Mauvaises propositions de solution pour un problème sérieux

FMH
Édition
2017/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05450
Bull Med Suisses. 2017;98(09):271

Affiliations
Dr méd., président de la FMH

Publié le 01.03.2017

En Suisse, la part du PIB consacrée aux dépenses de santé est de 11,1%, soit sensiblement la même que celle de pays comme les Pays-Bas (11,1%), l’Allemagne (11,0%), la Suède (11,0%) et la France (10,9%).1 Par contre, en comparaison européenne, notre pays jouit de l’une des meilleures accessibilités et efficacités des soins.2 Les Suisses possèdent le revenu disponible le plus élevé, avec les Luxembourgeois et les Norvégiens.3 Et si la prime maladie mensuelle moyenne a augmenté ­
de 100 francs entre 2006 et 2014, la consomma-
tion mensuelle moyenne (+325 francs), la charge ­fiscale (+370 francs) et même l’épargne mensuelle (+715 francs) ont augmenté bien plus pendant la même période.4
Pourquoi ai-je tenu à rappeler ces quelques chiffres? Au vu des exigences de rationnement5 et des prévisions alarmistes concernant notre système de santé6 ces ­dernières semaines, il m’a paru important d’analyser objectivement la situation. Il faut examiner régulièrement l’existence d’un potentiel d’efficacité, d’amélio­ration et d’économie, mais malheureusement, les récentes interventions politiques laissent de côté ces questions décisives.
– La motion 16.3987 exige par exemple «que des mesures contraignantes visant à limiter les coûts entrent en vigueur dès que les coûts par assuré à la charge de [l’AOS] [c’est-à-dire les primes] augmentent plus fortement […] que les salaires ­nominaux multipliés par un facteur de 1,1»7. ­Aucun mot en revanche sur les prestations ni sur les patients concernés par cette réduction budgétaire.
– L’initiative parlementaire 17.402 demande qu’à l’avenir, «les fournisseurs de prestations et les assureurs prévoient, dans les conventions tarifaires, des mesures visant à piloter les coûts et les prestations», mesures pour lesquelles le Conseil fédéral peut également définir des «principes»8 – une élégante formulation pour désigner l’introduction d’un budget global. L’intervention rappelle les sources d’inspiration du DFI: les Pays-Bas et l’Allemagne.9 Et quels avantages ces pays offrent-ils en termes de coûts, par rapport à la Suisse? Aucun, comme vous pouvez le constater ci-dessus.
– Enfin, selon l’initiative parlementaire 17.401, le Conseil fédéral doit à l’avenir pouvoir concevoir et instituer lui-même une organisation en charge des tarifs. ­Organisation dont on n’attend, semble-t-il, pas grand-chose puisque le Conseil fédéral devra également pouvoir fixer lui-même les tarifs et les prix à l’aide des données communiquées par les fournisseurs de prestations et les assureurs.10
Ces interventions ont en commun une volonté de compétence accrue de l’Etat dans le système de santé, avec une opacité totale concernant les effets sur la prise 
en charge des patients. Mais aussi, elles illustrent l’acharnement peu rationnel de la politique sur le tarif ambulatoire médical et hospitalier TARMED, qui ne re­présente pourtant que 11 des 71 milliards de francs – soit un septième – des dépenses de santé de notre pays. Un ­pilotage et un plafonnement par l’Etat de ces 15% ne ­résoudront aucun problème. Au contraire, cela en créera de nouveaux, p. ex. si les patients (et les médecins) favorisent le secteur hospitalier plus coûteux au détriment du secteur ambulatoire.
Est-ce à la Confédération de développer le tarif médical? Est-il pertinent de créer à l’OFSP une nouvelle division chargée de la gestion voire du rationnement des coûts? Je ne le pense pas.
Si les primes sont aujourd’hui un problème pour de nombreux ménages, alors que notre économie pourrait supporter les coûts de la santé, la Confédération doit décharger les assurés en uniformisant le financement des prestations ambulatoires et hospitalières. Cela permettra de freiner l’augmentation des primes sans péjorer la prise en charge médicale, et coûtera moins cher en privilégiant davantage l’ambulatoire. En revanche, restreindre l’accès aux soins en raison d’une répartition dépassée des coûts serait une mauvaise ­solution à un problème qu’il faut pourtant prendre au sérieux.