Position de la Société Suisse d’Hypertension et de la Société Suisse de Dermatologie et Vénéréologie

Hydrochlorothiazide et risque de cancer de la peau: appel à la prudence

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2019/16
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.17768
Bull Med Suisses. 2019;100(16):576

Affiliations
a PD Dr, présidente de la Société Suisse d’Hypertension; b Dr méd., président de la Société Suisse de Dermatologie et Vénéréologie

Publié le 16.04.2019

Deux études cas-contrôles utilisant les registres danois de cancer et de prescription ont récemment rapporté l’association entre la prise d’hydrochlorothiazide (HCTZ) et le risque de cancer de la peau: carcinomes ­basocellulaires ou épidermoïdes, et mélanome no­dulaire. Ces deux publications montrent qu’une dose cumulée élevée d’HCTZ (>50 g) est associée à une augmentation dose-dépendante du risque de cancer de la peau, mais pas de type mélanome. Le risque était légèrement plus élevé pour les cancers épidermoïdes et ­négligeable pour les basocellulaires. Il faut cependant considérer le fait que le bénéfice sur la réduction de la mortalité liée à la baisse de pression artérielle grâce à l’HCTZ est beaucoup plus important que le faible risque de carcinomes épidermoïdes.
Il faut souligner des limitations importantes dans ces études. Premièrement, s’agissant d’études observationnelles, les associations statistiques ne prouvent pas la relation causale. L’hypertension est de plus souvent associée à d’autres facteurs de risque de cancer, comme le tabac. Néanmoins, une relation causale pourrait être favorisée par une photosensibilisation induite par l’HCTZ. Deuxièmement, une dose cumulative de 50 g est élevée: cela correspond à 12,5 mg d’HCTZ pris quotidiennement pendant plus de dix ans. C’est pourquoi les résultats de ces études pourraient être ­applicables seulement aux patients prenant de l’HCTZ durant une période prolongée. Troisièmement, les traitements antihypertenseurs comme l’HCTZ, en prolongeant la durée de vie, augmentent le temps à risque pour le développement de cancers. A notre connaissance, ces facteurs confondants n’ont pas été pris en compte de façon appropriée dans les études mentionnées précédemment. Quatrièmement, la population danoise a une peau plutôt claire. Hors les personnes de peau claire sont plus à risque de cancers de la peau. Enfin, l’information sur les prédispositions génétiques (mutations, par exemple), l’exposition au soleil ou aux ultraviolets, qui sont des facteurs de risque majeurs pour tous les types de cancer de la peau, manque dans ces études. C’est pourquoi il faut être prudent au moment de vouloir généraliser les résultats d’une population danoise aux autres populations.
Cependant, ces nouvelles données méritent d’être prises en considération. Etant donné qu’il existe potentiellement une augmentation du risque de carcinome épidermoïde avec la prise sur le long terme d’HCTZ, la Société Suisse d’Hypertension recommande d’autres alternatives chez les jeunes patients. Par précaution, l’HCTZ devrait également être évité chez ceux ayant déjà souffert par le passé de cancers épidermoïdes. La Société décourage aussi la prescription d’HCTZ chez les patients avec une anamnèse familiale positive ou une prédisposition génétique aux cancers ou pré-­cancers cutanés, ainsi que les patients sous immunosuppresseurs. Toutefois, pour la majorité des patients hypertendus, il n’y a aucune raison d’arrêter l’HCTZ au vu du faible risque de développer un cancer de la peau, négligeable par rapport au risque de ne pas traiter l’hyper­tension.
La Société Suisse d’Hypertension et la Société Suisse de Dermatologie et Vénéréologie recommandent d’évaluer le risque-bénéfice de la prescription d’HCTZ de façon individuelle. Le choix des antihypertenseurs doit toujours se baser sur les recommandations actuelles (www.swisshypertension.ch). Pour les patients sous HCTZ, la peau devrait être examinée par le généraliste annuellement. L’utilisation de crème protectrice contre les UV est recommandée de façon générale par les dermatologues pour la prévention des cancers cutanés, et un contrôle de la peau régulier est toujours suggéré même en l’absence d’HCTZ!
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