Accent
Économicité des interventions non médicamenteuses en cas de démence
Mesure des coûts Tous les traitements pris en charge par l’assurance-maladie doivent être efficaces et économiques. Pour les personnes atteintes de démence, les interventions non médicamenteuses sont souvent le seul moyen d’améliorer la qualité de vie. Que faut-il pour montrer leur économicité?
Il n’existe jusqu’à présent aucun traitement modificateur de la maladie en cas de démence. Les médicaments disponibles peuvent certes parfois ralentir l’évolution, mais pas la stopper. À ce jour, les nouveaux médicaments ne se sont montrés guère convaincants. Aussi les interventions non médicamenteuses constituent-elles généralement l’unique option.
Conformément à la loi sur l’assurance-maladie, les traitements dont les coûts sont pris en charge par l’assurance-maladie obligatoire doivent remplir trois critères: Ils doivent être efficaces, c’est-à-dire améliorer la santé ou apaiser la souffrance de manière probante. Ils doivent être appropriés, c’est-à-dire adaptés au traitement du ou de la patiente spécifique. Et ils doivent être économiques, c’est-à-dire présenter un rapport coût-bénéfice adéquat. Ce principe vaut aussi bien pour les médicaments que pour les soins à domicile ou par exemple l’ergothérapie.
Mais qu’est-ce qu’un rapport coût-bénéfice adéquat? Pour répondre à cette question, il faut comprendre ce que sont les bénéfices et les coûts d’un traitement et comment les mesurer. L’évaluation des bénéfices et coûts est particulièrement difficile en cas de démence.
Les coûts incluent non seulement les coûts du nouveau traitement, mais aussi les autres dépenses et celles éventuellement évitées. Les principaux coûts qu’engendre la démence sont souvent attribués à l’établissement de soins. Ceux-ci ne sont en grande partie pas à la charge de l’assurance-maladie, mais des communes, des cantons et de l’AVS. Les proches accompagnants sont fortement touchés et supportent, outre la charge psychique, un risque accru de maladie et le fardeau financier. Selon un groupe international d’expertes et experts en évaluation économique en santé des traitements de la démence, les coûts des proches devraient toujours être pris en compte lors de la décision de la prise en charge des coûts [1].
Le bénéfice d’un traitement réussi des personnes atteintes de démence repose généralement sur l’amélioration de la qualité de vie. Dans les évaluations économiques en santé, celle-ci est mesurée à l’aide d’instruments standardisés tels que l’interrogatoire des personnes concernées. En cas de maladie avancée, il peut toutefois être justement très difficile d’interroger les patientes et patients sur leur qualité de vie. C’est pourquoi les individus atteints de démence ne sont souvent pas interrogés, mais les personnes qui les accompagnent. La pondération de la qualité de vie indique une forte baisse de la qualité de vie en présence de démence progressive. Selon une étude actuelle, la qualité de vie diminue de 80% en cas de léger déficit cognitif à 25% en cas de démence sévère en établissement de soins (100% correspond à un état en pleine santé) [2].
Lors de l’évaluation de l’économicité d’un traitement non médicamenteux, il convient, comme pour un médicament, de comparer les coûts et le bénéfice du traitement. L’exemple d’une étude américaine actuelle de quatre interventions non médicamenteuses sert d’illustration [3]. Elle mesure l’efficacité de l’intervention en jours supplémentaires «gagnés» à domicile plutôt qu’en établissement de soins, à la différence du groupe témoin constitué de personnes atteintes de démence qui n’ont pas été incluses dans les interventions lors la sélection aléatoire.
La figure 1 montre l’efficacité des quatre interventions sur le diagramme coût-efficacité. Le diagramme est constitué d’un axe horizontal de l’efficacité et d’un axe vertical du coût. Les axes se recoupent dans la situation du groupe témoin qui n’a pas participé à l’intervention. Les distances au point d’intersection des axes représentent ainsi la différence d’efficacité ou de coût par rapport au groupe témoin. Les quatre points à droite du point d’intersection sur l’axe de l’efficacité montrent que les quatre interventions ont retardé l’entrée en établissement de soins. En fonction de l’intervention, le délai était de 14 à 43 jours.


L’évaluation de l’économicité requiert en outre des informations concernant les coûts et les économies liés aux interventions. Bien que les interventions engendrent des coûts, elles peuvent permettre des économies lorsque d’autres coûts sont évités. Dans ce cas, notamment en évitant les coûts d’un séjour en établissement de soins. Les coûts du diagramme correspondent ainsi aux coûts nets.
La figure 2 représente l’économicité dans diverses combinaisons de coûts et d’efficacité sur le diagramme coût-efficacité. Ici, le terme «économique» est remplacé par les termes employés dans les évaluations d’économie en santé «efficient» et «avantageux». Les interventions qui ne sont pas efficaces et engendrent des coûts ne sont jamais économiques, tandis que celles qui sont efficaces et épargnent des coûts sont toujours économiques. L’évaluation de l’économicité lorsque les interventions sont efficaces et engendrent des coûts plus élevés est plus difficile. Les interventions qui sont très efficaces et peu chères sont certainement économiques, car la santé peut bien entraîner quelques dépenses. Les interventions qui, en revanche, sont peu efficaces et chères ne sont guère économiques. Savoir où se situe exactement la limite entre économique et non économique est l’une des questions importantes du système de santé.


En ce qui concerne l’économicité des quatre interventions, les résultats divergent selon que les coûts des proches sont pris en compte ou non. Sans ces coûts, les trois interventions étaient efficientes et une intervention était avantageuse. Avec les coûts des proches, les quatre interventions étaient avantageuses.
Résumé pour vous par:
Conférence nationale sur la démence 2023 | 11.05.2023
Centre de congrès Kreuz à Berne
Prof. Dr. oec. publ. Simon Wieser
Directeur de l’Institut pour l’économie de la santé de Winterthour ZHAW.


Adresse de correspondance
wiso[at]zhaw.ch
Références
1 Landeiro F, et al. Health economic modeling for Alzheimer’s disease: Expert perspectives. Alzheimers Dement (N Y). 2022;8(1):p.e12360.
2 Brück CC, et al. Projections of costs and quality adjusted life years lost due to dementia from 2020 to 2050: A population-based microsimulation study. Alzheimers Dement. 2023.
3 Jutkowitz E, et al. Cost effectiveness of non-drug interventions that reduce nursing home admissions for people living with dementia. Alzheimers Dement. 2023.
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