Santé publique – entre soutien et limitations

FMH
Édition
2017/2627
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05810
Bull Med Suisses. 2017;98(2627):843

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Publié le 27.06.2017

Le 29 juin 2017, l’Assemblée des délégués de la FMH se prononcera sur la stratégie MNT. Il sera notamment question de soutien et de prise de conscience. La commission de prévention de la FMH a apporté une contribution décisive à l’élaboration de cette stratégie et souligne que le succès du deuxième paquet de mesures «Prévention dans le domaine des soins» est indissociable de certaines conditions cadres. Ces dernières se détérioreront massivement suite aux limitations de temps des positions «Consultation», «Visite» et «Travaux en l’absence du patient» prévues dès 2018 par la deuxième intervention du Conseil fédéral. De telles limitations pénaliseront systématiquement les enfants, les personnes atteintes de troubles psychiques et nos contemporains, plus âgés, confrontés à la polymorbidité, mais aussi les patients avec des difficultés de compréhension liées à la langue ou ceux atteints de maladies orphelines.
Le corps médical n’a pas à porter la responsabilité des erreurs que d’autres ont commises par un manque systématique de réflexion, à l’instar de la direction Assurance maladie et accidents de l’OFSP qui conduit à l’échec la prévention des soins et l’interprofessionnalité par l’introduction des limitations de temps. Cette unité de l’OFSP est en droit de le faire, mais elle doit en assumer elle-même la responsabilité. Désormais, à partir de 2018, les patients en crise qui se rendent chez leur médecin de famille, pédiatre ou psychiatre devront être auscultés en quelques minutes. Le résultat de ce rationnement du temps, le plus souvent au détriment des patients vulnérables, va placer les médecins face à un dilemme éthique. Les données et les analyses sur lesquelles reposent ces limitations ne sont pas claires, ou plus exactement n’ont jusqu’à présent pas été présentées avec transparence. Comment la fréquence a-t-elle été analysée, une analyse adéquate des sous-groupes a-t-elle eu lieu, quid des biais et du confounding? Il n’existe aucune estimation des conséquences, aucun modèle d’impact, aucune anticipation chiffrée. Le résultat se concrétisera par un ensemble d’effets indésirables aussi inconnus qu’incontrôlables. De la cost-effectiveness il ne restera que les coûts, car l’efficacité, l’adéquation et les considérations éthiques ont été exclues.
En limitant le temps de consultation dans son intervention tarifaire, le Conseil fédéral ne fait qu’offrir un levier à l’industrie du tabac et de l’alcool. L’initiative populaire prévue sur la protection de la jeunesse et la prévention du tabac sera loin de pouvoir compenser les dégâts de l’intervention tarifaire sur la santé publique. Si ces limitations subsistent, la stratégie Santé2020, la stratégie MNT et d’autres stratégies de l’OFSP devront être revues. Dans leur forme actuelle, elles ne pourront pas être réalisées comme prévu après 2018, ni ne seront valides et crédibles. Il en ira de même pour une partie des programmes d’action cantonaux. Pour nous, les limitations de temps sont contraires à l’art. 117a de la Constitution fédérale. Elles désavantagent les patients vulnérables et pénalisent la médecine de proximité de bonne qualité. Elles affaiblissent les médecins de premier recours, en particulier les médecins de famille. Les limitations de temps des positions «Consultation», «Visite» et «Travaux en l’absence du patient» constituent une mesure arbitraire et inappropriée et remettent en question les objectifs de santé publique. Elles vont diviser la médecine de premier recours et la santé publique au lieu de les rapprocher.
Je ne perds pas espoir que les responsables de l’OFSP marquent une pause dans l’intervention tarifaire, sinon la stratégie MNT risque de n’avoir été qu’un tigre de papier. Du point de vue de la médecine et de la santé publique, il existe pourtant des possibilités d’améliorer l’efficacité, l’adéquation et l’économicité sans mettre en danger les patients, la qualité des soins et la santé publique. Le département est volontiers disposé à examiner ces points autour d’une table, mais nous souhaitons que les trois directions concernées de l’OFSP y participent.