Amélioration des soins médicaux: quels bénéfices en retour des dépenses consenties?

Progrès de l’oncologie: plus que des nouveaux médicaments

FMH
Édition
2017/39
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.06061
Bull Med Suisses. 2017;98(39):1244–1245

Affiliations
Prof., coprésident de la SSOM

Publié le 27.09.2017

Il y a encore 20 ans, on ne pouvait que rêver de nouveaux traitements révolutionnaires pour l’oncologie. Devenus aujourd’hui réalité, ils améliorent considérablement la durée et la qualité de vie, tout en soulevant de nouvelles questions: Quel patient choisir pour ce nouveau médicament? Et quelles conséquences si le remboursement retardait trop leur développement? Mais surtout, comment mener une vie heureuse malgré un diagnostic du cancer?
Avant tout début de traitement, il faut désamorcer les angoisses et transmettre les informations importantes. Les oncologues se préoccupent donc aussi bien des besoins en information, en psycho-oncologie qu’en soins palliatifs de leurs patients et se sont établis comme une spécialité intégrative pour les personnes souffrant d’une tumeur – en partenariat avec le médecin de famille et le spécialiste de l’organe concerné.

Traitement amélioré et holistique

Madame K., une veuve dynamique, grand-mère de quatre petits-enfants, se rend aux urgences pour des douleurs dorsales. On lui détecte un cancer du sein avec des métastases osseuses. Le médecin du service lui annonce qu’il s’agit d’une situation de soins palliatifs. Madame K. perd tout espoir jusqu’à ce que son médecin de famille l’envoie consulter une oncologue1.
Le diagnostic du cancer est l’événement le plus dramatique survenu dans leur vie pour la plupart des patients. Mais cela ne devrait pas être le cas, puisque la survie à 5 ans dépasse largement 50% et qu’une guérison est même souvent possible. Des termes comme «cancer» ou «chimiothérapie» participent à cette dramatisation, car ils déclenchent par leur imprécision une très grande anxiété, alors qu’on ne devrait plus les utiliser à l’époque de la médecine moléculaire. Il n’y a pas «un cancer», mais plusieurs centaines de maladies dont le point commun réside dans une multiplication incontrôlée des cellules. Les options thérapeutiques et les pronostics dépendent de la génétique, de l’organe concerné et de la dissémination au moment du diagnostic: une guérison, ou du moins un contrôle sur une longue durée, est tout à fait – et de plus en plus souvent – possible.
Il n’y a pas non plus «une chimiothérapie»: les médicaments utilisés en oncologie ne sont pas plus chimiques que les médicaments pour le cœur ou les antidouleurs; au contraire, il n’y a pas d’autres secteurs de la médecine moderne où le paradigme du traitement biologique s’applique mieux qu’en oncologie. Le terme «palliatif» est lui aussi utilisé sans différenciation, aussi bien pour les thérapies ciblées sur la tumeur visant à améliorer et prolonger la vie qu’en phase terminale si le focus sur la tumeur n’apparaît plus judicieux. Fournir ces explications lors du premier entretien permet déjà de détendre considérablement les patients. Il n’est pas rare de les entendre dire: «Si j’avais su cela, je n’aurais pas été si angoissé.» Ce n’est pas un hasard si la communication et les compétences relationnelles jouent un rôle si important dans la formation d’un oncologue. Par ailleurs, un spécialiste en oncologie doit maintenant aussi suivre une formation complémentaire en médecine palliative. Il est ainsi capable d’apporter une compétence décisionnelle à ses patients et à leurs proches dans ces situations difficiles, ce qui non seulement augmente la qualité de vie des participants, mais contribue aussi à réduire les coûts [1, 2].

A force de persuasion vers le succès thérapeutique

Monsieur S., un informaticien de 25 ans, a reçu le diagnostic d’un cancer métastatique à cellules germinales, avec la recommandation d’une chimiothérapie curative. Ayant entendu parler d’une immunothérapie ciblée et moins toxique – mais pour le cancer du poumon –, il est déçu de ne pouvoir en bénéficier.
Malgré les avancées de la thérapie tumorale ciblée (moléculaire), tous les traitements curatifs continuent actuellement de se baser sur l’«ancienne» chimiothérapie. Certes, diverses biomolécules peuvent augmenter les chances de guérison, comme par ex. le trastuzumab pour le cancer du sein HER2+ ou le rituximab pour le traitement des lymphomes. La publication sans discernement de contenus médicaux dans la presse de vulgarisation entraîne souvent une demande non fondée, suivie d’une grande désillusion, comme c’est le cas actuellement avec l’immunothérapie médicamenteuse. Il a été très difficile de dissuader Monsieur S. de demander un second avis en Allemagne quatre semaines plus tard, un report qui aurait inutilement diminué les chances de réussite de son traitement. La chimiothérapie a fait disparaître la tumeur, Monsieur S. va bien et ses chances de guérison dépassent 80%. Mais cela a nécessité des heures de discussion et une grande expérience des chimiothérapies complexes et de leurs effets secondaires. La formation de spécialiste en oncologie n’étant pas spécifique à un organe, elle garantit une grande expertise dans les médicaments contre le cancer, qui sont le plus souvent aussi non limités à un organe.

Succès grâce à des médicaments 
pas encore enregistrés

Il y a trois ans, Monsieur V., un instituteur de 59 ans, a subi une chimiothérapie pour traiter un carcinome métastatique de la vessie. Aujourd’hui, une récidive a été détectée dans l’abdomen. Tous les traitements disponibles n’étant pas à la charge des caisses-maladie, l’oncologue a organisé une immunothérapie via le fabricant. La qualité de vie de Monsieur V. s’est normalisée et aucune activité tumorale n’a été détectée depuis onze mois. Monsieur V. a repris son métier avec une grande motivation.
Comme les médicaments contre le cancer interviennent dans des réseaux moléculaires complexes, il est souvent impossible de prévoir quels patients bénéficieront de ces nouveaux traitements. Seuls quelques patients y répondent, mais souvent sur la durée et avec une bonne tolérance. Il est souvent impossible, pour des raisons méthodologiques, de mener de grandes études randomisées, comme l’exigent les autorités d’enregistrement. Les groupes-cibles trop réduits servent souvent d’alibi pour les prix élevés de ces médicaments; et les nouveaux modèles de remboursement n’en sont qu’au stade de la discussion. Un oncologue doit consacrer une partie toujours plus importante de son temps à organiser pour ses patients l’accès à des médicaments qui ne sont pas encore enregistrés. Une limitation du remboursement de ces heures de travail aurait un effet catastrophique sur la prise en charge, alors que, dans ces situations, l’industrie met souvent les médicaments gratuitement à disposition, permettant ainsi au système de santé d’économiser des coûts. De la même manière, l’oncologue devrait encourager la participation à des études cliniques, car c’est le seul moyen de créer les bases nécessaires au progrès.

Résumé

Les possibilités de traitement médicamenteux et une approche globale ont permis d’énormes progrès en oncologie. Même pour les cancers métastatiques incurables, on constate une augmentation de la durée de vie et une amélioration de la qualité de vie. Le nombre de médicaments moléculaires augmente rapidement, mais nous ignorons encore souvent qui y répondra, et le traitement reste très coûteux. Il faut accompagner le patient à travers ces incertitudes et rechercher des solutions socialement compatibles – ce qui demande du temps. Ces 20 dernières années, l’oncologie est devenue une discipline qui pratique une approche holistique des besoins du patient sans se limiter aux seuls aspects diagnostiques et thérapeutiques.
Prof. Dr méd. Markus
Borner
ONCOCARE
Klinik Engeried
Riedweg 15
CH-3012 Berne
markus.borner[at]hin.ch
1 Sher DJ. Economic Benefits of Palliative Care Consultation Continue to Unfold. J Clin Oncol. 2015;33(25):2723–4.
2 Borner M, Rauch D. Palliative Chemotherapie oder doch besser Palliative Care? Swiss Medical Forum. 2015;15(16):334–9.