Il est urgent de remplacer le TARMED par une structure tarifaire révisée et adaptée à son temps

La nouvelle structure tarifaire TARDOC est une nécessité

FMH
Édition
2019/49
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18360
Bull Med Suisses. 2019;100(49):1650-1652

Affiliations
a Dr sc. oec., responsable des tarifs chez curafutura; b chef de la division Médecine et tarifs ambulatoires, FMH

Publié le 03.12.2019

En juillet 2019, les partenaires tarifaires curafutura et FMH ont remis le nouveau tarif médical ambulatoire TARDOC au Conseil fédéral. Pour la première fois depuis des décennies, il existe enfin une structure tarifaire ambulatoire à la prestation ­actualisée et appropriée. Il incombe désormais à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de décider quand le nouveau tarif négocié par les partenaires tarifaires pourra remplacer le tarif TARMED.
Introduit le 1er janvier 2004 en tant que tarif médical national uniforme, le TARMED est la structure tarifaire permettant la facturation des prestations ambulatoires. Il comprend actuellement plus de 4600 positions et englobe toutes les prestations médicales et quelques prestations paramédicales pour les cabinets médicaux et le secteur hospitalier ambulatoire. Suite à plusieurs obstacles au sein de l’organisation TARMED Suisse, le TARMED n’a jamais vraiment pu être actualisé et développé. Il n’est donc plus adapté ni approprié et ne reflète plus la réalité économique et médicale. Rien d’étonnant dès lors qu’il soit dans le collimateur politique.

Histoire du développement du nouveau tarif

L’histoire de la révision du tarif TARMED est longue et semée d’embûches. Lancé par la FMH, seule, en 2010, le projet de révision a été poursuivi fin 2012 en collaboration avec la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM) et H+ les Hôpitaux de Suisse. En 2015, curafutura a rejoint le projet et participé au bureau commun des tarifs ambulatoires. Tous ces efforts visaient à mettre au point un tarif médical ambulatoire à la prestation entièrement remanié et approprié pour remplacer le TARMED. Après trois ans d’intenses négociations, les partenaires tarifaires (la FMH et curafutura) ont remis leur proposition de tarif TARDOC au Conseil fédéral le 12 juillet 2019 (voir aussi l’article du BMS 2019;100(31–32):1008–10). curafutura, la FMH et la CTM (qui ne doit pas faire approuver le tarif) montrent ainsi que le partenariat tarifaire fonctionne si les parties impliquées sont disposées à négocier et à faire des compromis. Les deux partenaires tarifaires s’accordent d’ailleurs à dire que les problèmes de ­tarification se résolvent mieux par l’expertise, le savoir-faire et l’engagement des partenaires tarifaires que par l’intervention des autorités ou l’introduction de tarifs officiels. De plus, les interventions ne permettent que des corrections partielles qui ont souvent un impact négatif sur d’autres parties du tarif en raison de leur interdépendance au sein de la structure.
Sur mandat du Conseil fédéral, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est désormais chargé de vérifier si la structure tarifaire est conforme aux dispositions légales et de décider des prochaines étapes. Il revient donc au Département fédéral de l’intérieur (DFI) et à l’OFSP de fixer l’échéance à laquelle le TARMED sera remplacé par un nouveau tarif actualisé et négocié avec les partenaires tarifaires.

Importance économique et sociétale

L’immobilisme de ces 15 dernières années autour du TARMED a généré beaucoup de résignation au sein du système de santé. Même si la nécessité d’une réforme devenait de plus en plus flagrante, personne ne croyait réellement au potentiel de révision du tarif alors qu’il s’agit du tarif le plus important du secteur de la santé en termes financiers. En 2018, environ 11 milliards de francs, soit à peu près un tiers de l’ensemble des prestations fournies à la charge de l’assurance obligatoire des soins (AOS), ont été facturés sur la base de ce tarif, sans compter les prestations à la charge des autres assurances sociales (assurance-invalidité, assurance-accidents et assurance militaire).
Même si la majeure partie des prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins sont fournies dans le secteur ambulatoire des cabinets (presque 7 milliards de francs), le secteur ambulatoire hospitalier (4 milliards de francs) a connu ces dernières années un développement relativement dynamique en raison du transfert des prestations de l’hospitalier vers l’ambulatoire. Le tarif médical ambulatoire a donc gagné en ­importance pour tout le domaine de l’AOS et la nécessité de le réformer est devenue encore plus marquée. ­N’oublions pas qu’une tarification inadaptée nuit à l’évolution technologique, suscite l’augmentation des coûts et peut être contraire aux tendances sociétales et politiques actuelles («l’ambulatoire avant l’hospitalier»).
Dans le meilleur des cas, le TARMED qui n’est plus ­approprié et ne répond plus aux critères d’économie d’entreprise conduit à une mauvaise répartition des ressources limitées de l’AOS et risque d’impacter directement l’économie. Dans le pire des cas, il pourrait même cimenter des structures déjà bien engourdies et nuire à la prise en charge médicale en Suisse. Mesuré à l’aune de ses performances économiques, le système de santé de notre pays est le deuxième plus cher au monde derrière celui des Etats-Unis. Il est évident qu’une société bénéficiant d’un tel degré de prospérité se doit de tout mettre en œuvre pour que son système de santé reste efficace, et l’un des moyens d’y parvenir consiste à élaborer des tarifs modernes et appropriés qui continueront d’être régulièrement développés.

Quelles sont les améliorations 
apportées par le TARDOC?

Vu de plus près, ce qui peut ressembler au premier abord à une copie du TARMED se révèle être entièrement différent. Par rapport au TARMED, TARDOC reflète l’éventail d’aujourd’hui des principales prestations médicales ambulatoires. En d’autres termes, les positions tarifaires non ambulatoires ont été supprimées, les nouvelles procédures et possibilités techniques prises en compte, mais aussi les activités relevant de la médecine de famille sont mieux représentées et la structure des différents chapitres a été totalement revue. Les propositions des médecins en pratique ­privée et des hôpitaux ont été reprises et intégrées pendant la phase du projet dédiée à l’élaboration de la structure tarifaire.
Le fait que le TARDOC soit actuel et plus approprié se traduit également dans les paramètres du modèle de tarification. Les coûts d’infrastructure et de personnel du TARDOC se fondent sur des données actuelles. Lorsqu’il n’a pas été possible d’utiliser les données existantes, les projections se sont basées sur l’état actuel des connaissances. En cours de projet, il n’a pas toujours été possible de croire que le TARDOC pouvait aboutir à une solution négociée entre les partenaires tarifaires présentant un ensemble de règles actualisées, notamment pour les limitations de volumes et de durées des prestations. Pourtant le résultat est là et le succès vient principalement de la volonté commune d’arriver à un tarif médical négocié et des efforts consentis par les partenaires engagés dans les négociations. Pour la qualité de la structure tarifaire révisée, il a été important que les médecins et les assureurs aient pu échanger leur point de vue; c’est aussi ce que montre le degré de précision atteint lors des discussions et des négociations. Tout cela s’est fait en sachant qu’un tarif n’est jamais définitif et qu’il doit constamment être adapté, perfectionné et développé. C’est pourquoi la solution TARDOC remise au Conseil fédéral comprend non seulement la structure tarifaire mais aussi une organisation tarifaire ainsi que des objectifs et processus de révision définis. Ces éléments clés pour une solution tarifaire durable ont été convenus et mis sur les rails par curafutura, la FMH et la CTM. L’organisation tarifaire existe depuis 2015, le secrétariat de l’ats-tms SA est opérationnel depuis 2016 et a fortement contribué au travail en commun des partenaires tarifaires. Actuellement, le Bureau des tarifs prend les mesures nécessaires en vue de l’introduction du ­TARDOC en 2021. L’organisation ats-tms serait indiquée pour devenir le bureau national du tarif médical ambulatoire, tel que le prévoit le Conseil fédéral dans son premier volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts.

Un tarif à la prestation à jour – 
la base des développements futurs

A l’instar du TARMED, le TARDOC est une structure ­tarifaire à la prestation. Or aujourd’hui, dans le monde tarifaire, l’instauration d’une structure à la prestation est de plus en plus critiquée au motif qu’elle créerait des incitatifs menant à une extension du volume prestations. Plusieurs voix exigent donc des forfaits pour la remplacer. Mais qu’il s’agisse d’un tarif à la prestation ou de forfaits, chaque structure tarifaire a ses propres incitatifs.
Pour les deux partenaires tarifaires, un tarif à la prestation actualisé et approprié, qui répond aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, est un prérequis à toute nouvelle étape de développement. Grâce à la nouvelle structure tarifaire TARDOC, il est possible d’effectuer des ajustements annuels et la structure du tarif à la prestation peut également servir de base à la création de forfaits dans des domaines appropriés. Ces forfaits ne doivent pas nécessairement être créés dans le TARDOC, mais peuvent être négociés individuellement entre le corps médical et les assureurs, p. ex. sur la base du TARDOC. Les forfaits pourraient s’appliquer lorsqu’un ensemble de prestations se laisse délimiter de manière claire et pertinente et que le temps nécessaire pour le fournir varie très peu (faible dispersion, notamment dans le domaine chirurgical ou radiologique). Si l’on se base sur un collectif de ­patients, les prestations cumulées devraient être de même durée.
Aujourd’hui, au fil des discussions controversées en politique de la santé, le tarif forfaitaire semble apparaître soudainement comme étant la panacée. Il faut cependant avoir présent à l’esprit qu’un tarif forfaitaire ne pourra jamais entièrement remplacer un tarif à la prestation, car il existera toujours des combinaisons de cas cliniques, d’examens et de traitements qui ne ­seront pas pris en compte de manière appropriée par les forfaits. De plus, un tarif forfaitaire peut, en cas de mauvaise différenciation, inciter les fournisseurs de prestations à sélectionner les risques.
Comme nous l’avions déjà mentionné dans l’article paru dans le Bulletin des médecins suisses (BMS) à la fin août 2019, l’ordonnance sur l’assurance-maladie prévoit que la nouvelle structure tarifaire ne doit pas générer de coûts supplémentaires. Les deux partenaires tarifaires respecteront donc la neutralité des coûts. curafutura et la FMH ont chacune remis au Conseil fédéral leur propre concept de neutralité des coûts, c’est-­à-dire un concept garantissant une transition neutre en termes de coûts entre l’ancien et le nouveau tarif. Alors que curafutura prévoit une normalisation (baisse linéaire) du nombre de points tarifaires sur l’ensemble de la structure, la FMH souhaite piloter la neutralité des coûts en adaptant les valeurs du point tarifaire sans toucher à la structure tarifaire basée sur les principes de l’économie d’entreprise. A ce propos, il est important de mentionner que les deux partenaires tarifaires ont remis exactement la même structure ­tarifaire au Conseil fédéral. Ce sera donc à lui de décider lequel des deux concepts de neutralité des coûts il souhaite mettre en place.

Perspectives

Il est urgent de remplacer le TARMED par une structure tarifaire révisée et moderne permettant de poursuivre le développement continu du tarif au travers d’organismes et de processus institutionnalisés. Le TARDOC est une solution ouverte sur l’avenir qui propose de nouvelles bases pour la facturation des prestations médicales ambulatoires. Pour la FMH et curafutura, il est important que le Conseil fédéral donne rapidement son feu vert afin que la version 1.0 du TARDOC puisse être introduite au plus tôt dans le domaine de l’assurance obligatoire des soins et que le processus de développement continu, rendu possible grâce au système évolutif que propose TARDOC, puisse être mis en place. C’est la seule manière d’harmoniser à l’avenir le niveau de pratique actuel et la facturation correcte des prestations et de donner au système de santé de notre pays une solution durable pour un tarif médical national approprié.

Eléments clés du TARDOC

• Structure tarifaire à la prestation pour la facturation des prestations médicales ambulatoires des cabinets médicaux, des institutions médicales ambulatoires et des hôpitaux
• 71 chapitres avec leurs sous-chapitres
• 2700 positions tarifaires (prestations au temps et à l’acte)
• Règles d’application et de facturation
• Organisation tarifaire ats-tms SA (www.ats-tms.ch) fondée en 2016, organisations responsables curafutura, FMH et CTM
• Dépôt de la structure tarifaire par curafutura et la FMH le 12 juillet 2019
FMH
Division Médecine
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