Une grande solitude
Se donner le temps de souffler grâce à ReMed

Une grande solitude

FMH
Édition
2018/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06764
Bull Med Suisses. 2018;99(22):697-698

Affiliations
a,b Dr méd., membres du comité de direction de ReMed

Publié le 30.05.2018

Aucune équipe médicale, un manque de soutien de la part des supérieurs hiérarchiques, des heures supplémentaires qui ne se comptent plus… Pas facile de conserver une bonne santé psychique, et encore moins la passion de la médecine, dans de telles conditions. L’histoire qui suit montre comment ReMed, le réseau de soutien pour les médecins, a aidé une médecin-assistante à surmonter ses difficultés.
Ma jeune consœur me contacte par courriel via ReMed. A sa demande et comme la distance géographique nous le permet, nous convenons de nous rencontrer dans mon cabinet. Soulagée d’avoir trouvé quelqu’un pour l’écouter, elle se confie et m’explique pourquoi elle a besoin d’aide. «Je suis médecin-assistante, en quatrième année de ma formation postgraduée d’interniste. L’année passée a déjà été difficile parce que je ne me suis pas sentie soutenue par mes supérieurs et la clinique. Au lieu de recevoir de l’aide, j’avais toujours plus l’impression d’être délaissée et de faire les frais des conflits entre les différents spécialistes. Alors j’ai commencé à perdre ma motivation, la médecine me plaît de moins en moins, et maintenant je suis en pleine dépression. Cela ne peut pas continuer comme ça. Heureusement, le service du personnel m’a parlé de ReMed.»

Du doute à la dépression

Ma consœur avait commencé son année actuelle de formation par une mauvaise surprise: elle avait compté profiter des formations postgraduées proposées par l’hôpital universitaire, mais, à sa grande déception, elle a été affectée dans un une clinique privée affiliée au grand centre hospitalier. Elle n’a pas eu le courage de s’y opposer, car elle se sentait peu sûre d’elle et, comme tous ses collègues, elle redoutait des retombées dans l’évaluation globale – même si ses appréciations avaient toujours été positives et ses entretiens de qualification s’étaient tous bien passés.

ReMed est là pour vous

Avez-vous ou quelqu’un de votre entourage a-t-il besoin d’un soutien professionnel? Dans ce cas, n’hésitez pas à contacter ­ReMed: le réseau de soutien pour les médecins vous conseillera de manière compétente dans le respect du secret médical. ReMed peut également intervenir dans d’autres situations de crise professionnelles ou personnelles. Cette offre s’adresse aussi aux personnes de l’entourage de médecins. 24 heures sur 24. Un des médecins conseillers se manifeste dans les 72 heures: www.swiss-remed.ch, help[at]swissremed.ch, tél. 0800 0 73633.
Dans son nouvel environnement, elle a de plus en plus douté de ses capacités. Elle raconte qu’elle avait déjà souffert d’une phase dépressive pendant ses études, après avoir raté un examen. Jusqu’ici, elle n’avait encore jamais demandé de l’aide à un professionnel – par honte. Elle n’a entamé une psychothérapie que très récemment. Elle voit son psychiatre seulement une fois par mois, et il examine surtout les taux de son antidépresseur dans le sang, ce qui ne lui sert à rien du tout.

Epuisée et livrée à elle-même

Son nouveau poste imposé dans le cadre de la rotation l’a achevée. Chaque semestre, le centre hospitalier met un nouveau médecin-assistant à disposition de la clinique privée concernée. «Le travail y est très solitaire. A part le chef, il n’y a personne à qui s’adresser pour les questions médicales.» Au lieu de retrouver confiance dans un milieu à taille plus humaine, ma consœur se sent dépassée et lutte maintenant contre des angoisses qui la bloquent. «J’ai de plus en plus peur de faire des erreurs médicales lourdes de conséquences et n’arrête pas de contrôler toutes mes ordonnances. J’accumule les heures supplémentaires, c’est un cercle vicieux.» Les tâches administratives, qui prennent toujours plus de temps, accroissent encore la pression.
Pour des raisons d’organisation, elle n’a plus pu participer aux formations postgraduées et craint maintenant que ce semestre ne soit même pas validé pour sa formation postgraduée. «J’ai essayé d’en parler à mon chef, je lui ai dit que je n’allais pas bien… mais il n’a pas compris.» Elle dort mal, a de la peine à se concentrer et devient toujours plus nerveuse. Bref, elle ne se sent plus capable de continuer son travail.

Groupes de parole

En Suisse romande (Neuchâtel, Lausanne ou Genève), des groupes de parole composés d’au moins quatre médecins intéressés (installés et/ou en formation postgraduée) et animés par un ou deux médecins sont prévus trois ou quatre fois par année. Les réunions sont l’occasion de discuter et d’échanger autour de problèmes de formation, d’organisation du travail, de relation avec les patients ou, selon les intérêts du groupe, d’autres sujets qui posent problème au travail et risquent de démotiver les médecins. Les personnes intéressées sont priées de prendre contact avec la Dr Carole Weil (dr.c.weil@hin.ch) ou le Dr Franco R. Gusberti (frgusberti@hin.ch).

Une pause pour respirer et parler

Pour clarifier cette situation, la première chose à faire est de régulariser la relation de ma consœur avec son psychiatre. Ensuite, je discute avec elle le procédé et comment mettre en route un traitement psychiatrique et psychothérapeutique combinant un autre antidépresseur et un arrêt de ­travail temporaire. En ce qui concerne la période de pause, je souligne à quel point il est important de prévoir un, voire deux entretiens par semaine pour analyser pré­cisément son quo­tidien ­actuel et en discuter. Cet échange est décisif, car il peut l’aider à surmonter cette période difficile et à trouver des solutions concrètes à ses problèmes. Elle peut aussi me téléphoner en cas d’urgence. Par ailleurs, je lui ai conseillé de consulter le juriste de la section cantonale de l’Association suisse des médecins-assistants 
et chefs de clinique (ASMAC), qui peut intervenir en 
sa faveur concernant la reconnaissance de la formation postgraduée et défendre ses droits de médecin-­assistante.
Lorsque la formation postgraduée épuise au lieu de renforcer la motivation d’être médecin: l’équipe de conseil médical de ReMed, le réseau de soutien pour les médecins, est à l’écoute et vient en aide.
Ma jeune consœur craint cependant que ce type de procédure ne nuise à sa réputation auprès de ses supérieurs, de l’hôpital et de futurs employeurs. Il n’a pas été facile de trouver une solution qui lui permette après quelques semaines de sortir de cette passe délicate. Depuis, elle a déjà repris le travail, apprend à se défendre et exerce son métier avec un plaisir croissant.

Intervisions ReMed pour les premiers répondants et les membres du réseau

En plus du soutien apporté aux médecins qui demandent conseil, ReMed organise depuis 2009 des intervisions régionales pour que les médecins ayant des confrères pour patients puissent échanger leurs expériences. Ces intervisions permettent la mise en réseau et la constitution de groupes de pairs (6 à 8 participants, 2 ou 3 rencontres par année) qui abordent ensemble des questions concrètes liées au mentorat, au coaching, au conseil, à la thérapie ou à d’autres aspects (droit, assurances, etc.). N’hésitez pas à nous contacter et à participer à une de nos réunions pour vous faire une idée de notre travail. Contact et inscription: Dr méd. Sabine Werner, membre du conseil de direction de ReMed, dr.s.werner[at]hin.ch
Prochaines dates en 2018: 7 juin, 21 juin, 20 septembre, 25 octobre et 15 novembre, de 14 h à 18 h, Zurich.

Contrer la pression et la stigmatisation

Dans les milieux médicaux, les arrêts maladie sont souvent mal vus, même lorsqu’ils se justifient à long terme et sont finalement profitables à l’hôpital. La pensée à court terme sous stress domine l’ambiance au travail et la tendance semble parfois être à la stigmatisation: les phases de dépression sont souvent considérées à tort comme une faiblesse ou une incapacité. Pourquoi? Que faire? Force est de constater qu’aujourd’hui, le système entier est sous pression. En conséquence, beaucoup de jeunes médecins perdent leur motivation et ont peur de ne pas tenir le coup. Combien de jeunes confrères et consœurs restera-t-il pour assurer la relève? Il est urgent de prendre des mesures pour les soutenir.
Mirjam Tanner
mirjam.tanner[at]hin.ch
Franco Renato Gusberti
frgusberti[at]hin.ch