Faits vs affirmations: et ­pourtant elle tourne

FMH
Édition
2018/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06404
Bull Med Suisses. 2018;99(03):39

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Médecine et tarifs hospitaliers

Publié le 17.01.2018

Rien n’est plus simple que d’énoncer des affirmations. C’est souvent comme cela que la politique fonctionne et cette tendance n’est pas nouvelle. On a longtemps ­affirmé que la Terre était plate, que le soleil tournait ­autour de la Terre et, plus récemment, que les DRG donneraient lieu à des «bloody exits» ou sorties d’hôpital ensanglantées. La stratégie appliquée est simple: on veut faire passer un message et on vend la mesure souhaitée comme le médicament efficace contre ce que l’on affirme. Plus on le crie fort et plus l’écho résonne dans les médias, plus la vitesse à laquelle tout le monde croit qu’une telle affirmation est juste s’accélère. Un très grand nombre d’affirmations circulent régulièrement au sujet du corps médical et de ses actions, orchestrées par des interventions stridentes dans les médias. Le plus souvent, il est assez simple d’identifier quelles mesures doivent être «avalées» par la population.
Une bonne médecine ne repose pas sur de simples ­affirmations mais sur des faits minutieusement répertoriés. Il est évident que cela exige davantage de ressources. Les faits sont le résultat d’études bien planifiées et réalisées avec beaucoup de moyens. C’est comme cela que progresse la médecine. La FMH appli­que la même diligence pour défendre de manière crédible le point de vue du corps médical dans le débat ­public. Pour cela, elle a besoin de chiffres pertinents collectés de manière réfléchie. C’est dans ce but que la FMH interroge régulièrement les médecins dans les hôpitaux de soins somatiques aigus, de psychiatrie et de réadaptation mais aussi des cabinets sur des questions actuelles de santé publique, afin de recueillir un grand nombre d’expériences vécues sur le terrain.
Quand ils sont seuls, les chiffres bruts peuvent aussi ­induire en erreur. Nous avons encore à l’esprit l’exem­ple du recul des cigognes dans le nord de l’Allemagne et de la baisse concomitante des naissances. C’est pourquoi les chiffres doivent être collectés de manière réfléchie avec des questions appropriées et les réponses analysées et évaluées avec circonspection. Pour ce faire, le département Médecine et tarifs hospitaliers collabore avec l’institut gfs.bern, afin d’associer les connaissances médicales aux méthodes de sondage et d’obtenir une évaluation optimale des résultats.
Nos professeurs de médecine nous ont inculqué qu’un résultat d’analyse surprenant pouvait aussi être une erreur de mesure et correspondre à un artefact. Nous avons donc appris qu’il fallait commencer par vérifier ces valeurs avant de prendre des mesures. C’est la même méthode que nous appliquons aux études que nous menons. En répétant chaque année une enquête, nous voulons éviter des résultats aléatoires et mettre des connaissances avérées entre les mains du grand public. Non seulement nous disposons ainsi de données fiables mais nous pouvons aussi observer les ­évolutions au fil du temps. A cet égard, nos résultats mettent en évidence une tendance particulièrement préoccupante: les médecins perdent progressivement le goût de leur profession. Raison de plus de prendre au sérieux les chiffres collectés et d’en tirer des conclusions pertinentes – au-delà du corps médical, et en ­particulier en politique.
Vous trouverez les résultats de la dernière enquête de gfs.bern sur le corps médical et la comparaison avec les années précédentes dans le présent numéro du Bulletin des médecins suisses à la page 45.