La santé n’engendre pas que des coûts, mais aussi des avantages!

FMH
Édition
2017/32
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05855
Bull Med Suisses. 2017;98(32):983

Affiliations
Dr méd., président de la FMH

Publié le 09.08.2017

Il y a plus de vingt ans, la NZZ écrivait en une «L’explosion des coûts n’est toujours pas maîtrisée – augmen­tation des primes de cinq pourcent dans l’assurance-maladie» [1] et citait l’avis du Conseil fédéral incitant à freiner «l’augmentation du volume des prestations, notamment dans le domaine ambulatoire».
Cette année aussi, la discussion sur les primes nous promet d’innombrables rapports qui veulent prouver que notre système de santé est inabordable. En s’appuyant sur ces craintes, il est facile de proposer des solutions simplistes: à l’heure actuelle, la mode est au plafonnement des coûts et au pilotage étatique. Bien que «l’explosion des coûts» dans la santé – qui a été mentionnée pour la première fois il y a près de 50 ans dans la NZZ [2] – n’ait toujours pas entraîné la faillite du système, elle reste un slogan efficace.
Comme ces demi-vérités inlassablement répétées semblent se refléter dans le porte-monnaie des citoyens, les considérations plus étayées sur l’évolution des coûts ne trouvent hélas guère d’écho: «L’économie suisse peut tout à fait supporter l’augmentation des coûts de la santé» [3] écrit Helsana, car «malgré la proportion croissante des coûts de la santé dans le PIB, le ­niveau de richesse corrigé des coûts de la santé a augmenté d’un tiers». [3] Si l’augmentation de la prime mensuelle moyenne entre 2006 et 2014 d’au total 
100 francs équivalait à une explosion des primes, nous aurions en même temps une explosion de la consommation (+325 CHF), des impôts (+370 CHF) et de l’épargne (+715 CHF) encore plus grande [3]. Le fait que de nombreux ménages s’écartent nettement de ces moyennes nationales devrait nous sensibiliser au problème de la répartition des charges sur les ­différents groupes de population au lieu de faire de l’augmentation des coûts le «bouc émissaire de la problématique de répartition». [3] Plafonner les dépenses dans le pays le plus riche de la planète et donc rationner les prestations n’aidera en rien les ménages à fai­ble revenu: dans la médecine à deux vitesses que cela engendrera inévitablement, ils seront les premiers perdants.
Parler «d’explosion des coûts» s’avère aussi inutile parce que cela occulte «l’explosion des bénéfices» qui s’est produite dans le même temps. Un sujet déjà ­discuté il y a plus de 30 ans: «Si hier, un client payait 1 franc pour un cervelas et qu’aujourd’hui, il devrait payer 50 francs pour le même achat, il ferait face à une véritable explosion des coûts. Si le même client achète aujourd’hui pour 50 francs 1 kg de viande de bœuf au lieu d’un cervelas, il ne subit pas d’explosion des coûts, mais provoque une explosion des dépenses, parce qu’il ne veut plus consommer de cervelas, mais de la viande de bœuf.» [4] De la même façon, le système de santé fournit des prestations supplémentaires pour l’argent supplémentaire investi et donc des bénéfices, car un nombre ­croissant de patients profitent de meilleurs procédés diag­nostiques et thérapeutiques. L’évidence empirique montre «que les dépenses de santé importantes de ces trente dernières années ont été plus que compensées [...], autrement dit que les frais de maladie ont donc globalement plutôt diminué» [5], si l’on tient compte, outre des coûts médicaux directs âprement discutés chaque année, des pertes de productivité sur le lieu de travail, des soins dispensés par les proches, etc.
Un débat public sur la question de savoir si nous pouvons nous permettre d’offrir de la viande de bœuf à tout le monde ou seulement du cervelas, suppose que l’on ait une idée du bénéfice lié à l’approvisionnement en «viande de bœuf» et que l’on sache que son bénéfice compense jusqu’à 100 pourcent des dépenses de santé [5]. Après la parution d’un premier article introductif dans ce numéro du BMS, une nouvelle série d’articles permettra à toutes les disciplines de présenter le bénéfice réel des progrès réalisés dans leur domaine.
1 NZZ, 4./5.10.1997; n° 230, p. 13. Kostenexplosion noch nicht im Griff. Fünfprozentiger Prämienanstieg in der Krankenversicherung.
2 NZZ, 10.7.1968; édition du matin n° 417, p. 9. Gesundheitswesen und Krankenversicherung. Ein Diskussionsbeitrag.
3 Früh, Gyger, Reich. Rapport Helsana. Évolution des dépenses en matière de santé. Décembre 2016.
4 NZZ, 16.9.1986; n° 214, p. 63. Courrier lecteur Prof. R. Tscholl, «Kosten­explosion» im Gesund­heitswesen.
5 Telser, Fischer, Leukert, Vaterlaus. Dépenses de santé et frais de maladie. Interpharma/Polynomics, septembre 2011.