Projet de promotion de la relève SSMIG

Médecine Interne Générale: la relève au centre des préoccupations

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2018/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06512
Bull Med Suisses. 2018;99(10):300-302

Affiliations
a Prof., coprésident SSMIG; b Dr, coprésident SSMIG; c Prof., membre du comité SSMIG, responsable du groupe de travail Promotion de la relève; d Dr, membre du comité SSMIG; e Dr, membre du comité SSMIG; f Dr, membre du comité SSMIG; g Dr, membre du comité SSMIG; h ­Avocate, MAS NPPM, secrétaire générale SSMIG

Publié le 07.03.2018

La Médecine Interne Générale (MIG) est confrontée à un problème de relève, tant dans le domaine ambulatoire qu’hospitalier. D’où la décision de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) de mettre sur pied un programme global de promotion de la relève. Elle lance une campagne d’image ciblée visant à attirer ­l’attention de la relève médicale sur l’attrait de l’aspect généraliste de la discipline médicale qu’elle représente.
Selon l’étude Work Force réalisée en 2015 [1], près de 60% des médecins de famille actuellement en exercice cesseront leur activité en cabinet pour raison d’âge dans les dix prochaines années. Sur la base d’es­timations de l’Observatoire suisse de la santé, il faut s’attendre à ce que jusqu’à 40% des consultations en médecine de base ambulatoire ne puissent plus être ­assurées en 2030 si des mesures adaptées ne sont pas prises [2].Ce que le public sait moins, c’est que dans le secteur hospitalier, de nombreux médecins-chefs et médecins-cadres expérimentés prendront leur retraite au cours de ces prochaines années, et que la pénurie concerne aussi les internistes généralistes actifs sur le plan académique. Bien souvent, les postes de médecin-chef tant convoités autrefois ne parviennent que difficilement à être pourvus.
Figure 1: Près de 60% des internistes généralistes ont plus de 50 ans.
Une enquête réalisée en 2015 par le Berner Institut für Hausarztmedizin auprès des Jeunes médecins de premier recours Suisses (JHaS) révèle que pour la nouvelle génération, hommes et femmes confondus, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est essentiel, plus encore que les conditions salariales. Dans leur majo­rité, ils sont intéressés par un emploi à temps partiel [3]. Cette tendance est confirmée par les résultats de l’enquête représentative sur Internet de l’ASMAC, Berne, d’avril 2016 [4]. Près d’un tiers des personnes y ayant participé, qui travaillent aussi bien dans le secteur hospitalier que dans celui ambulatoire, souhai­teraient un poste à temps partiel, et elles évoquent comme principale raison une meilleure conciliation entre la famille et la carrière.
Cette évolution démographique et sociétale représente un nouveau défi, tant pour les soins stationnaires à l’hôpital que pour la pratique ambulatoire en cabinet. En raison du vieillissement de la population, la société et les assurances sociales se retrouvent face à de nouveaux problèmes. Une estimation réalisée en 2008 par les ligues de la santé aboutissait au chiffre de 2,8 millions de cas de maladie chronique en Suisse [5]. La multimorbidité est fréquente. L’accompagnement et le traitement de ces patient-e-s nécessitent non seulement une approche de prise en charge globale et continue, mais aussi une étroite collaboration interdisciplinaire et interprofessionnelle. C’est pourquoi les généralistes auront à l’avenir un rôle encore plus important à jouer. Du fait de son orientation croissante vers la spéciali­sation et de la fragmentation qui en résulte dans le traitement des patients, la formation postgraduée et l’enseignement, le système de santé suisse n’est pas préparé de manière optimale à cette évolution.
Figure 2: Évolution de l’âge moyen des patient-e-s
En raison du concours des trois facteurs (démographie, fragmentation des soins médicaux, besoin accru relatif à de nouveaux modèles de travail), il sera nécessaire au cours de ces prochaines années de former nettement plus d’internistes généralistes, tant pour le secteur hospitalier que celui ambulatoire, de façon à pouvoir continuer de garantir une prise en charge de base de qualité sur l’ensemble du territoire.

Rendre plus attrayante la profession d’interniste généraliste

La SSMIG a reconnu l’urgence de la situation 2016 et a lancé un vaste projet de promotion de la relève lors de son assemblée des délégués 2016. Au cours de ces derniers mois, un groupe de travail spécialement constitué dans ce but sous la direction du Prof. Drahomir ­Aujesky et du Dr François Héritier, avec des repré­sentant-e-s de la MIG ambulatoire et hospitalière, des organisations assurant la relève en MIG et du domaine académique, a réalisé une analyse globale de la situation et formulé diverses recommandations.
L’analyse d’études provenant essentiellement de pays anglo-saxons révèle que de nombreux facteurs per­sonnels intrinsèques tels que des représentations de faibles revenus, de mauvaises notes, l’envie de for­mations postgraduées plus courtes, le manque d’intérêt pour la recherche et une orientation extra-professionnelle plus forte entrent en ligne de compte dans le choix de la profession de généraliste. Cela pourrait s’expliquer, du moins en partie, par le fait que la MIG a moins de prestige. Parmi les facteurs de motivation en faveur de la MIG sont cités les grandes exigences intellectuelles, les modèles de rôle positifs, les expériences positives lors de l’apprentissage et de la formation postgraduée, la qualité du mentorat, la diversité professionnelle, mais aussi la grande autonomie. Inver­sement, certains facteurs ont un impact négatif sur le choix de la profession, tels qu’une mauvaise expérience et une mauvaise ambiance de travail lors d’un stage, le traitement de patient-e-s âgés multimorbides parfois jugé peu attrayant, le manque «d’action» et l’excès de tâches administratives.
Le groupe de travail est convaincu que pour promouvoir la relève, il est urgent d’améliorer l’attrait des conditions-cadres professionnelles de la MIG et d’offrir des perspectives d’avenir à long terme. Cela implique également des modèles de temps de travail plus flexibles tels que le job sharing et les emplois à temps partiel. En raison de la spécialisation croissante, une perte ­insidieuse de compétences en termes d’aptitudes pratiques est survenue au cours de ces dernières années, avec une fuite des cerveaux vers d’autres spécialités sur le plan des activités de recherche. Selon le groupe de travail, il faut y remédier. À cause du faible de nom­bre d’internistes généralistes exerçant des fonctions académiques, une évolution de l’enseignement d’une approche globale vers des thématiques relativement restreintes de la médecine spécialisée est observée, ce qui a entre autres un impact négatif pour la MIG lors du choix de la spécialité.

Une formation postgraduée adaptée aux réalités d’aujourd’hui

Dans un environnement complexe, l’interniste généraliste ne s’occupe pas seulement de la prise en charge médicale de base, mais aussi de la coordination de la collaboration interdisciplinaire et interprofessionnelle. Il est nécessaire pour cela de disposer de vastes connaissances, d’aptitudes pratiques et de sens relationnel. Le groupe de travail recommande de revoir le catalogue spécialisé des objectifs de formation, de mettre sur pied des cursus de formation postgraduée systématiques et coordonnés, de même qu’un mentorat actif, de telle sorte que les contenus didactiques standardisés déterminants pour l’exercice efficace de la profession puissent effectivement être acquis en 5 ans et enseignés par les internistes généralistes eux-mêmes. En milieu hospitalier précisément, des profils professionnels attrayants doivent être développés pour la MIG. Comme les médecins-assistants ne passent plus qu’un quart de leur temps de travail au chevet des patient-e-s [6], il est nécessaire de prendre des mesures pour ­réduire les charges administratives qui augmentent (p. ex.: recrutement de coordinateurs/-trices des soins, introduction d’anamnèses électroniques conviviales).
Comme la recherche et le développement sont indispensables au prestige d’une spécialité et lui donnent des perspectives, la recherche doit retrouver ses let­tres de noblesse dans la MIG en tant que discipline ­porteuse d’avenir. Cette mesure doit être promue dans les hôpitaux universitaires et les instituts de méde­cine générale par la création de carrières académiques. Dans cette optique, il faut créer au sein de la MIG elle-même des possibilités de recherche supplémentaires, notamment dans la recherche clinique axée sur les ­patients. La pratique de reconnaissance des institutions de formation postgraduée, qui était relativement libérale jusqu’ici, et où les contenus relevant de la MIG n’occupaient pas le premier plan, devra également être repensée.

L’étape suivante: un catalogue de mesures à mettre en œuvre

Au sein de quatre projets partiels, la SSMIG continuera de travailler à l’amélioration des recommandations du groupe de travail et proposera ou mettra en œuvre des mesures concrètes:
Les autres priorités sont le soutien et l’encouragement des organisations assurant la relève de la SSMIG, des JHaS et des Swiss Young Internists (SYI), qui ont vu le jour l’année passée et entendent, par leur activité associative, mieux communiquer au sujet de l’attrait de la médecine interne hospitalière et développer un réseau pour les jeunes médecins-assistants en MIG. Le prochain congrès de printemps de la SSMIG (qui se tiendra du 30 mai au 1er juin 2018, à Bâle) sera également consacré au thème de la relève («La relève: notre capital») et lors d’après-midis thématiques spéciales, il s’adressera également au public des étudiant-e-s et des médecins-assistants. Lors de ce congrès, une nouveauté sera introduite: les rencontres «Meet-the-Professor» et les séminaires méthodologiques (grant writing course) auront pour but de stimuler les personnes intéressées par une carrière académique. La SGAIM Foundation soutient en outre la recherche sur la relève médicale dans le cadre de son appel à projets de cette année.
Figure 3: Structure du projet de promotion de la relève de la SSMIG

Campagne de promotion

La fascination pour une discipline médicale très géné­ra­liste et polyvalente, que cela soit dans le secteur ­ambulatoire ou hospitalier, mais aussi dans le domaine de la recherche et scientifique, doit être au cœur de la campagne de promotion de la SSMIG. Pour la campagne, un slogan un peu provocateur a été choisi délibérément: «Médecin. Tous les ne sont que spécialistes». Par des activités en ligne sur les réseaux sociaux, par des kits imprimés à l’intention des médecins, ainsi que par un examen approfondi du sujet, par exemple dans le cadre de congrès, la campagne lancée cette semaine ­illustrera à quel point les tâches et les perspectives des spécialistes en MIG sont multiples et intéressantes dans les soins médicaux de base, que l’on travaille en milieu hospitalier, dans le domaine scientifique ou la médecine de famille.
SSMIG
Monbijoustrasse 43
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CH-3001 Berne
Tél. 031 370 40 00
info[at]sgaim.ch
1 Zeller A, Tschudi P. «Anamnese und Status» bei Schweizer Hausärzten. Primary and Hospital Care 2016;16(15):277–80.
2 Senn N, Ebert ST, Cohidon C. (2016) La médecine de famille en Suisse. Analyse et perspectives sur la base des indicateurs du programme SPAM (Swiss Primary Care Active Monitoring) (Obsan Dossier 55). Neuchâtel: Observatoire suisse de la santé.
3 Gisler L, Streit S.«Erst angestellt, dann selbständig in ärzteeigenen Gruppenpraxen», Schweizerische Ärztezeitung, 2017;98:09
4 Hess B. Ein Drittel will Teilzeit arbeiten. VSAO JOURNAL 2016, Nr. 2, unter https://vsao-bern.ch/de/downloads/sektionsnach richten/2016/april-teilzeit-arbeiten.pdf [Stand: 13.02.2018]
5 Oggier W. Gesundheitswesen Schweiz 2015–2017, Hogrefe Verlag; 2015., 5. Auflage, S. 82 ff.
6 Wenger N et al. FM276: Quantitative and objective assessment of resident’s workday organization: the Medical Day study (abstract). Swiss Primary and Hospital Care, 2016. 16 Suppl (9): p. 21–2.