Mettons-nous à l'écoute ...

FMH
Édition
2019/45
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18381
Bull Med Suisses. 2019;100(45):1481

Affiliations
Dr méd., vice-président de la FMH, responsable du département Données, démographie et qualité (DDQ)

Publié le 06.11.2019

… si nous voulons vraiment servir nos patients! C’est là un des messages adressés à nos jeunes collègues en formation postgraduée, pour les encourager à dépasser la «sécurité» qu’offriraient les valeurs de laboratoire, l’imagerie médicale et les études randomisées et aborder la réalité concrète des problèmes et des besoins des patients qui nous confient leur santé. Or cette réalité, nous la rencontrons à raison de 2,7 problèmes par consultation, comme l’explique le Dr Bruno Kissling, ancien médecin de famille, dans un article à paraître la semaine prochaine. La complexité de ces problèmes montre par ailleurs que tant que nous évacuerons le contexte socioculturel et psychosocial de notre réflexion, nous resterons mal armés pour appréhender une réalité où la santé d’un patient dépend pour 70% de composantes contextuelles et comportementales. Ce sont là de vrais défis, que nous nous devons de relever avec nos patients. Sachant par ailleurs que notre société tend à rejeter vers le médical ce qui est encombrant au plan personnel ou sociétal, quels résultats pouvons-nous vraiment obtenir à l’aide de notre instrumentaire purement médical? Où sont les limites de la médecine? Où aller chercher de l’aide? David Sackett, qui est l’un des pères de la médecine basée sur les faits, nous donne le conseil suivant: Le plus puissant outil à votre disposition n’est autre que votre personnalité. Dans quelle mesure pouvons-nous nous fier aux résultats d’études médicales? En 2015, la FMH a publié le document de référence «Quelle est la qualité de la recherche médicale?»1, qui énumère les défis en la matière. En tant que médecins, nous devons aussi répondre aux exigences spécifiques de la polymorbidité, tout en tenant compte du caractère individuel des besoins et des souhaits de nos patients, dans leur contexte psycho­social et culturel. Et c’est là précisément que nous nous heurtons aux limites des études par ailleurs très valables au plan scientifique, car randomisées et contrôlées par des pairs. En effet, pour pouvoir évaluer la validité d’une hypothèse d’impact, il faut écarter autant que possible tout facteur extérieur, d’où la nécessité d’exclure systématiquement les patients présentant plusieurs pathologies. Le Dr Erik von Elm, directeur de Cochrane Suisse, confirme dans un entretien que seule l’expérience d’un médecin peut permettre de maîtriser des défis d’une telle complexité. Le simple fait d’obtenir la réponse à des questions ciblées crée l’espace nécessaire pour qu’il concentre son attention là où les ­résultats scientifiques, mais aussi les robots et les ordinateurs, trouvent leurs limites. Il a donc besoin de pouvoir accéder rapidement à des résultats de recherche de grande qualité, tout comme les patients lorsqu’ils souhaitent trouver des réponses fiables aux questions qu’ils se posent. Depuis 2016, toute la population suisse bénéficie d’un accès gratuit à la Cochrane Library. Cela permet à toutes les personnes intéressées d’améliorer leurs connaissances médicales et de prendre des décisions fondées quant à leur santé. Le réseau Cochrane pose des exigences élevées en termes de qualité des sources citées et des résumés. Comme l’explique le Dr Erik von Elm, les difficultés évoquées plus haut sont connues, et l’on s’emploie à les résoudre. Le Prof. Fabian Krause montre dans son article qu’un potentiel d’amélioration subsiste en termes de ciblage et d’actualité des sources référencées, et qu’un recours à l’expertise des sociétés de médecine pourrait permettre de le combler. Dans ce contexte, il est peut-être utile de rappeler la définition suivante: «Pratiquer une médecine basée sur les faits, c’est faire un usage consciencieux, ­explicite et judicieux des meilleures données à disposition en vue d’une prise de décisions optimale pour chaque patient. Cela revient à combiner l’expertise clinique du médecin aux meilleurs résultats de la recherche formalisée.» Les instruments que le réseau Cochrane met à notre disposition nous aident à travailler toujours au plus haut niveau. Pour faire mieux connaître la Cochrane Library et les avantages offerts par cet ­outil, la FMH et l’ASSM mènent actuellement une ­campagne d’in­formation conjointe, placée sous la bannière de la ­Cochrane Collaboration: «Des données probantes. Des décisions éclairées. Une meilleure santé.» Je tiens à remercier ici la Dre sc. Stefanie Hostettler, le Dr Bruno Kissling, le Prof. Fabian Krause et le Dr Erik von Elm pour leurs contributions qui apportent chacune un éclairage différent sur le réseau Cochrane. Tout n’est pas parfait, loin s’en faut, et rien ne le sera ­jamais, mais je suis convaincu que nous continuerons de progresser tant que nous resterons à l’écoute les uns des autres. Jouons résolument la carte de la communication!