Il prévoit, premièrement, d’augmenter la qualité et l’économicité des prestations en renforçant les exigences pour les fournisseurs de prestations. Le Conseil fédéral aura la compétence de définir les conditions, nommément dans le domaine du développement de la qualité, et de les corréler aux décisions d’admission. Deuxièmement, une procédure d’admission formelle sera introduite et, enfin, les nouvelles dispositions donneront aux cantons la possibilité de réguler eux-mêmes l’offre de soins en fonction de leurs besoins.

Amélioration qualitative

Le Parlement a fortement corrigé, à juste titre, la version proposée par le Conseil fédéral pour les dispositions relatives à la procédure d’admission formelle; il a poursuivi dans le sens de la réglementation en vigueur et l’a renforcée car elle est considérée comme un succès: «Poursuivre la limitation de l’admission à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins offre aux cantons qui en ont besoin un instrument de régulation efficace. […] Il ne s’agit pas d’un moratoire mais d’un pilotage limité de l’admission des médecins qui ne peuvent pas faire valoir trois ans de formation postgraduée dans un établissement suisse de formation reconnu. Les cantons qui n’ont pas besoin d’agir n’ont rien à faire. Le projet est fédéraliste et la possibilité d’intervenir en fonction de la situation permet de garantir la qualité et la sécurité des patients.» C’est avec ces mots que la conseillère nationale Ruth Humbel défendait en 2016 une prolongation supplémentaire de la gestion des admissions1. Entré dans le débat avec deux critères de qualité, le corps médical a tout d’abord ­proposé de renforcer celui des trois ans. À savoir, au lieu que «seuls les médecins ayant exercé pendant au moins trois ans dans un établissement suisse de formation postgraduée reconnu soient admis à pratiquer», il prévoit que ces trois ans soient accomplis dans la discipline demandée pour l’admission. Le nombre ­limité de postes disponibles par spécialisation dans les établissements de formation postgraduée suffira à limiter les admissions dans les disciplines concernées. Le deuxième critère, désormais repris dans la ­LAMal, concerne les exigences linguistiques. Les médecins doivent les attester dans une des langues ­officielles de leur région d’activité en se présentant à un examen de langue en Suisse. Cette attestation doit être fournie avant de démarrer l’activité médicale, mais ne concerne pas les médecins au bénéfice d’une maturité gymnasiale suisse. Ces exigences linguistiques plus strictes de niveau B2 permettent de ­garantir qu’un médecin est en mesure de communiquer au quotidien de manière fluide et nuancée avec l’équipe soignante, ses collègues et les patients.

Examen de langue?

La grande majorité des médecins suisses ont réussi un examen de maturité cantonale reconnu au niveau fédéral. Seule une petite minorité passe ce qu’on appelle la maturité fédérale. Lors de la session de décembre, la deuxième lecture du projet par le Conseil des États a été l’occasion d’explications importantes de la part du rapporteur de la commission de la santé. Il a notamment précisé que les deux maturités suffisaient pour l’admission et que les deux exemptaient de l’obligation d’attester les compétences linguistiques. Et si la langue parlée dans la région d’activité fait partie des branches de l’examen de maturité, le test de langue n’est plus nécessaire. Par ailleurs, il a été dit au nom de la majorité de la commission de la santé (du Conseil des États) qu’un médecin zurichois qui veut exercer à Genève n’a pas besoin d’examen de langue. Une maturité cantonale obtenue en allemand atteste d’un niveau de français suffisant. De manière purement formelle, la maturité obtenue en Suisse devrait suffire. En d’autres termes, un médecin au bénéfice d’une maturité suisse ne devrait donc pas avoir à passer un test de langue: telle est la volonté de la commission de la santé du Conseil des États.
Le Conseil des États a également avancé en direction d’un compromis pour les nombres maximaux de médecins; les fixer relèvera en effet de la compétence des cantons. Il aurait été suffisant que le Conseil des États décide de leur accorder la possibilité d’introduire des nombres maximaux pour le secteur ambulatoire. À l’inverse, il a opté pour un surplus de régulation et une disposition obligatoire. Il faut en revanche reconnaître qu’il s’est prononcé pour que les cantons ne soient pas obligés de geler les admissions lorsque l’augmentation des coûts dans une spécialisation particulière est supérieure à la moyenne. L’application des nombres maximaux telle que l’a décidée le Conseil des États serait ­acceptable dans son ensemble si elle passe la rampe 
et que les assureurs n’obtiennent effectivement pas le droit de recours contre les décisions cantonales concernant les nombres maximaux.
Précédemment déjà, le Conseil des États avait fait pression pour que l’assouplissement de l’obligation de contracter soit abandonné du projet de loi sur l’admission. Lors de la troisième lecture et de la conférence de conciliation – les délibérations seront poursuivies pendant la session de printemps – il s’agira pour l’essentiel d’éliminer la divergence de taille concernant la corré­lation du projet de loi sur l’admission au dossier sur le financement uniforme des prestations dans le secteur ambulatoire et stationnaire. Une nouvelle fois, une énième tentative du législateur de réglementer durablement l’admission des médecins pourrait se briser sur cette divergence.
bruno.henggi[at]fmh.ch