a Dr méd., membre du directoire PSR/IPPNW Suisse, membre FMH, Bâle; b Dr méd., membre du directoire PSR/IPPNW Suisse, membre FMH, Granges; c Dr méd., président PSR/IPPNW Suisse, membre FMH, Marthalen
«Si la médecine veut véritablement accomplir sa grande mission, elle doit intervenir dans la grande vie politique; elle doit signaler les obstacles qui entravent l’accomplissement normal des processus vitaux et doit obtenir leur élimination.»
Rudolf Virchow [1]
Rudolf Virchow (1821–1902), un homme très respecté, fondateur de la pathologie moderne, est aussi un personnage familier à tout médecin. Aucun étudiant en médecine ne peut, aujourd’hui encore, ignorer les ganglions de Virchow de la région sus-claviculaire, signe, en général, d’une affection maligne.
Ce que l’on sait moins à propos de Virchow, c’est qu’il n’était pas seulement le représentant d’une médecine strictement scientifique, mais qu’il était également un homme politique d’orientation libérale engagé en faveur d’une médecine sociale. Les médecins, pensait-il, ne doivent pas seulement reconnaître les maladies du peuple, mais aussi faire en sorte que leur présence soit communiquée aux hommes politiques dans le but de leur éradication [2].
L’appel de Virchow à considérer l’homme malade dans sa globalité [3] était proprement visionnaire et reste toujours d’actualité.
Virchow, confronté aux fléaux de l’époque qu’étaient le choléra et la fièvre typhoïde, conseilla le gouvernement en tant qu’hygiéniste; il s’engagea avec persévérance pour que Berlin soit doté, vers 1870, d’un système de canalisation et d’approvisionnement central en eau potable. C’est également à Virchow que l’on doit la construction d’hôpitaux communaux à Berlin. Ces exemples démontrent comment, pour Virchow, médecine et engagement politique allaient de pair lorsqu’il s’agissait de cibler des situations environnementales délétères pour la santé publique.
Les changements climatiques appellent un tournant énergétique
Il ne fait aucun doute qu’à l’heure actuelle les principaux défis médicaux dans ce monde découlent des changements climatiques induits par l’homme. Un air pur, de l’eau potable, une nourriture suffisante et un abri sur la tête sont les conditions élémentaires qui permettent d’assurer la santé, aujourd’hui et demain. Or, elles sont toutes menacées par les changements climatiques. L’OMS estime que, dans les prochaines décennies, des centaines de milliers de personnes décéderont pour des raisons climatiques [4]. Les coûts sanitaires annuels seront de l’ordre de 2 à 4 milliards de dollars. Déjà, les principales victimes se trouvent dans les pays en développement. Sous nos latitudes également, les conséquences sont de plus en plus perceptibles individuellement – en particulier chez les enfants en bas âge et les personnes âgées. Les limites sont mouvantes entre de simples malaises et des situations médicales potentiellement létales, dues à des pathologies pulmonaires, des allergies, des coups de chaleur, ou à cause des modifications dans le spectre des maladies infectieuses.
La réduction des émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre provenant des chauffages, de la circulation, des transports et du secteur alimentaire sera d’une importance capitale. La consommation croissante en énergie exige de nouvelles solutions. Il existe autant d’arguments sanitaires qu’écologiques et économiques qui plaident en faveur d’une stratégie énergétique tournée vers l’avenir. Les conséquences durables des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima rappellent qu’il y a urgence à trouver de nouvelles formes d’énergie.
Sous l’angle médical, la Stratégie énergétique 2050 doit être approuvée
Virchow nous a appris que les médecins devaient s’exprimer publiquement et se mettre au service d’une médecine holistique. Ce qui signifie que les considérations d’ordre sanitaire doivent avoir leur poids dans les débats de société en cours [5]. Quelle que soit la politique énergétique choisie, aucune amélioration durable ne peut être atteinte au tarif zéro. Les frais qui découlent de la Stratégie énergétique 2050 sont fort modestes en comparaison des bénéfices. Et le secteur économique suisse sera même le premier à en profiter. Plusieurs points de départ vont permettre d’avancer: économies d’énergie dans les bâtiments, la circulation, développement de sources d’énergie renouvelables et enfin, abandon du nucléaire. Des solutions techniques ingénieuses existent déjà dans le solaire et l’éolien, rendant ces installations concurrentielles. Pour rester fidèles à l’esprit de Virchow nous devons favoriser ces développements, car ils sont indispensables au maintien d’un bon état de santé. En votant OUI à la Stratégie énergétique le 21 mai 2017, nous nous accordons une chance et, plus important, agissons en faveur de nos enfants et petits-enfants!
Correspondance
PSR/IPPNW Schweiz ÄrztInnen für soziale Verantwortung / zur Verhütung eines Atomkrieges Secrétariat Bireggstrasse 36 CH-6003 Lucerne
Références
1 R. Virchow, Abhandlungen zur wissenschaftlichen Medicin, Frankfurt, 1856, zitiert in 2. unveränderter Auflage, 1862, Seite 56.
2 Rudolf Virchow: Die Epidemien von 1848, in: Virchows Archiv 3, 1. u. 2. Heft, 1851, S. 7.
3 Rudolf Virchow: Über die Heilkräfte des Organismus. Vortrag, gehalten am 2. Januar 1875 im Verein für Kunst und Wissenschaft zu Hamburg. Berlin 1875, S. 15.
4 WHO – Climate Change and Health, 2016: http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs266/en/
5 Comité des médecins: OUI Stratégie énergétique: http://www.aefu.ch/index.php?id=10831