Entretien avec Stefan Neuner-Jehle, spécialiste en médecine interne générale à propos de la fiche d’information «Bien utiliser les antibiotiques»

«Il faut sensibiliser les patients»

FMH
Édition
2018/1314
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06569
Bull Med Suisses. 2018;99(1314):422-423

Affiliations
a Dr méd., MPH, spécialiste en médecine interne générale; b Cheffe de la division Santé publique, FMH;
c collaboratrice scientifique à la division Santé publique, FMH

Publié le 28.03.2018

Etes-vous directement confronté au problème 
de la multiplication des bactéries résistantes aux antibiotiques?
Il m’arrive parfois d’observer des infections des voies urinaires ou de plaies résistantes. Dans ma pratique ­clinique, je suis cependant rarement confronté à des ­infections bactériennes résistantes. La plupart des ­infections de nos patients en ambulatoire peuvent être combattues par un traitement de première intention. Bien sûr, l’observation de cas individuels en cabinet n’est pas significative. Je suis tout à fait conscient que des résistances posent problème dans les soins élargis, notamment lors d’évolutions difficiles ou récidivantes et en milieu hospitalier. Les généralistes veillent donc à faire bon usage des antibiotiques, en y recourant uniquement lorsqu’une origine bactérienne est hautement probable et en évitant les antibiotiques à large spectre.
Selon vous, quelles sont les principales difficultés liées à la remise, ou à la non-remise, d’antibiotiques?
L’une des difficultés est de ne pas savoir précisément si le patient souffre d’intolérances ou d’allergies aux antibiotiques. En cas de contre-indication, le défi consiste à en expliquer les raisons en tenant compte des attentes du patient (dans mon cabinet, il s’agit plus de l’exception que de la règle). Il faut donc discuter des avantages et des risques, et sensibiliser les patients en leur donnant des informations faciles à comprendre. Dans les cas limites, un bon compromis est de remettre au ­patient un antibiotique (ou une ordonnance) qu’il peut utiliser si son état de santé ne s’améliore pas dans un certain délai ou rapporter s’il n’en a pas besoin. Ce type de démarche est une sorte de garantie. Et l’expérience montre que la plupart rapporte l’antibiotique intact.
En novembre 2017, la FMH, pharmasuisse et l’OFSP ont publié conjointement une fiche d’information sur les antibiorésistances à l’intention des patients. L’avez-vous déjà utilisée?
Ces fiches sont à disposition dans mon cabinet et me rappellent toujours que je dois aborder le sujet du «bon usage des antibiotiques» avec mes patients. De toute façon, je discute des principaux points avec les patients à qui je prescris, ou non, un traitement antibiotique, pour expliquer ma démarche et m’assurer leur coopération. Elles ne prolongent donc pas inutilement la consultation. Je les donne surtout aux patients qui ­souhaitent en savoir davantage. D’ailleurs, j’apprécie ce type d’entretien avec mes patients: j’essaie de comprendre leur «mode de fonctionnement», et c’est un peu comme un défi de faire en sorte que le courant passe bien. Finalement, le but est de prendre une décision qui convienne à tout le monde.
Les fiches suscitent-elles des réactions ou des questions?
Chez moi, c’est souvent l’inverse: pendant la consultation, je renvoie à la fiche pour de plus amples informations. Les patients demandent rarement des précisions après l’avoir lue.
A votre avis, que sait la population des bactéries antibiorésistantes?
De nombreuses personnes en ont déjà entendu parler, mais leurs connaissances restent très générales. Elles ne savent pas non plus quel comportement adopter pour contribuer à empêcher la propagation du problème. A cet égard, il convient de consolider les compétences en matière de santé – et en cela la fiche participe utilement à la sensibilisation de la population.
Quels points de la fiche vous plaisent et quels points pourraient être améliorés?
Ce que je trouve positif, ce sont les messages clairs 
et concis, et surtout les explications concernant la non-prescription motivée d’antibiotiques. Psychologiquement, il est plus difficile pour les patients de ne pas recevoir de médicaments, ce qui nécessite d’améliorer la communication. On pourrait déjà les sensibiliser 
au sujet avant la consultation, notamment à l’aide d’une vidéo explicative ou d’une affiche dans la salle d’attente, abordant les deux cas: la prescription et la non-prescription d’antibiotiques.
Fin 2015, le Conseil fédéral a adopté la stratégie nationale Anti­biorésistances (StAR), qui vise à lutter contre la propagation des bactéries antibiorésistantes de manière coordonnée et trans­versale à l’échelle du pays. La Fédération des médecins suisses (FMH), la Société suisse des pharmaciens (pharmasuisse) et l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont contribué ensemble à la mise en œuvre de cette stratégie en élaborant différents supports médiatiques: une affiche pour les salles d’attente des cabinets, une vidéo explicative à diffuser sur les réseaux sociaux et une fiche d’information sur l’usage des antibiotiques. Cette fiche pratique au format A5 peut être donnée aux patients. On y trouve aussi bien des informations et des recommandations sur la prise d’antibiotiques que les raisons de ne pas en prendre dans le cas de certaines infections. On peut les commander gratuitement sur le site www.bien-utiliser-les-antibiotiques.ch
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