smarter medicine: la «Top-9-liste» de la SSMI

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Édition
2017/24
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05740
Bull Med Suisses. 2017;98(24):763–764

Publié le 14.06.2017

Comment utiliser la liste «Smarter Intensive Care Medicine»?

Cette liste n’est pas une liste noire! Elle n’énumère pas des mesures à bannir de nos unités ou des catalogues de remboursement. Rappelons-nous des bases de ­l’initiative de l’American Board of Internal Medicine (ABIM): les mesures proposées doivent ­favoriser la discussion entre les praticiens et les patients, afin d’y renoncer quand elles ne sont pas utiles. Cette liste est donc une base de réflexion, «a cooking book for thinking cooks». Toute autre utilisation, notam­ment dans le but de limiter les soins, serait abusive: il ne faut pas confondre rationalisation et rationnement! La SSMI et ses membres seront attentifs à ne pas laisser s’installer une dérive d’utilisation de ces mesures.
Avec la «liste Top 9» la Sociéte suisse de médecine intensive (SSMI) verse-t-elle une goutte d’eau dans la mer? Non, car même si l’impact économique immédiat sera probablement faible, la SSMI veut induire un changement d’état d’esprit et de pratique. La SSMI va poursuivre cette initiative, en mesurant le degré d’implémentation des mesures et leur impact sur la pratique. Ainsi, et grâce à l’évolution des connaissances, de nouvelles mesures pourront être proposées et implémentées dans le futur, permettant une évolution constante vers une «Smarter Intensive Care Medicine».
1. Limitez la sédation profonde des patients sous ventilation mécanique, par l’utilisation de niveaux 
de sédation évalués par des échelles validées, et en permettant un réveil journalier, même partiel.
Effets positifs attendus
– Diminution de la durée totale de ventilation mécanique
– Diminution de l’incidence de complications liées à la ventilation mécanique (paralysie acquise aux soins intensifs, delirium, infections acquises au ventilateur)
– Facilitation de la mobilisation précoce des patients
2. Limitez la transfusion de globules rouges chez les patients stables et ne saignant pas, avec un seuil transfusionnel de 70 g/l d’hémoglobine.
Effets positifs attendus
– Economie des produits sanguins et diminution des coûts
– Diminution des complications associées à la transfusion (réactions transfusionnelles, transfusion-­associated circulatory overload, TACO (surcharge circulatoire), transfusion-associated lung injury, TRALI)
3. Ne poursuivez pas les manœuvres avancées de soutien de la vie chez les patients présentant un risque significatif de décès ou de séquelles sévères, sans avoir discuté au préalable avec le patient – ou ses proches qui le représentent – des buts thérapeutiques, en tenant compte des valeurs et des préférences personnelles du patient.
Effets positifs attendus
– Diminuer les soins inappropriés dans leur durée et/ou l’intensité
– Favoriser la communication et l’information du patie­nt et des proches
– Harmonisation des procédures décisionnelles aux soins intensifs
4. N’administrez pas des antibiotiques à large spectre sans une évaluation initiale du caractère approprié du traitement, avec une évaluation quotidienne de la possibilité d’une désescalade.
Effets positifs attendus
– Diminution de la consommation globale d’antibiotiques à large spectre
– Diminution des complications associées (allergies, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, infections secondaires à germes résistants)
– Diminution de la pression de sélection et du dé­veloppement de résistances
5. Ne pratiquez pas des examens complémentaires de routine ou à intervalle régulier, mais uniquement dans le but de répondre à une question clinique spécifique relevante pour le patient.
Effets positifs attendus
– Diminution de la consommation globale d’examens et des coûts associés
– Diminution des conséquences négatives (irradiation, anémie)
– Diminution du risque de traitements inutiles ou inappropriés
6. N’administrez pas de nutrition parentérale à un patient sans déficit nutritionnel dans les premiers 4 à 6 jours du séjour aux soins intensifs.
Effets positifs attendus
– Diminution de la nutrition parentérale et des coûts associés
– Diminution des complications associées (infections, complications hépatiques ou métaboliques)
7. N’administrez pas de fluides intraveineux lors d’une insuffisance circulatoire sans une évaluation préala­ble de la réponse aux fluides basée sur un test dynamique.
Effets positifs attendus
– Diminution de l’administration de fluides intra­veineux et des coûts associés
– Diminution des complications associées (surcharge liquidienne, insuffisance rénale, complications métaboliques)
8. N’administrez pas de prophylaxie anti-ulcéreuse systématiquement, mais seulement après évaluation de la balance risque/bénéfice, et en favorisant la nutrition entérale.
Effets positifs attendus
– Diminution de la consommation de médicaments et des coûts associés
– Diminution des complications induites (pneumonies acquises aux soins intensifs)
9. N’utilisez pas en place des équipements invasifs (cathéters, sondes, drains) si aucun bénéfice n’est attendu pour le patient, et ré-évaluez la pertinence de leur maintien, dans le but d’une ablation la plus précoce possible.
Effets positifs attendus
– Diminution de la consommation de matériel et des coûts associés
– Diminution des complications associées (complications liées à la pose, infections secondaires, immobilisation du patient)

Elaboration de cette liste

Si les évidences soutenant la liste américaine sont indéniablement solides, il n’est pas certain que le fait de les proposer et de les déployer hors du pays d’origine apporte une modification significative de la pratique. Une analyse des démarches similaires conduites dans d’autres pays (Australie/Nouvelle-Zélande [ANZICS], Grande-Bretagne, Canada [Choosing Wisely Canada], France) montre que l’application des propositions américaines n’est en effet pas évidente hors de leur contexte initial.
La SSMI, société interprofessionnelle dont l’objectif principal de garantir et développer la qualité de prise en charge des malades en état critique aigu, a choisi une démarche originale, ne se contentant pas d’adopter sans autre les mesures américaines: un groupe de travail a identifié dans la littérature des mesures de soins intensifs potentiellement inappropriées selon les critères de l’American Board of Internal Medicine (ABIM). Les membres de la SSMI ont ensuite été consultés, dans le but de ne retenir que les mesures pour lesquelles une marge d’amélioration existait, et pour lesquelles une implémentation effective paraissait envisageable. Cette enquête a permis d’établir la liste définitive de 9 mesures, présentées et acceptées lors de l’assemblée générale de la SSMI en 2016.
Une liste détaillée des références et des recommandations d’autres sociétés médicales est disponible en ligne sous www.smartermedicine.ch
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