Nous sommes-nous tout simplement habitués à la grippe?

FMH
Édition
2018/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17254
Bull Med Suisses. 2018;99(43):1482-1483

Affiliations
a responsable de projet Journée nationale de vaccination contre la grippe, Collège de médecine de premier recours (CMPR)
b collaboratrice scientifique, division Santé publique, FMH

Publié le 24.10.2018

Au cours de la saison 2017/2018, la grippe saisonnière s’est traduite par un nombre estimé de 331 000 consultations médicales – un chiffre qui n’avait plus été atteint depuis plusieurs années. Nombre de ces cas, ainsi que les séjours hospitaliers en résultant, pourraient être évités par la vaccination contre la grippe. Ce point est important, car en 2018 aussi, la vague de grippe arrivera tôt ou tard en Suisse. Malgré cela, la couverture vaccinale en Suisse reste faible depuis des années. On peut se demander à quoi cela est dû. Voici une tentative d’explication.

Connaissances lacunaires de la ­population

Dans la population, beaucoup de gens confondent la grippe saisonnière avec un refroidissement (plus ou moins inoffensif). Pourtant, un rhume associé à des maux de gorge n’est en aucun cas une grippe. Celle-ci se caractérise notamment par l’apparition soudaine d’une forte fièvre (>39 °C). Souvent, elle cloue au lit les personnes touchées pendant plus d’une semaine. Il s’agit donc d’accomplir un travail d’information individuel dans le cadre des compétences en matière de santé. En effet, celui qui considère un refroidissement sans gravité comme une grippe ne se fera très probablement pas vacciner, étant donné que les symptômes ne sont pas perçus comme suffisamment sévères.

Les individus ne se sentent pas concernés

Celui qui interroge son entourage est vite confronté à la question suivante: pourquoi dois-je me faire vacciner alors que je n’ai jamais eu la grippe au cours des dernières années? Là aussi, un travail d’information est nécessaire. D’une part, il s’agit de rendre attentif à la solidarité et à l’immunité de groupe, un argument essentiel. D’autre part, il faut aussi présenter la problématique de la modification des virus par mutation. Parfois, ce travail d’information est considéré comme un travail de Sisyphe, car les opinions des personnes concernées sont souvent déjà arrêtées. Il est difficile pour elles, dans ces conditions, de remettre en question leur attitude. De plus, nous sommes tous marqués par la culture dans laquelle nous avons grandi. Si la vaccination contre la grippe ne fait pas partie de cette culture, nous aurons plutôt tendance à ne pas envisager de nous faire vacciner.
Il est important que les professionnels de la santé tentent à l’avenir aussi de pallier ce manque de connaissances. Ainsi, les préjugés et l’ignorance seront combattus, au profit de la promotion des compétences en matière de santé. Ce qui nous ramène au travail de Sisyphe: les déclarations comme «j’ai attrapé la grippe à cause de la vaccination contre la grippe» ou «hier, j’ai eu une courte grippe» demandent des explications plus longues et plus approfondies. Il est plus simple d’accomplir cette tâche en regroupant les forces et profitant des synergies existantes.

Réticence à la vaccination

Cette tâche des professionnels de la santé nous amène justement à un autre sujet récurrent: chez eux aussi, il existe de fortes réticences à la vaccination, pour différentes raisons qui ne seront pas approfondies ici. Cette réticence constitue depuis des années un défi.
Se pose donc la question de savoir comment s’y prendre. En Suisse et dans le monde, les approches sont multiples. L’introduction d’une obligation de vaccination revient régulièrement dans le débat. Jusqu’ici, elle n’a pas été réalisée en raison de considérations morales et éthiques, probablement à juste titre. Des approches innovantes, notamment mises en œuvre dans le secteur hospitalier, présentent un potentiel bien plus important. Mais là aussi, il s’agit au final de sensibiliser et d’informer en continu, même si les résultats restent modestes et que la couverture vaccinale chez les professionnels de la santé demeure faible. L’approche interprofessionnelle offre un potentiel d’amélioration: la prévention de la grippe, c’est aussi unir les forces, exploi­ter les synergies et mettre en œuvre les bonnes approches à plus large échelle pour que les projets et idées à succès ne restent pas des épiphénomènes.
Du côté des médecins (en particulier les médecins de famille et les pédiatres), la Journée nationale de vaccination contre la grippe, mise en place à l’initiative du Collège de médecine de premier recours (CMPR), contribue depuis 2004 à la prévention de la grippe. Cette année, elle se déroulera le vendredi 9 novembre 2018. Pour la première fois, elle est placée sous le patronage de la Fédération des médecins suisses (FMH) et organisée en collaboration avec la Société suisse des pharmaciens (pharmaSuisse).
Le vendredi 9 novembre 2018, toutes les personnes intéressées pourront se faire vacciner contre la grippe, aussi de manière spontanée et à un prix forfaitaire recommandé («all inclusive») de 30 francs. Cette offre est proposée:
– dans tous les cabinets médicaux participants, à toute personne intéressée (pas uniquement la patientèle). La liste de ces cabinets est disponible sur le site du CMPR: www.kollegium.ch;
– dans toutes les pharmacies participantes, à toute personne adulte en bonne santé. Les pharmacies accro­cheront des affiches sur la Journée nationale de vaccination contre la grippe pour signaler leur participation à cette action. La liste des pharmacies qui pratiquent la vaccination est disponible sur www.vaccinationenpharmacie.ch.
Même en 2018, la grippe n’est pas une maladie anodine. Il serait dramatique que nous nous habituions à son apparition récurrente. Nous tous sommes tenus de faire notre travail, que ce soit par l’information ou la remise en question des habitudes personnelles. La grippe n’est pas un problème qui ne concerne que les autres. Aujourd’hui, la solidarité est plus importante que jamais, notamment quand il s’agit de la grippe.
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