Une rétrospective de la conférence European Public Health (EPH) du 9 au 11 novembre 2016 à Vienne

All for health – health for all

FMH
Édition
2017/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05304
Bull Med Suisses. 2017;98(03):54–55

Affiliations
a Dr méd., p.-d., présidente de la Société suisse des médecins spécialistes en prévention et santé publique; b Dr méd., membre du comité et de la direction
de la Deutsche Gesellschaft für Sozialmedizin und Prävention; c Prof. méd., président de la Österreichische Gesellschaft für Public Health

Publié le 17.01.2017

Le thème de la conférence EPH de cette année «All for health – health for all» traduit le fait que la santé des populations est fondamentale pour la qualité de vie des citoyens comme pour le développement des sociétés, et représente par conséquent une responsabilité sociale et politique. La seconde partie de l’intitulé fait référence à l’égalité des chances dans les systèmes de santé, qui ne font pas de distinction entre les statuts économiques, le genre ou l’âge et qui intègrent les groupes marginalisés dans les sociétés. L’EPH a été ­organisée par l’European Public Health Association (EUPHA) en collaboration avec la Österreichische ­Gesellschaft für Public Health (ÖGPH).

De la Charte d’Ottawa à la Déclaration 
de Vienne

Pratiquement trente ans après la publication de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, la ­Déclaration de Vienne a été adoptée dans le cadre de la conférence EPH. La Charte d’Ottawa est le document fondateur de l’Organisation mondiale de la Santé en matière de promotion de la santé. Elle définit la promotion de la santé, décrit les facteurs déterminants de la santé et identifie cinq domaines pour des mesures de promotion de la santé. La Déclaration de Vienne renforce le caractère actuel de la Charte d’Ottawa, présente les défis pour la santé qui se dégagent en particulier des développements de ces trente dernières années et met en lumière la contribution particulière que la Public Health Community peut apporter à l’amélioration de la santé du plus grand nombre possible. Ceci comprend notamment l’engagement, dans tous les domaines politiques, pour des décisions en matière de santé qui soient raisonnables et fondées sur des preuves. Il s’agit aussi de générer les preuves nécessaires à travers une recherche de haute qualité et de veiller à l’application concrète de ces résultats.

La santé publique dans le triangle 
des pays germanophones

Début 2016, les trois sociétés, l’ÖGPH, la Société suisse des médecins spécialistes en prévention et santé publique (SSSP) et la Deutsche Gesellschaft für Sozialmedizin und Prävention (DGSMP), ont décidé d’instaurer un échange plus étroit et de faire avancer la santé ­publique au-delà des frontières en mettant sur pied des conférences annuelles communes. En guise de lancement, un symposium commun s’est tenu dans le cadre de la conférence EPH sur le thème de «Health literacy» (compétences en matière de santé), auquel ont participé des experts des trois pays. La participation active et les discussions ont montré que ce sujet, bien qu’ancien, s’inscrit totalement dans l’actualité.
Le Prof. em. Jürgen Pelikan (Dr phil., directeur, WHO Collaborating Centre for Health Promotion in Hos­pitals and Healthcare auprès de la société Gesund-
heit Österreich GmbH, ), d’Autriche, 
a soulevé la ­question de la possibilité de mesurer 
les ­compétences en matière de santé, en lien avec 
la pub­lication de rapports sur la santé. Le Health Literacy ­Survey Europe 2009–2012 (Etude HLS-EU, , dont le questionnaire a été utilisé dans la récente étude suisse sur les compétences en matière de santé1, comme précédemment en Allemagne et en ­Autriche, a validé des indicateurs et ­montré des corrélations avec divers facteurs de santé. L’importance des compétences en matière de santé doit être relevée, en tant que facteur déterminant de la santé, mais aussi en termes de promotion et de ­médiation. La dégradation de l’état de santé, telle qu’elle est perçue par les personnes âgées, est, par exemple, inversement proportionnelle au niveau de compétences en matière de santé des individus. Des versions, du moins courtes, de l’outil devraient être intégrées dans le processus de présentation de rapports sur la santé.
La Prof. L. Suzanne Suggs (Dr phil., Associate Professor of Social Marketing, Faculty of Communication Sciences, University of Lugano), de la Suisse, a mis en lumière le rôle des réseaux sociaux dans la promotion des compétences en matière de santé. Ces réseaux jouent un rôle clé, surtout chez les enfants et les jeunes, en ce qui concerne la mise en place d’une conception, l’appropriation de connaissances, les comportements et les compétences en matière de santé. C’est la raison pour laquelle, les initiatives et efforts en matière d’information dans le domaine de la promotion de la santé doivent être ciblés en même temps sur les individus concernés et les réseaux sociaux qu’ils utilisent.
Anja Neumann, Dr méd. et p.-d., et Janine Biermann, 
Dr rer. medic., (Institute for Health Care Management and Research, University of Duisburg-Essen), d’Allemagne, ont présenté des résultats qui n’ont pas encore été ­publiés, issus d’une recherche systématique de la littérature sur l’évaluation des compétences en matière de santé et sous l’angle de l’économie de la santé. Un des résultats à retenir concerne la rareté des études qui analysent les coûts et l’efficience des coûts dans le ­domaine des compétences en matière de santé.
La grande pertinence de la question des compétences en matière de santé, actuellement en Suisse, trente ans après la Charte d’Ottawa, est démontrée par l’enquête menée en Suisse en 20151. Celle-ci révèle que les compétences générales en matière de santé d’une faible majorité de la population suisse peuvent être qualifiées de pro­blématiques (45%) ou insuffisantes (9%). Contrairement aux résultats globaux de l’étude HLS-EU, il n’y a pas de relation (linéaire) avec l’âge, bien que le niveau le plus bas des compétences en matière de santé puisse être observé dans les groupes des 45–55 et des plus de 75 ans. En Suisse, la précarité financière s’avère être le facteur qui a la plus forte incidence sur les compétences en matière de santé, alors que l’étude HLS-EU pointait plutôt le niveau de formation. D’autres facteurs d’influence sociodémographiques pris sous la loupe, comme le sexe ou l’origine migratoire, ne constituient pas des facteurs d’influence significatifs en Suisse. Les résultats en lien avec l’origine migratoire reposent sur des études partielles menées auprès de personnes d’origine turque et portugaise vivant en Suisse. Une participation faible et la limitation à deux nationalités seulement réduisent ici la représentativité et la possibilité de généraliser les résultats.
Si l’on s’intéresse individuellement aux indicateurs de l’index des compétences générales en matière de santé, on s’aperçoit qu’une proportion importante de la ­population analysée éprouve des difficultés à:
– évaluer quels sont les vaccins dont elle aurait éventuellement besoin (50%) ou quels sont les avantages ou inconvénients des diverses possibilités de traitement (44%),
– décider si elle doit se faire vacciner contre la grippe (40%),
– juger dans quelle mesure des informations véhiculées par les médias sur les risques pour la santé sont fiables (39%),
– comprendre les indications sur les emballages des produits alimentaires (37%),
– s’informer sur des changements politiques qui pourraient avoir des incidences sur la santé (47%).
Cette sélection d’indicateurs personnels révèle, de maniè­re générale, des champs d’action pour l’avenir du corps médical et des politiques de la santé. Elle montre aussi que dans le domaine des compétences en matière de santé, il n’est pas uniquement question de transmission de connaissances, mais aussi de renforcement de la capacité à se forger une opinion et à s’impliquer.

Vers l’avenir, avec engagement

Outre un grand nombre de sujets de recherche et d’expériences pratiques, la conférence a été consacrée, en assemblée plénière, aux thématiques d’actualité suivantes:
– La santé dans des systèmes fragmentés
– Contribution de la science à la santé planétaire (planeta­ry health)
– Nouvelles technologies, santé personnalisée et égalité des chances: conflit ou adaptation
– Santé pour tous: migration, changement et limitation financière
Les discussions ont aussi été riches et polémiques en ce qui concerne l’atmosphère de crise en Europe, les résultats actuels d’élections en Europe et en Amérique et leurs conséquences imprévisibles pour la santé publi­que au niveau national et international. Alors qu’en ce début novembre, des hommes d’un âge avancé 
se voient confier les commandes outre-Atlantique, 
l’EUPHA se montre moderne, ouverte et tournée vers l’avenir avec l’élection du Dr Natasha Azzopardi Muscat (Department of Health Services Management, Malte). Plus de 1800 expert-e-s en santé publique ont fourni la démonstration de leur expertise et leur en­gagement au cours de ces trois jours et encouragent la santé pour tous, par tous!