Médecin-chef licencié

FMH
Édition
2017/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05325
Bull Med Suisses. 2017;98(03):53

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Médecine et tarifs hospitaliers

Publié le 17.01.2017

«Encore un» pense le lecteur. Avant de changer de millénaire, quand on acceptait un poste de médecin-chef c’était généralement pour la vie. Puis les hôpitaux sont devenus de plus en plus autonomes, les conseils d’administration ont pris la gestion en main. Suite à l’introduction de nouvelles formes juridiques et à leur impact sur les rapports de travail, le licenciement des cadres est devenu beaucoup plus simple. Engager ou licencier un membre de la direction relève dorénavant de la compétence du conseil d’administration. Les comités de direction ont aussi pris conscience de leur pouvoir, et l’exercent de plus en plus souvent: un médecin-chef moins apprécié part plus rapidement. Pour certains, ces départs sont peut-être fondés mais en suivant régulièrement ce qui est relayé par la presse à ce sujet, force est de constater que quelque chose ne tourne désormais plus rond. La réaction ne s’est pas fait attendre, les médecins-chefs prennent de plus en plus vite l’initiative de partir vers d’autres postes plus attrayants. Cette évolution encourage-t-elle une bonne prise en charge des patients? Non. Généralement, les entreprises avec une équipe de direction constante sont plus performantes à long terme grâce à la culture d’entreprise bonne et efficace qu’elles ont eu le temps de mettre en place. Les tendances actuelles affaiblissent la qualité dans les hôpitaux, raison pour ­laquelle les patients devraient plutôt éviter les institutions dans lesquelles la direction change souvent.
Quelle voie suivre? Diriger un hôpital, c’est être à la tête d’une organisation d’experts, c’est donc une mission particulièrement exigeante où seuls des arguments probants et percutants sont acceptés. Ne pas les maîtriser, c’est la tentation de s’en remettre à son propre pouvoir ou à des incitatifs financiers qui souvent ne sont autres que des leviers dissimulés du pouvoir. Enrayer la critique constructive par des rappels à l’ordre brise la confiance et ôte l’envie d’assumer pleinement des responsabilités. Les comités de direction et les conseils d’administration doivent développer entre eux une culture qui ne mette pas en avant le pouvoir, le prestige et les intérêts financiers particuliers, mais un engagement inconditionnel à trouver ensemble des solutions communes. Seul un climat de confiance développé avec pertinence permet d’élaborer des solutions acceptables et d’ouvrir la porte aux discussions controversées. Ceci est vrai à tous les niveaux d’une organisation.
Le premier pas est souvent le plus important: le choix des personnes. Les mandats au sein du conseil d’administration d’un hôpital ne sont pas des privilèges mais bien une mission ambitieuse. Hormis de bonnes connaissances du système de santé local ou des notions approfondies en droit et en finances, la capacité éprouvée de coopérer dans des organes exigeants devrait être un préalable indispensable dans le choix d’un membre du conseil d’administration. Un article du BMS intitulé «Les conseils d’administration au fil du temps: de l’éminence grise au coaching actif» [1] publié en 2014 passe en revue des approches prometteuses pour la coopération entre le conseil d’administration et le comité de direction d’un hôpital. En ce qui concerne le Conseil de l’Hôpital, plusieurs recommandations méritent d’être soulignées, notamment la mise en place d’une culture de la critique constructive, l’expertise médicale, une recherche active d’informations ­relatives à l’organisation, la participation à la gestion de la qualité et des risques et, enfin, le renoncement au «cumul de mandats». L’article rappelle également que la présence de médecins dans le conseil d’administration d’un hôpital contribue davantage à un succès à long terme que si c’était des politiciens. Si ces principes étayés scientifiquement étaient appliqués de manière plus systématique, on lirait plus régulièrement ce genre d’annonces favorables aux patients: «Départ à la retraite: le médecin-chef a passé le flambeau. Son successeur reprend le témoin après une phase d’adaptation optimale.»
1 Zaugg M, Müller R. Der Spitalrat im Wandel der Zeit: von der grauen Eminenz zum aktiven Coach. Bull med. suisses. 2014;35(95):1289–92 (en allemand)