La neuroradiologie: une discipline sous-estimée

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Édition
2017/49
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.06126
Bull Med Suisses. 2017;98(49):1638–1640

Affiliations
a Prof. Dr méd., Past président SSNR, membre FMH; b Prof. Dr méd., Président SSNR, membre FMH; c Prof. Dr méd., Vice-président SSNR, membre FMH

Publié le 06.12.2017

Depuis près de 15 ans, la Société Suisse de Neuroradiologie (SSNR) tient ses congrès conjointement avec des sociétés de discipline qui se consacrent à des neurodisciplines apparentées. Ainsi, la SSNR a cette année organisé son congrès début juin en collaboration avec la Société Suisse de Neurochirurgie (SSNC).
L’interdisciplinarité établie des manifestations annuelles de formation continue montre déjà à quel point les disciplines au sein des neurosciences cliniques sont proches et interdépendantes aussi bien dans la pratique qu’en théorie. Bien qu’une interaction harmonieuse entre la neuroradiologie et les autres neurosciences ­cliniques soit indispensable pour le traitement réussi de nombreuses maladies neurologiques, la neuroradiologie ne se voit toutefois pas attribuer la responsabilité qui serait de nos jours véritablement nécessaire. En effet, contrairement à la neurologie et la neurochirurgie, la neuroradiologie ne dispose pas de son propre titre de spécialiste. Le déséquilibre qui en résulte au sein de ces trois disciplines clés des neurosciences cliniques menace de plus en plus la qualité du traitement.

L’ascension rapide d’une discipline jeune

En tant que domaine de spécialité relativement jeune, la neuroradiologie actuelle a vu le jour dans les années 1950 et 1960. Contrairement à l’opinion courante selon laquelle cette discipline serait issue de la radiologie médicale, la neuroradiologie s’est développée en termes de contenu et de technique à partir des performances pionnières de la neurochirurgie et de la neurologie. Il existe une certaine proximité méthodologique avec la radiologie, car les deux disciplines ont recours à des méthodes d’imagerie similaires. Et comme la radio­logie médicale, la neuroradiologie s’est d’abord consacrée exclusivement aux questions diagnostiques. A la fin des années 1960 s’y est ajouté le traitement de ­diverses affections au moyen de techniques endo­vasculaires par cathéter, suite à quoi le domaine de compétence de la neuroradiologie s’est élargi et cette dernière a trouvé sa place parmi les neurosciences cliniques. En 1989, le besoin croissant d’une représentation au sein de la politique professionnelle a été comblé et une propre société de discipline a été fondée. La ­Société Suisse de Neuroradiologie (SSNR) compte ­aujourd’hui plus de 180 membres.

Les titres de formation approfondie 
ne suffisent plus

En 1991, la Suisse a été le premier pays d’Europe à ­reconnaître l’importance de la discipline avec la création du sous-titre FMH de neuroradiologie. Parallèlement, la construction de plusieurs cliniques neuro­radiologiques a débuté en Suisse. En l’an 2000 s’en est suivie la création de deux formations approfondies: une pour la neuroradiologie diagnostique et l’autre pour la neuroradiologie invasive. Celles-ci ont subsisté jusqu’à aujourd’hui, bien que la discipline elle-même, mais également les conditions cadres, aient depuis considérablement changé. Etant donné que la population suisse ne cesse de croître et que l’espérance de vie augmente, il faut s’attendre à une hausse des maladies neurologiques et par conséquent aussi à un besoin ­accru de prestations neuroradiologiques. Toutefois, il reste à adapter les conditions de travail neuroradio­logiques aux exigences actuelles.
En Suisse, 400 à 500 personnes sont chaque semaine victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC). S’y ajoutent chaque semaine 10 à 15 personnes présentant une rupture d’anévrisme cérébral. Un tiers des patients succombe à ces maladies. Toutefois, les chances de survie ne cessent d’augmenter, ce qui est en grande partie dû à la bonne collaboration entre les neurologues, les neurochirurgiens et justement les neuroradiologues, qui traitent le plus rapidement possible les personnes concernées dans des Stroke Centers ou de plus petites Stroke Units. Dans la plupart des cas, les neuroradiologues sont alors bien plus que de simples navigateurs guidant les autres spécialistes à travers le système nerveux: tous les traitements interventionnels des AVC et ruptures d’anévrisme cérébral sont actuellement réa­lisés par des neuroradiologues interventionnels.

Une forte pénurie

Il existe actuellement en Suisse 10 Stroke Centers. Les directives de ces centres de compétence hautement spécialisés stipulent que des neuroradiologues compétents doivent être présents 24 heures sur 24 et 365 jours par an, afin de pouvoir intervenir le plus rapidement et le plus efficacement possible. En Suisse, avec 25 médecins se consacrant à plein temps à la neuroradiologie ­interventionnelle, le besoin réel de 40 neuroradiologues uniquement pour les 10 Stroke Centers est actuellement loin d’être comblé. Dans de tels cas de pénurie de spécialistes, le système de santé suisse fait volontiers appel au recrutement à l’étranger, mais même à moyen terme, cela ne constitue pas une solution durable.
Mais comment s’explique au juste cette pénurie de neuroradiologues? L’une des principales raisons réside certainement dans la longueur de la formation post­graduée. Les jeunes médecins-assistants visant une ­carrière en neuroradiologie doivent d’abord obtenir le titre de spécialiste en radiologie; cela dure en moyenne 5 ans, souvent 6, dont quelques années destinées à ­l’acquisition de connaissances dont aucun neuroradiologue n’aura besoin dans son activité future. Ce n’est qu’ensuite que les titres de formation approfondie en neuroradiologie diagnostique et invasive peuvent être obtenus. Au total, la formation postgraduée pour l’obtention du titre de neuroradiologue interventionnel dure 8 à 9 ans. Cela effraie les talents potentiels et rend bien entendu la neuroradiologie peu attrayante pour l’éventuelle relève. En comparant par ailleurs le volume de la formation postgraduée de la neuroradiologie avec celui de la radiologie, on constate que l’étendue et le contenu sont similaires. Etant donné que les deux titres de formation approfondie en neuroradiologie ne disposent pas de 6, mais de seulement 2 à 3 ans, le programme d’enseignement ne peut même pas être enseigné dans sa totalité. Ainsi, là où la radiologie dispose de trop de temps, la neuroradiologie, avec ses deux programmes de formation approfondie, en reçoit trop peu.

Une solution simple

La seule solution efficace aux problèmes mentionnés est l’introduction d’un titre de spécialiste en neuroradiologie. Cela permettrait d’une part aux futurs neuroradiologues de disposer de 6 ans pour apprendre tout ce qu’ils doivent savoir, sans perdre un temps précieux à acquérir des connaissances dénuées de pertinence pour la pratique quotidienne neuroradiologique. D’autre part, la formation postgraduée en neuroradiologie serait plus courte et en même temps plus approfondie, l’attractivité de la discipline ainsi que le rapport clinique augmenteraient et le besoin en spécialistes serait comblé en quelques années.
Avec la création d’un titre de spécialiste en neuroradiologie, le déséquilibre prédominant depuis des décennies entre la neurologie, la neurochirurgie et la neuroradiologie serait éliminé, ce qui profiterait non seulement à la neuroradiologie, mais aussi à toutes les neurosciences cliniques, voire à l’ensemble du système de santé: le titre de spécialiste permettrait à tous les experts en neuro­sciences cliniques en formation postgraduée une rotation dans d’autres disciplines neurologiques désormais placées au même niveau sur la scène de politique professionnelle et l’interdisciplinarité serait renforcée. Cela se traduirait par une augmentation considérable de la qualité et une sécurité accrue, tout en permettant de réaliser des économies car le nombre d’examens doubles voire triples serait réduit.

Une peur infondée

La crainte de certains selon laquelle la création du titre de spécialiste en neuroradiologie ferait exploser les coûts du système de santé de notre pays est infondée. Le catalogue des prestations de neuroradiologie resterait inchangé, aucune nouvelle clinique ni aucun nouvel établissement de neuroradiologie ne seraient construits et aucune modification structurelle ne serait nécessaire dans les hôpitaux. Tout comme la médecine nucléaire et la radio-oncologie, la neuroradiologie se séparerait également de la société mère avec l’introduction d’un titre de spécialiste. Toutefois, le rattachement infra­structurel à la radiologie subsisterait même après l’introduction du titre. Naturellement, la formation post-graduée en neuroradiologie diagnostique générale ne serait pas supprimée pour les futurs radiologues avec le titre de spécialiste.
L’établissement d’un titre de spécialiste en neuroradiologie est nécessaire depuis longtemps, et ce pour garantir la qualité du traitement ainsi que la sécurité du ­patient.
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