1 Le pourcentage de femmes qui accouchent (de manière planifiée) à la maison est d’environ 1% en Suisse. Cf. Zeynep Ersan Berdoz, Accoucher à domicile? Entre crainte et méconnaissance, Sage-femme suisse 12/2004, p. 28.
2 Affaire Dubská et Krejzová c. République tchèque (nos 28859/11 et 28473/12). Dans une précédente affaire Ternovszky du 14 décembre 2010, la Cour avait condamné la Hongrie pour n’avoir pas mis en place de réglementation précise encadrant l’accouchement à domicile, ce qui avait pour conséquence que cette option était, dans la pratique, quasi-exclue. La Cour avait alors estimé qu’une telle ingérence dans la vie privée des femmes devait impérativement reposer sur une réglementation étatique claire et prévisible – ce qui n’était pas le cas en Hongrie.
3 La législation tchèque était remarquablement peu claire et donc difficile à interpréter, ce que les juges majoritaires et minoritaires ont incidemment relevé. Consid. 171 de l’arrêt et consid. 2 de l’opinion minoritaire.
4 Cf. consid. 185. Dans la précédente affaire Ternovszky de 2010, la Cour avait déjà dégagé la conclusion que le choix par les femmes des modalités de leur accouchement relève bel et bien de la protection de la vie privée protégée par l’article 8 CEDH (consid. 22). Dès lors, cette liberté ne peut être réduite que si l’Etat peut invoquer une base légale et un intérêt public supérieur, tout en respectant le principe de la proportionnalité.
5 Consid. 185 et 186 de l’arrêt commenté.
6 Consid. 183.
7 Consid. 67 et 68 de l’arrêt commenté.
8 Pour les juges minoritaires, le fait que seuls quatre Etats aient légiféré pour interdire explicitement l’accouchement à domicile est au contraire signe d’un consensus européen en faveur d’une telle possibilité. Cf. consid. 28 de l’opinion minoritaire en lien avec consid. 99 de l’arrêt.
9 Consid. 177 à 184.
10 Pourtant, la Cour a toujours refusé de reconnaître aux fœtus in utero les droits garantis par la CEDH. Cf. affaire Vo c. France du 8 juillet 2004. Elle s’est aussi abstenue de trancher pour ou contre un droit à avorter directement tiré de la CEDH. Cf. Grégor Puppinck, L’avortement et la CEDH, Mélanges en l’honneur de Gérard Mémeteau, Droit médical et éthique médicale: regards contemporains, Ed. Les Etudes hospitalières, 2015.
11 La majorité de la Grande chambre conclut toutefois avec une invitation adressée à la République tchèque à réexaminer la nécessité de son interdiction en fonction des nouvelles connaissances médicales qui viendraient à être disponibles. Elle encourage également l’Etat mis en cause à améliorer les conditions dans lesquelles les femmes donnent naissance dans les hôpitaux, de nombreuses critiques ayant été formulées quant aux modalités d’accouchement peu respectueuses de l’autonomie des patientes (notamment des interventions médicales sans consentement libre et éclairé; des contraintes imposées dans la manière d’accoucher; une obligation de demeurer au moins trois jours à l’hôpital). Voir aussi la précédente condamnation de la République tchèque dans l’affaire Hanzelkovi tranchée le 11 décembre 2014.
12 Consid. 8 de l’opinion minoritaire.
13 On ajoutera que ces femmes peuvent être amenées à minimiser leurs interactions avec les médecins et l’hôpital déjà pendant leur grossesse, si elles sont conscientes que leur projet d’accoucher à domicile peut déboucher sur des sanctions à l’encontre de leur sage-femme, ce dans l’espoir que les autorités restent dans l’ignorance de leur projet. Voir aussi les remarques au consid. 138 de l’arrêt commenté.
14 La question de savoir si l’assurance sociale doit ou non rembourser de telles prestations est une question distincte, dont il n’est pas question ici.
15 Mais voir également en Europe l’affaire Hanzelkovi c. République tchèque déjà mentionné, où une mère a été ramenée de force à l’hôpital, car le médecin et un tribunal avaient jugé qu’un nouveau-né doit rester à l’hôpital au moins les 3 jours qui suivent sa naissance.
16 Lynn M. Paltrow et Jeanne Flavin ont répertorié 413 affaires où, entre 1973 et 2005, des femmes américaines ont été poursuivies par la justice en raison des risques (perçus) de leur conduite pour leur grossesse. Leur passionnant article résume les aspects saillants de ces différentes affaires, mettant notamment en évidence la discrimination raciale sous-jacente. Cf. Arrests and forced interventions on pregnant women in the United States, 1973–2005: Implications for Women’s legal status and public health, Journal of Health Politics, Policy and Law, 2013. Voir aussi Stephen W. Patrick & Davida M. Schiff. A Public Health Response to Opioid Use in Pregnancy. Policy Statement. American Academy of Pediatrics, 139 Pediatrics e20164070 (2017).
17 On pense par exemple à la femme qui entreprendrait un traitement pharmaceutique contre son cancer pour augmenter ses chances de guérir, quand bien même le médicament pourrait nuire à la santé de son fœtus.
18 On rappellera qu’en matière d’avortement en Suisse, la femme enceinte est libre de son choix pendant les 12 premières semaines d’aménorrhée. Après cette date, elle peut avorter à condition que l’interruption de grossesse soit «nécessaire pour écarter le danger d’une atteinte grave à l’intégrité physique ou d’un état de détresse profonde de la femme enceinte». Ces normes du Code pénal (art. 119 principalement, accessoirement art. 120) délimitent la protection due à l’embryon et au fœtus in utero. Cf. généralement Dominique Manaï, L’embryon face au droit: une entité polymorphe à géométrie variable, Jusletter 19 janvier 2009. Par ailleurs, en matière de recherche médicale, une femme enceinte peut participer à une étude laissant espérer un bénéfice direct à condition que «le rapport entre les risques et les contraintes prévisibles pour la femme enceinte, pour l’embryon ou le fœtus, d’une part, et le bénéfice escompté, d’autre part, [ne soit] pas disproportionné.» (art. 26 de la Loi sur la recherche sur l’être humain). Il faut attendre la naissance de l’enfant vivant pour que celui-ci jouisse de la pleine protection accordée par le droit aux personnes (art. 31 Code civil). En particulier, les dispositions du Code civil et du Code pénal protégeant son intégrité physique et sa personnalité lui sont applicables, même si l’art. 116 CP, disposition quelque peu désuète, punit moins sévèrement la mère qui a tué (homicide) son enfant «sous l’influence de l’état puerpéral».
19 Voir les consid. 28 et 29.
20 Le pourcentage de naissances à domicile est de toute façon très bas (1% environ) dans la majorité des pays d’Europe, à l’exception des Pays-Bas. Il faudrait donc que les naissances à domicile soient associées à un nombre significativement plus élevé de décès pour que cette différence puisse se refléter dans les taux globaux de mortalité.
21 Cf. consid. 21 de l’opinion dissidente.
22 Cf. American College of Obstetricians and Gynecologists’ Committee on Obstetric Practice on Planned Home Birth, Opinion Number 669, August 2016,
http://www.acog.org/Resources-And-Publications/Committee-Opinions/Committee-on-Obstetric-Practice/Planned-Home-Birth.
23 La randomisation est difficile à mettre en œuvre, peu de femmes étant disposées à être attribuées de manière aléatoire à l’un ou l’autre des bras de l’étude. C’est pourquoi la grande majorité des études disponibles sont des études observationnelles ou des études rétrospectives, notamment de registres. De telles études sont par nature moins fiables. Cependant, les études menées s’efforcent toutes de minimiser les biais, notamment en répertoriant les paramètres («outcomes») observés en fonction de l’intention de la femme quant au lieu d’accouchement, et non pas en fonction du lieu où l’enfant est finalement né.
24 Les femmes qui choisissent d’accoucher à domicile présentent souvent des caractéristiques différentes de la population des parturientes en général. Souvent, elles appartiennent à des couches socio-économiques favorisées. Cf. Ursula Ackermann-Liebrich et al., Home versus hospital deliveries: follow up study of matched pairs for procedures and outcome. Zurich Study Team, 313 BMJ p.1313–8, 1996; Helen Hazen, The First Intervention is Leaving Home”: Reasons for Electing an Out-of-hospital Birth among Minnesotan Mothers, Medical Anthropology Quarterly, accepted for publication 2017; Mickey Sperlich et al., Where do you feel safest? Demographic factors and place of births, Journal of Midwifery & Women’s Health, p. 88, 2016.
25 Cf. Jonathan M. Snowden et al., Planned out-of-hospital birth outcomes, 373 New England Journal of Medicine p. 2642–2653, 2015; Amos Grünebaum et al., Planned home births: the need for additional contraindications, American Journal of Obstetrics & Gynecology (AJOG), p. 401.e1–27 2017; Wax et al., Maternal and newborn outcomes in planned home birth vs. planned hospital births: a metaanalysis, 203(3) AJOG, p. 243.e1–243.e8, 2010, étude critiquée par Russell S. Kirby et Jordana Frost, ACOJ p.e16, 2011; Kennare et al., Planned home and hospital births in South Australia, 1991–2006: differences in outcomes, 192 The Medical Journal of Australia p. 76–80 2010.
26 Cf. Ackermann-Liebrich et al., déjà cité sous no 1; Patricia A. Janssen et al., Outcomes of planned home birth with registered midwife versus planned hospital birth with midwife or physician, 181 Canadian Medical Association Journal (CMAJ) p. 377–83, 2009; Eileen K. Hutton et al., Outcomes associated with planned home and planned hospital births in low-risk women attended by midwives in Ontario, Canada, 2003–2006: a retrospective cohort study, 36(3) Birth p. 180–9, 2009; Janssen et al., Outcomes of planned hospital birth attended by midwives compared with physicians in British Columbia, 34(2) Birth: p. 140–7, 2007; Janssen et al., Outcomes of planned home births versus planned hospital births after regulation of midwifery in British Columbia, 166 CMAJ
p. 315–23, 2002.
27 Pour un récapitulatif clair et complet de 15 études de cohorte, voir Heather R. Elder et al., Investigating the debate of home birth safety: A critical review of cohort studies focusing on selected infant outcomes, 13 Japan Journal of Nursing Science p. 297–308 (2016).
28 Cf. Snowden et al., Janssen, cité supra nnn, Birth 2007; Janssen, CMAJ 2009.
29 Cf. notamment Cheng et al., Selected perinatal outcomes associated with planned home births in the United States, 209 AJOG p. 325.e1–8, 2013.
30 Communiqué de presse du 3 décembre 2014, intitulé «NICE confirms midwife-led care during labour is safest for women with straightforward pregnancies». Plus précisément, la recommandation du NICE est: «Advise low risk multiparous women that planning to give birth at home or in a midwifery led unit (freestanding or alongside) is particularly suitable for them because the rate of interventions is lower and the outcome for the baby is no different compared with an obstetric unit. Advise low risk nulliparous women that planning to give birth in a midwifery led unit (freestanding or alongside) is particularly suitable for them because the rate of interventions is lower and the outcome for the baby is no different compared with an obstetric unit. Explain that if they plan birth at home there is a small increase in the risk of an adverse outcome for the baby.» Dans une étude de suivi effectuée en février 2015, le NICE a relevé que seulement 41% des femmes se sont vu expressément offrir le choix du lieu d’accouchement. Cf. NICE, page web intitulée «Intrapartum care: care of healthy women and their babies during childbirth [CG190], Measuring the use of this guidance». La recommandation complète est accessible à partir de
https://www.nice.org.uk/guidance/cg190/.
31 Pour un descriptif des recommandations professionnelles pour et contre la naissance à domicile, voir l’intéressante étude de S. Roome et al., Why such differing stances? A review of position statements on home birth from professional colleges, BJOG
p. 376–83, 2016.
32 Comme l’écrivent les juges minoritaires, «there is generally no conflict of interest between the mother and her child. […] under ordinary circumstances, we trust that a mother will choose the best option for the birth of her child.» Consid. 7.
33 Dans les affaires Kück c. Allemagne de 2003 et Schlumpf c. Suisse de 2009, la Cour avait pourtant jugé que lorsque l’issue d’un litige dépend avant tout de l’appréciation de données médicales (ici la nécessité d’une opération de conversion sexuelle), le législateur et la justice sont tenus de respecter l’avis des experts médicaux, sans être habilités à poser des exigences générales plus strictes et non fondées sur la science.