Analyse de la semaine
Le cabinet médical, un atout auquel il faut faciliter la tâche
Médecine ambulatoire Les conditions imposées par la clause du besoin empêchent de proposer une médecine de premier recours pertinente et économique. Pour les cantons, garantir la prise en charge ambulatoire est en passe de devenir un immense défi. La FMH s’engage à trouver des solutions.
C’est un travail de pionnier que la FMH a mené en mettant en place une procédure de qualification électronique pour les examens des assistantes médicales tout en adaptant dans le même temps leur contenu à la nouvelle ordonnance sur la formation. Nous présentons brièvement le projet dans ce numéro du BMS, vous trouverez l’article en page 32. Le travail investi a porté ses fruits et contribuera à l’attractivité de cette profession. Par ailleurs, le projet PEPra [1] a permis de développer des formats de formation continue interprofessionnelle pour les équipes des cabinets médicaux mais aussi de la documentation spécialisée. Cette offre PEPra peut être utilisée conjointement par les médecins, les assistantes médicales (AM) et les coordinatrices en médecine ambulatoire (CMA), ou individuellement, selon les besoins.


Carlos Quinto
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé
Le retard pris jusqu’ici par le TARDOC et l’absence de compensation pour le renchérissement, l’augmentation des coûts salariaux et d’autres dépenses récurrentes au cours des dernières décennies sont autant de points négatifs pour les cabinets médicaux. Au regard des AM et des CMA, la situation est particulièrement amère. Les cabinets de médecine de famille s’avèrent être un des piliers de la formation et, pour des raisons financières, ils sont massivement désavantagés par rapport aux entreprises subventionnées par les pouvoirs publics pour embaucher les personnes formées. Afin de garder les meilleurs éléments plus longtemps dans la profession, il faudrait quelques changements, ce qui est actuellement entravé par la Confédération et les assureurs. Aujourd’hui, on assiste à une inégalité de traitement inacceptable. Dans les réseaux de cabinets qui leur sont propres, les assureurs rémunèrent le travail des coordinatrices en médecine ambulatoire, orientation clinique, alors qu’ils retardent, avec la Confédération, cette rémunération pour les autres cabinets de médecins de famille. Ils prennent ainsi le risque de voir baisser la qualité de la prise en charge médicale. C’est particulièrement choquant quand on sait qu’il s’agit d’un modèle d’assurance abordable et de bonne qualité et que les capacités de soins ont déjà atteint leurs limites.


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La formation d’assistante médicale fait partie, faut-il le rappeler, des formations de trois ans sanctionnées par un CFC les plus exigeantes et les plus variées. Elle est déterminante pour la qualité de la médecine ambulatoire. Faire des concessions au niveau de la formation tout comme dans le domaine de la médecine interne générale entraînerait des conséquences négatives pour la qualité élevée des soins et la sécurité des patients. Comme il s’agit d’un système complexe, seule une approche participative et commune permet d’atteindre l’objectif visé, comme cela a été le cas du projet PEPra, qui a été mené avec la participation conjointe de la fondation Promotion Santé Suisse, une unité de direction de l’OFSP, plusieurs sociétés de discipline et la SVA. L’intérêt manifesté pour PEPra par les cantons pilotes mais aussi par d’autres cantons et d’autres groupes professionnels plaide également en faveur de cette approche et de ce projet.
Laboratoire de cabinet médical
Le laboratoire de cabinet médical est malheureusement mis depuis de nombreuses années sous une pression permanente. Ça n’est pas à vous, chères et chers collègues, que je dois expliquer à quel point il est précieux pour assurer un traitement médical de qualité, économique, orienté vers les patients et efficace. De nombreuses hospitalisations peuvent ainsi être évitées. Il n’en reste pas moins que des actualisations pertinentes ne peuvent pas avoir lieu. Accessoirement, le laboratoire du cabinet médical contribue à l’attractivité du profil professionnel d’assistante médicale. Du point de vue de la santé publique, il joue un rôle central dans la gestion de la résistance aux antibiotiques. Les conditions-cadres créées par la Confédération et les assureurs freinent et empêchent cependant le développement et la réalisation d’un diagnostic moderne dans le laboratoire du cabinet médical, qui contribue de manière essentielle à la sécurité des patients et à une réduction supplémentaire du volume des antibiotiques prescrits. À ce propos, je voudrais mentionner que la Suisse, en particulier la Suisse alémanique, occupe déjà une excellente place en Europe en ce qui concerne la prescription d’antibiotiques. Le cas de la troponine donne également du fil à retordre. Si aucune solution n’est trouvée, les cabinets de généralistes devront bientôt adresser davantage de patientes et de patients aux services d’urgence, alors que ceux-ci sont déjà surchargés et que cela pourrait être évité. La FMH s’engage à trouver des solutions et j’espère vivement que les arguments des professionnels de la santé seront entendus afin d’éviter que les soins médicaux deviennent plus chers et perdent en qualité.
Cabinets sans hôpitaux?
Les interactions entre cabinets médicaux et hôpitaux sont nombreuses et forment un enchevêtrement qui reste complexe. Du point de vue de la santé publique, il est crucial que cette structure fonctionne et ne soit pas limitée par des aspects administratifs. Pour ce faire, il faudrait encourager et financer une meilleure intégration du travail social et médical des deux côtés, à l’image de ce que les projets du PNR 74 ont montré. Les hôpitaux ont également découvert l’intérêt des assistantes médicales. Là aussi, pour un bénéfice partagé, il s’agit d’encourager les réseaux d’entreprises formatrices et de supporter les coûts de manière solidaire avec les sociétés cantonales de médecine. Il sera ainsi possible de créer des situations où tout le monde est gagnant, que ce soit les cabinets médicaux, les hôpitaux ou les personnes en apprentissage.
La situation des médecins en formation est très préoccupante. Un grand nombre abandonne leur formation de médecin spécialiste en cours de route. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans les hôpitaux? Pendant des décennies, les tâches qui auraient dû être dédiées au développement organisationnel n’ont pas été accomplies. Les médecins en formation en font aujourd’hui les frais, ils subissent notamment des systèmes informatiques très peu conviviaux et parfois éloignés de la pratique. Dans de nombreux hôpitaux, l’organisation du travail est un vain mot, et le quotidien jalonné de tâches administratives médicalement inutiles; si bien que beaucoup quittent le métier, ne serait-ce que pour préserver leur santé. Les hôpitaux qui ne respectent pas la loi sur le travail doivent être sanctionnés. Pendant des décennies, les médecins ont toléré des horaires de travail beaucoup trop longs et ont effectué d’innombrables heures supplémentaires non rémunérées par motivation intrinsèque. Or, le contenu du travail s’est tellement dégradé qu’ils passent aujourd’hui beaucoup trop d’heures devant un ordinateur à effectuer des tâches administratives sans intérêt médical, au lieu de consacrer leur temps aux patients. Le travail administratif coûte cher au système de santé et le rend inefficace. La jeune génération de médecins est prête à faire des heures supplémentaires mais pour cela, elle doit avoir l’impression de faire quelque chose de bien pour les patients et non de perdre son temps sur des systèmes informatiques inadaptés. Ce temps perdu crée un déséquilibre. Les conditions de travail dans les hôpitaux doivent s’améliorer afin d’éviter de mettre en danger la santé des jeunes médecins et qu’ils tournent le dos à la profession faute de motivation.
Quid des médecins installés en cabinet? La relève n’est pas suffisante alors que l’évolution démographique requerrait un renfort massif. Augmenter le nombre de places d’études universitaires est une bonne chose, mais ce n’est pas du tout suffisant si la relève abandonne dès la formation postgraduée. Dans ce contexte, la Charte sur la santé des médecins est née d’une nécessité. Nous devons améliorer les conditions de travail si nous voulons obtenir ne serait-ce qu’une relève suffisante.
Référence
1 «PEPra – La prévention au cabinet médical fondée sur les preuves» est un projet de la FMH et d’autres organisations pour encourager la prévention et la détection précoce des maladies non transmissibles, des dépendances et des maladies psychiques dans la médecine ambulatoire de premier recours. Il propose des informations et des formations continues modulaires à l’intention de l’ensemble du personnel des cabinets médicaux – médecins, AM et CMA. PEPra est fondé sur les preuves, centré sur les patientes et patients et adapté à la pratique. https://www.pepra.ch/fr
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