Cabinet malin
L'art de communiquer
Communication médecin-patient L’apprentissage et l’exercice de la communication professionnelle sont souhaités par les responsables de la formation continue dans de nombreux hôpitaux. Cependant, les professeurs compétents manquent et la motivation des collaborateurs n’est pas toujours au rendez-vous. Selon notre auteur, il est possible de faire différemment. Explications.
L’importance de la communication professionnelle est largement reconnue dans de nombreuses prises de position officielles et dans les sondages. Pourtant, il est difficile de motiver les collègues à participer aux formations idoines. Il y a plusieurs raisons à cela, pratiques ou liées au contenu. Dans la pratique, l’essor des formations en communication professionnelle dans le cadre hospitalier se heurte à un manque flagrant d’enseignants compétents. C’est particulièrement vrai pour les hôpitaux périphériques et pour le développement de ces formations dans les cabinets médicaux. Pallier cette lacune dans un délai raisonnable requiert l’utilisation de formes d’apprentissage basées sur Internet.


© Luca Bartulović
En matière de contenu, les jeunes collègues ont souvent du mal à trouver un équilibre qui leur convienne entre la «conduite» d’un entretien et la mise en pratique auprès de leurs patients. Les deux requièrent une identité sûre – une attitude intérieure – en tant que médecin, que nous devons acquérir au cours de notre expérience professionnelle.
Qui ose critiquer?
Le problème est très différent chez les collègues plus expérimentés: ils ne saisissent pas toujours pourquoi ils devraient participer à un séminaire sur la conduite d’entretiens professionnels. Cette réaction ne traduit pas nécessairement un aveuglement volontaire ou de l’arrogance, mais simplement le fait qu’il est extrêmement rare que les patients nous signalent directement un manque de compétences en communication. En fait, dans cette relation, il s’agit d’une question de pouvoir: qui ose critiquer une personne dont il attend quelque chose? Il y a aussi une question de compétence: comment une patiente ou un patient peut-il ou elle savoir qu’il serait possible de communiquer autrement avec lui ou elle ou, par exemple, qu’une autre manière de transmettre les informations serait possible? Tous ces facteurs réunis font que les patients sont mal placés pour donner un retour critique. Je n’ai encore jamais eu de patient ou patiente qui lève les mains lors d’un entretien et m’interrompe en disant: «Stop! C’est trop pour moi!» Et pourtant, beaucoup d’entre eux auraient eu (ont) de bonnes raisons de me couper la parole; j’en sais trop et j’aime parler...
Quant aux procédures techniques, l’apprentissage par la pratique («learning by doing») s’avère beaucoup plus facile: si je rate le vaisseau sanguin lors d’une ponction, je sais immédiatement que je dois changer quelque chose dans ma façon de procéder – l’échec stimule l’apprentissage. Sans échec patent, l’apprentissage n’a plus de sens.
Considérer les besoins
En tant que prestataires de formations en communication, nous devons peut-être aussi nous remettre en question. Le format typique de la formation correspond-il aux besoins des participants et entraîne-t-il un changement tangible dans la pratique? Dans nos séminaires, nous essayons d’aborder le premier point en travaillant sur les situations problématiques des participants et non sur des thèmes prédéfinis [1]. Le second point insiste sur les interventions, que l’on combine à des séminaires où il est possible d’obtenir un feed-back professionnel sur la mise en œuvre dans la pratique [2, 3]. Étant donné qu’une supervision 1:1 généralisée dans les cabinets médicaux reste utopique, nous avons développé un programme où les collègues peuvent réserver, selon le créneau horaire souhaité, un entretien avec un patient typique à problèmes, représenté par un collaborateur formé à cet effet. Après l’entretien, les collègues reçoivent une réponse structurée et étayée par des séquences vidéo correspondantes de l’entretien (SoCoCo®). Ce programme est utilisé depuis plusieurs années à Bâle dans l’enseignement et par la FMH dans le cadre de PEPra.
Wolf Langewitz
Il est professeur émérite en psychosomatique à l’Hôpital universitaire de Bâle et écrit régulièrement dans cette rubrique sur la communication médecin-patient.


Références
1 Scheel-Sailer A, Eich S, Jelmoni L, Lampart P, Schwitter M, Sigrist-Nix D, Langewitz W. Effect of an interprofessional small-group communication skills training incorporating critical incident approaches in an acute care and rehabilitation clinic specialized for spinal cord injury and disorder. Front Rehabil Sci. 2022 Jul 28;3:883138. doi: 10.3389/fresc.2022.883138. PMID: 36188965; PMCID: PMC9397787.
2 Fu SS, Roth C, Battaglia CT, Nelson DB, Farmer MM, Do T, Goldstein MG, Widome R, Hagedorn H, Zillich AJ. Training primary care clinicians in motivational interviewing: a comparison of two models. Patient Educ Couns. 2015 Jan;98(1):61–8. doi: 10.1016/j.pec.2014.10.007. Epub 2014 Oct 17. PMID: 25455795.
3 Løchting I, Hagen R, Monsen CK, Grotle M, Storheim K, Aanesen F, Øiestad BE, Eik H, Bagøien G. Fidelity of a Motivational Interviewing Intervention for Improving Return to Work for People with Musculoskeletal Disorders. Int J Environ Res Public Health. 2021 Sep 30;18(19):10324. doi: 10.3390/ijerph181910324. PMID: 34639624; PMCID: PMC8507704.
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