Symposium de la Société Suisse de Médecine Intensive

L’enfant en état critique et ses proches au cœur du débat

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2019/36
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18104
Bull Med Suisses. 2019;100(36):1182-1184

Affiliations
a Présidente soins de la SSMI, Zurich; b Dr méd., président du Groupe d’intérêts médecine intensive pédiatrique et néonatale (GI-MIPN) de la SSMI; c Pr Dr méd., président exécutif de la SSMI, Nyon; d Secrétariat général de la SSMI

Publié le 04.09.2019

Cette année, le symposium de la SSMI, événement devenu incontournable pour notre société, s’est tenu le 4 avril 2019 à l’Inselspital de Berne. Pour la première fois, cette manifestation n’était pas centrée sur le traitement des adultes en état critique, mais sur celui d’enfants nécessitant des soins en médecine intensive. Les ­aspects les plus divers de la médecine intensive néonatale et pédiatrique ainsi que la collaboration avec la médecine intensive pour adultes ont été abordés dans le cadre de plusieurs exposés.
En Suisse, 14 unités de soins intensifs de néonatologie et de pédiatrie reconnues prennent en charge les enfants dans un état critique dès la naissance. Environ six pour cent de tous les patients traités dans une unité de soins intensifs en Suisse sont des enfants. L’une des principales difficultés des unités de soins ­intensifs ­pédiatriques et de la médecine pédiatrique d’une manière générale est leur sous-financement. Comme les enfants sont généralement couverts par l’assurance de base, les revenus provenant de l’assurance complémentaire sont insuffisants. C’est pourquoi, selon Agnes Genewein d’Allkids, l’alliance des ­hôpitaux pédiatriques suisses, environ cinq pour cent des frais d’hospitalisation ne sont pas couverts. A long terme, cela ­signifie que les hôpitaux pédiatriques ne sont plus compétitifs en termes d’innovation et de développement du personnel. Un développement correspondant du système DRG devrait contribuer à améliorer la situation financière.
Un autre défi auquel sont confrontés quotidiennement les unités de soins intensifs pédiatriques en Suisse et à l’étranger est l’évaluation correcte du développement physique et mental des enfants selon les groupes d’âge. Cette évaluation est capitale pour pouvoir mettre en œuvre les mesures thérapeutiques adéquates et adaptées à l’âge de l’enfant. Ainsi, par exemple, un enfant de deux ans et un adolescent de 16 ans auront besoin de posologies médicamenteuses totalement différentes: ainsi, les doses exactes doivent être calculées individuellement pour tous les petits patients, pour des ­médicaments qui n’ont pas été développés pour les ­enfants, mais pour les adultes, comme le souligne Agnes Genewein. Marie-Hélène Perez, Pascaline Fusberti et Manuel Dias du CHUV montrent que les solutions adaptées aux besoins spécifiques des enfants, ­notamment du point de vue du mobilier hospitalier et des appareils, font souvent défaut. C’est le cas, par exemple, des lits d’hôpitaux ou des appareils d’assistance respiratoire qui, comme la plupart des médi­caments, ont été essentiellement développés pour les patients adultes et doivent donc être modifiés avant de pouvoir être utilisés chez les enfants. Mais la nécessité devient alors le moteur de l’invention! La médecine pour adultes a probablement des choses à apprendre de la médecine pédiatrique et néonatale, comme le fait remarquer Martin Stocker de l’Hôpital cantonal de ­Lucerne, par exemple en ce qui concerne l’exploitation optimale des prélèvements sanguins: aujourd’hui, la néonatologie a pris l’habitude d’obtenir un maximum de résultats pertinents pour le diagnostic à partir de très petites quantités de sang de nouveau-nés dans un état critique.

Nouvelle brochure de la SSMI «L’unité de soins intensifs pédiatriques»

Au cours du symposium 2019 de la SSMI, une nouvelle brochure de la SSMI consacrée à l’unité de soins intensifs pédiatriques a été présentée. Elle donne des informations importantes aux proches sur le traitement et la prise en charge des enfants dans un état critique. Ces informations sont illustrées par des témoignages authentiques de patients et de leurs proches. D’autres vécus et expériences sont rapportées sur notre site web. La publication est disponible en quatre langues (allemand, français, italien et anglais) et peut être commandée sur www.sgi-ssmi.ch sous la rubrique «Brochures».

Un accompagnement centré sur la famille

Du fait de l’état critique des petits patients des unités de soins intensifs, les proches ont, bien plus que dans d’autres services de l’hôpital, besoin de passer autant de temps que possible au chevet du malade, d’être informés sur les options thérapeutiques existantes ainsi que sur toutes les étapes du traitement.
Quand des membres de la famille rendent visite à un enfant dans un état critique pour la première fois aux soins intensifs, ils pénètrent généralement dans un univers inconnu et ne savent pas ce qui les attend. Etre bien informé est essentiel et les aide à surmonter le sentiment d’impuissance face à cette situation de crise. L’équipe de l’unité de soins intensifs accompagne les familles, prend le temps de répondre à leurs besoins personnels et leur fournit des renseignements détaillés, clairs et en toute transparence. L’équipe soignante s’efforce de donner à l’enfant un sentiment de sécurité maximale tout en impliquant activement les proches dans le processus de traitement et les mesures de soins infirmiers. Cette implication présente de nombreux avantages, comme Vincenzo Cannizzaro de l’Hôpital universitaire pédiatrique de Zurich le souligne. Il relève également que les parents sont les personnes qui connaissent le mieux l’enfant et ses antécédents médicaux. En outre, ils sont aujourd’hui le plus souvent très bien informés, ce qui en fait des partenaires compétents dans la prise de décision, comme le ­soulignent Ellen Wild de l’hôpital pédiatrique «Ost­schweizer Kinderspital» de Saint-Gall et Sandra Stalder de l’Hôpital cantonal de Lucerne dans leur présentation lors de ce symposium. C’est seulement sur une base de confiance mutuelle que l’équipe soignante et les proches pourront prendre des décisions importantes au nom de l’enfant qui se trouve dans un état critique et qui ne peut pas toujours exprimer sa propre volonté.
Mother And Daughter With Nurse In Intensive Care Unit
L’équipe soignante s’efforce de donner à l’enfant un sentiment de sécurité maximale tout en impliquant activement les proches dans le processus de traitement et les mesures de soins infirmiers.

De la médecine pédiatrique à la médecine pour adultes

Janic Spoerri est un jeune homme originaire d’Affoltern am Albis, qui a déjà passé beaucoup de temps en soins intensifs pédiatriques, dès sa naissance, en raison d’une malformation cardiaque congénitale. Avec sa mère Claudia, il a raconté lors du symposium son expérience et celle de sa famille, vécue durant son enfance et son adolescence. Ils parlent des nombreuses opérations qu’il a dû subir et de la manière dont ils ont vécu le passage de la médecine pédiatrique à la médecine pour adultes. Le témoignage de Janic et Claudia Spoerri est disponible sur le site web de la SSMI en ­webcasting.
Lorsque les enfants deviennent adolescents, la pédiatrie transfère les patientes et les patients atteints de malformations congénitales et de maladies chroniques dans un service de médecine pour adultes, qui s’occupe ensuite de leur traitement. En médecine intensive, ce «transfert» s’effectue vers 16 ans comme Reto Schüpbach de l’Hôpital universitaire de Zurich le mentionne dans sa présentation. Durant cette période de changement, une collaboration étroite entre la médecine pédiatrique et la médecine pour adultes est essentielle pour permettre une transition bien coordonnée, pour le patient comme pour les deux équipes soignantes. Les adolescents concernés, mais également les équipes soignantes de médecine pédiatrique et de médecine pour adultes peuvent par exemple béné­ficier de programmes de transition bien définis, comme c’est le cas par exemple en Angleterre1. Ces programmes de transition comportent plusieurs niveaux, qui garantissent que les jeunes, qui ont alors autour de 16 ans, soient bien informés au sujet de leur maladie et sur les traitements, actuels ou passés, tout au long de cette période de transition. En effet, au cours de ce passage à la médecine pour adultes, les jeunes deviennent plus autonomes et assument plus de responsabilités. Alors que, par le passé, les parents étaient les représentant de leur enfant, et directement impliqués dans la prise de décision, ils ne reçoivent désormais des informations qu’en concertation avec les jeunes patients. Cependant, l’expertise des parents reste essentielle pour la réussite du traitement expliquent Gaby Stoffel-Gehring de l’Hô­pital pédiatrique de Zurich et Dina-Maria Jakob de ­l’Inselspital de Berne dans leur exposé commun.
L’une des principales préoccupations de la SSMI est d’être une société qui représente la médecine intensive pour adultes et la médecine intensive pédiatrique d’une manière similaire. La SSMI s’efforce par conséquent d’intégrer plus largement la médecine intensive pédiatrique dans ses projets. Ainsi, la Commission pour la formation postgrade et continue des Médecins (CFPC-Médecins) examinera prochainement comment garantir l’équité entre la médecine intensive pédiatrique et la médecine intensive pour adultes au cours de l’examen commun pour l’obtention du titre de spécialiste fédéral.

L’essentiel en bref

• Les enfants représentent près de 6% des patientes et patients dans les services suisses de soins intensifs.
• La pédiatrie est sous-financée, environ 5% pour cent des frais d’hospitalisation ne sont pas couverts.
• Le dosage des médicaments doit être calculé individuellement pour chaque enfant, parce que les médicaments et les posologies standards sont mis au point pour des adultes.
• Par rapport aux autres services, les proches souhaitent davantage être impliqués dans les processus.
• L’équipe soignante s’efforce donc autant que possible de créer un climat de sécurité familiale et d’impliquer activement les proches dans toutes les mesures.
• Une bonne coordination de la transition entre médecine pédiatrique et médecine pour adultes est importante, tant pour les patientes et patients que les équipes soignantes.
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