Impressions du 5e symposium MedEd

Perspectives de la formation médicale au XXIe siècle

FMH
Édition
2018/50
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17376
Bull Med Suisses. 2018;99(50):1770-1774

Affiliations
Dr méd. et lic. phil., rédacteur en chef

Publié le 12.12.2018

Le cinquième symposium MedEd qui s’est tenu le 12 septembre au Centre Paul Klee à Berne a une nouvelle fois proposé au public un programme intéressant et de nombreuses occasions d’échanges sur les questions liées à la formation médicale. Les conférenciers venus de Suisse et de l’étranger ont dressé un état des lieux passionnant de la formation prégraduée, postgraduée et continue et esquissé les perspectives pour l’avenir.
Werner Bauer, président de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) et hôte du symposium, s’est réjoui dans son discours d’ouverture de fêter un «petit anniversaire». C’était déjà en effet la cinquième édition du symposium ­MedEd dont il est l’initiateur et qui s’est bien établi dans le paysage suisse des congrès. Mais pour le président, ce n’est pas une raison pour se reposer sur ses lauriers: «Nous devons veiller désormais à ne pas tomber dans la routine», a-t-il rappelé à son équipe et à lui-même.
Le symposium MedEd a eu lieu pour la deuxième fois au Centre Paul Klee.
De telles craintes ne semblent pas se justifier pour l’instant. Le programme de cette année a en effet proposé des exposés de haut vol sur diverses questions de la ­formation médicale tout en fixant des priorités très ciblées. De plus, comme un peu de routine, tant appréciée et appelée de ses vœux par Werner Bauer, ne fait pas de mal, bien au contraire, une référence à SirWilliam Osler ne pouvait pas manquer à ce symposium MedEd. Cette année, le père canadien de la médecine a donc été ­représenté par une citation qui a pu être jugée provocatrice par une grande partie du public, selon son âge:
«Men above forty are rarely pioneers, rarely the creators in science or in literature […] Once across this line we teachers and consultants are in constant need of postgraduate study as an antidote against premature senility. Daily contacts with the bright young minds of our assistants are important aids.» 
(Lancet, 1900)

Paroles aimables du directeur de l’OFSP

Le bref discours d’ouverture de Pascal Strupler que ­précède traditionnellement un petit échange d’escarmouches entre le directeur de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) etWerner Bauer fait, lui aussi, partie de la «routine» du MedEd. Cette fois-ci, il portait sur l’«aimable» courrier que l’OFSP envoie occasionnellement à l’ISFM. Ce qualificatif s’applique également à l’exposé de Pascal Strupler. Après avoir remercié les formateurs pour leur engagement, le directeur de l’OFSP a souligné que la formation pré- et postgraduée était un aspect essentiel du système suisse de santé, connu pour sa très haute qualité. Il a en revanche adressé une légère critique aux représentants de l’ancienne génération de médecins dont l’idéal continue à résider dans le dévouement exclusif et sans compromis de toute leur vie pour la médecine, en reprenant ­librement les termes d’un article de journal. Or, la jeune génération de médecins a d’autres besoins. «Nous ­devrions l’admettre et non nous y opposer.» L’une des qualités de cette nouvelle génération de médecins ­réside dans leur ouverture d’esprit face aux nouvelles méthodes comme l’entraînement par la simulation.
Le président de l’ISFM, Werner Bauer, et le directeur de l’OFSP, Pascal Strupler, ont ­ouvert le symposium.

Les atouts de la simulation

Cette méthode a justement fait l’objet des deux premiers exposés principaux [1] de la journée. Oscar ­Traynor, professeur au Royal College of Surgeons of ­Ireland et directeur du National Surgical Training Centre, s’est exprimé sur le thème du «Training with Simu­lation». Selon lui, l’entraînement chirurgical est resté, sur le plan méthodique, à l’époque du XIXe siècle. C’est le cas de toutes les disciplines médicales alors que d’autres secteurs, comme l’aviation et l’armée, recourent principalement aux entraînements par la ­simulation, pour des raisons évidentes. Ainsi, les astronautes de la NASA étaient parfaitement préparés et entraînés sur le plan technique et situationnel dès leur première mission grâce à l’entraînement par la simulation. En revanche, certains futurs chirurgiens s’attribuent un statut d’expert dès lors qu’ils ont effectué une seule fois un type d’opération.
Oscar Traynor considère la simulation comme la méthode d’entraînement du XXI e siècle.
Oscar Traynor n’a pas remis en question la valeur d’une formation chirurgicale classique. L’acquisition des compétences requises exige des années de pratique mais se heurte aussi à la réduction croissante du temps de travail. La médecine devient par ailleurs de plus en plus technique, ce qui accroît en partie sa complexité. Si elle est intégrée à un cursus structuré, la simulation chirurgicale peut apporter de bonnes solutions aux nombreux défis actuels et futurs auxquels la formation chirurgicale pré- et postgraduée est confrontée. Oscar Traynor est même allé jusqu’à qualifier la simulation de «méthode d’entraînement du XXIe siècle». Dans sa présentation, il est arrivé à démontrer que son pays avait déjà atteint un standard élevé dans ce ­domaine.
Même si la Suisse n’est pas encore à ce niveau, des démarches prometteuses sont initiées dans notre pays. L’un des pionniers de l’entraînement par la simulation est Adrian Marty. Ce spécialiste en anesthésiologie dirige le Centre de simulation de l’Hôpital universitaire de Zurich. Dans son exposé, il a expliqué l’importance des entraînements par la simulation dans la formation postgraduée interprofessionnelle. Adrian Marty remarque cependant que les «chirurgiens continuent de préférer s’exercer sur des patients». L’idée que les ­entraînements par la simulation représentent un outil précieux et efficace notamment dans le contexte interprofessionnel semble faire son chemin même si elle est encore parfois rejetée. Il est surprenant de constater, même au sein d’équipes de professionnels, combien les différents membres d’une équipe ignorent en partie le niveau de compétences de leurs collègues. La communication joue un rôle clé dans la collaboration inter­professionnelle car les compétences nécessaires à la ­résolution des principaux problèmes sont en général disponibles au sein même de l’équipe. C’est pourquoi le centre d’Adrian Marty ne propose pas uniquement des entraînements «techniques», mais également des ­scénarios d’entraînement à des situations interactives, destinés par exemple aux équipes des cabinets de ­médecin de famille.
Adrian Marty, directeur du Centre de simulation de l’Hôpital universitaire de Zurich.

Conseils d’experts pour de meilleures présentations

Dans son exposé intitulé «Clinical Teaching – more than just Presentation», Scott C. Litin a présenté les principes de l’approche communicative. Les conseils de l’ancien président de la Mayo Clinic Faculty de Rochester aux Etats-Unis sont simples, concrets et très explicites. Un exposé doit être une «performance». L’art et la manière de transmettre un message sont tout aussi importants que le message véhiculé. Une attitude détendue, le contact visuel avec le public, une intonation vivante ainsi qu’une élocution mesurée, habilement ponctuée de pauses, sont des éléments essentiels. Un sourire ­occasionnel et le recours à l’humour peuvent fortement agrémenter un exposé. Une présentation bien ­organisée comprend une brève introduction, limite le nombre de points par transparent et s’achève par une courte récapitulation en trois points au maximum. Scott C. Litin n’a pas hésité à aborder des détails comme la taille des caractères sur les transparents (il recommande comme norme 32 points, 24 au minimum), les polices de caractères (sans empattement) et les combinaisons de couleurs (une écriture blanche sur fond bleu est idéale). Des photos ou de courtes séquences vidéo peuvent également contribuer au succès de la présentation, surtout lorsqu’elles viennent compléter de manière originale ou drôle les déclarations de l’intervenant. La présentation de Litin elle-même a parfaitement confirmé l’efficacité de sa méthode.
L’exposé comme performance : Scott Litin.

Evidence-based medicine (EBM) – ­avantages et limites

Le principal exposé de l’après-midi a été consacré aux «Avantages et limites de l’EBM – conséquences pour la formation continue». L’intervenant Reto Krapf a tout d’abord souligné ne pas être un spécialiste de la formation médicale (continue). Néanmoins, il a présenté ensuite une multitude de facts and figures qui sont venus appuyer ses conclusions de manière convaincante. Même s’il a constaté que l’EBM avait apporté d’énormes progrès pour des pathologies isolées bien définies, il reste persuadé qu’elle s’avère insuffisante pour les «populations de patients modernes, hétérogènes et multimorbides». La principale raison de ce constat réside dans le fait que les résultats de l’EBM ne sont pas obtenus auprès des mêmes collectifs de ­patients que ceux qui bénéficieront plus tard d’une médication ou d’une intervention sur la base de ces résultats. Reto Krapf voit en revanche un grand potentiel dans la fameuse technologie du blockchain. On entend par là le recours à des banques de données centrales en vue d’un échange transparent des données médicales entre les patients et les partenaires de santé. Cette ­méthode permettrait peut-être de remplacer l’EBM par une MBE, une Medicine-based evidence,qui serait, selon Krapf, bénéfique aux patients individuels. La réussite de ce processus exige, toutefois, la primauté d’une bonne analyse et prise en charge médicales.
Le Professeur Mathieu Nendaz, qui a présidé le programme de l’après-midi, 
en conversation avec Reto Krapf.

Trois ateliers de travail et une table ronde

L’après-midi du symposium a commencé par trois ­ateliers de travail parallèles [1] consacrés aux thèmes suivants:
– Supporting your learners: yes, but how? [2]
– Ist interprofessionelle Weiterbildung machbar? [3]
– Gestion du professionnalisme ou de son manquement en formation pré- ou postgraduée [4]
Le podium final (de gauche à droite): Philippe Luchsinger, Werner Kübler, Nathalie Koch, Stefan Spycher, Sandro Stöckli et Iwan Rickenbacher (modérateur).
Le symposium s’est achevé par une table ronde animée par Iwan Rickenbacher, très à l’aise comme toujours [5]. Le thème choisi «De la formation continue à la (re)certification?» était potentiellement explosif. Mais le ­débat très constructif a empêché les esprits de s’enflammer. «Nos positions sont axées sur la résolution des problèmes», a répondu d’entrée le vice-directeur de l’OFSP Stefan Spycher à la question de savoir si notre système de formation continue était d’un niveau suffisamment élevé. Avant de prendre d’éventuelles mesures, il faut d’abord savoir si on est véritablement face à un problème. Les connaissances dans ce domaine présentent encore tellement de lacunes qu’il est trop tôt pour entrer dans les détails. Philippe Luchsinger,président de Médecins de famille et de l’enfance Suisse (mfe), s’est montré satisfait du système actuel qui lui permet de combler ses lacunes professionnelles de ­manière responsable. Werner Kübler, Nathalie Koch et Sandro Stöckli ont identifié, quant à eux, un potentiel d’amélioration dans la structure et le contrôle de la ­formation continue. La (re)certification des titres de spécialiste ne semble pas, en revanche, être à l’ordre du jour, du moins elle ne l’était pas à la table ronde. Pour Nathalie Koch, le contrôle de la formation continue constitue un problème majeur du fait que la médecine ne cesse de se personnaliser. Il n’est plus nécessaire que tous les médecins sachent tout, d’où la difficulté ­croissante de décider de ce qui doit être contrôlé. ­Philippe Luchsinger a plaidé en faveur de l’interprofessionnalité. Les médecins de famille ont parfaitement conscience qu’ils ne pourront plus continuer leur pratique comme par le passé. C’est pourquoi mfe se mobilise pour que l’interprofessionnalité joue un rôle croissant dans la formation continue. Dans sa dernière prise de parole, Werner Kübler rappelle que la créativité et la compétition doivent encore avoir de la place dans la formation continue, une déclaration à laquelle tous les invités de la table ronde ont semblé adhérer, comme probablement une grande partie de l’auditoire.
Le 5 e symposium MedEd a de nouveau attiré un public nombreux.
Le prochain symposium MedEd aura lieu le 11 septembre 2019, à nouveau au Centre Paul Klee à Berne.

ISFM Award 2018: les lauréats

Les noms des lauréats de l’ISFM Award 2018 récompensés pour leur ­engagement exceptionnel dans la formation postgraduée ont été rendus publics dans le cadre du cinquième symposium MedEd. Ce prix est décerné sur la base des nominations proposées par d’anciens médecins-assistants. Les formateurs suivants sont les lauréats 2018:
Dr Alfredo Addeo, Genève; PD Dr Nicolas Attigah, Zurich; Dr Nadia Berkane, Genève; Dr Hansulrich Blunier, Schüpfen; Dr Christian Candrian, Lugano; Dr Andrea Cantisani, Berne; Dr Christophe Coste, Chêne-Bourg; Dr Stephan Eliez, Genève; Dr Katrin Feller, Berne; Dr Aikaterini Galimanis, Berne; Dr Andreas Geiser, ­Schlieren; Prof. Daniel Genné, Bienne; Dr Katharina Gessler, ­Barmelweid; Dr Vincent Guggi, Payerne; Dr Samuel Henz, Rorschach; Dr Christine Roten, Berne; Dr Christoph Schlegel, Lucerne; Dr Moritz Schürch, Glaris; Dr Igor Schwegler, Zurich; Dr Rahel Schwotzer, Zurich; PD Dr Michael Soyka, Zurich; Dr Victor ­Speidel, Thoune; Dr Gerd Stuckmann, Winterthour; Dr Brigitta ­Thomann, Schlieren; Dr Seline Voney, Bienne; Dr Franca Wagner, Berne; Prof. Dr Markus Weber, Saint-Gall.
bkesseli[at]emh.ch
1 Les présentations des principaux exposés et séminaires sont ­disponibles sur le lien suivant: www.fmh.ch/fr/formation-isfm/themes/symposium-meded.html.
2 Direction: Dr Werner Bauer, Professeur Oscar Traynor, MD, ­Professeur Scott C. Litin.
3 Direction: Dr Raphael Stolz, vice-président de l’ISFM; Dr Dieter von Ow, médecin-chef adjoint, Service central des urgences, Hôpital cantonal de Saint-Gall; PD Dr André Mihaljevic, M.Sc., Clinique de chirurgie générale, viscérale et transplantatoire, Clinique universitaire de Heidelberg.
4 Direction: Nadia Bajwa, MD, MHPE Université de Genève, Faculté de médecine, Hôpitaux universitaires de Genève; Naïke Bochatay, MSc, Université de Genève, Faculté de médecine; Aurélie Mauer­hofer, MD, Centre hospitalier universitaire vaudois; Anja Zyska ­Cherix, MD, présidente de l’ASMAC.
5 Ont participé à la table ronde: Prof. Dr Iwan Rickenbacher ­(modérateur), professeur honoraire de communication politique à l’Université de Berne; Dr Nathalie Koch, adjointe à la direction médicale, responsable du suivi et du développement des compétences médicales, CHUV, Lausanne; Dr Werner Kübler, directeur hospitalier, Hôpital universitaire, Bâle; Dr Philippe Luchsinger, président de Médecins de famille Suisse; Dr Stefan Spycher, vice-directeur, responsable de l’unité de direction Politique de la santé, Office fédéral de la santé publique (OFSP); Prof. Dr Sandro Stöckli, membre de la direction de l’Hôpital cantonal de Saint-Gall, médecin-chef de la clinique ORL.