Le mot de la fin
Quand l’imagination dépasse la réalité
Au cours des vacances avec des amies sur une île de la mer du Nord, nous avons toutes emporté les journaux que nous n’avions pas eu le temps de lire durant les jours ou semaines stressantes qui ont précédé le départ. L’hebdomadaire allemand Die Zeit s’est ainsi décliné en plusieurs exemplaires et formats. Comme la version papier était trop volumineuse pour être lue dans le train sans incommoder le voisin, sa lecture était particulièrement bien adaptée à la maison de vacances.


Christina Aus der Au
Prof. Dre théol., membre de la rédaction éthique
Comme il faisait froid et qu’il ventait, nous sommes restées à l’intérieur calfeutrées derrière nos journaux. J’ai lu un commentaire intitulé «Ce sont toujours les petits qui trinquent» [1] qui disait qu’à l’avenir, il y aurait moins de poignées de portes dans les cliniques en Allemagne, mais qu’elles seraient plus grandes et de meilleure qualité. Les lignes directrices de la réforme hospitalière le prévoyaient et cela s’imposait.
Étrange. Quel peut bien être le rapport entre les poignées de porte et la clinique? Les discussions autour du coronavirus sont certes toujours en cours et Karl Lauterbach, le ministre allemand de la santé, a bien déclaré que nous devrions continuer à éviter de nous serrer la main. Coronavirus, grippes, rhumes et autres méchants virus circulent toujours et rien ne vaut une bonne poignée de main pour assurer leur diffusion. Nous touchons chaque jour d’innombrables objets vecteurs de transmission tels que les claviers d’ordinateur, les essuie-mains, les billets de banque ou les poignées de porte. Celles-ci font le lien entre deux mains en transmettant les germes qui s’y trouvent.
Cela me fait penser à un podcast, que je viens d’écouter, consacré à Ignaz Semmelweis à l’occasion de la commémoration de son décès le 13 août 1865. Ignaz Semmelweiss a découvert que l’hygiène des mains jouait un rôle crucial dans la réduction de la mortalité liée à la fièvre puerpérale. Or, aujourd’hui, la situation s’est à nouveau détériorée dans les hôpitaux si l’on en croit le spécialiste en hygiène hospitalière interviewé. Pour être irréprochable, il faudrait consacrer une heure à la désinfection des mains pour chaque tranche horaire de huit heures. C’est illusoire. Il n’est donc guère étonnant que les spécialistes s’intéressent aux poignées de portes. Cela s’impose.
Réduire le nombre de poignées de portes signifie donc limiter le nombre de contacts avec ces objets souillés. Accroissons le nombre de portes automatiques, augmentons la distance avec les objets stériles et agrandissons les poignées de sorte à pouvoir ouvrir les portes avec les coudes ou les genoux, des parties du corps qui ont le mérite de ne pas être utilisées ensuite pour se frotter les yeux ou manger un croissant. Les mains que les médecins tendent aux patients resteraient ainsi stériles. Peut-être que l’auteur de l’article imaginait d’immenses poignées offrant un meilleur étalement aux virus. Quoi qu’il en soit, il faudrait des poignées de meilleure qualité ayant bénéficié d’un traitement nanotechnologique en vue d’une neutralisation immédiate des germes.
Cela tombe sous le sens et je poursuis ma lecture pleine d’espoir jusqu’à ce que je lise qu’il y a trop d’hôpitaux en Allemagne et que les traitements spécialisés devraient être dispensés dans des cliniques de grande envergure et les soins de base, dans des structures plus petites. Pas un mot sur l’hygiène des mains ni les poignées de portes.
Je relis le chapeau et éclate de rire. Il était question de «Kliniken» (cliniques) et pas de «Klinken» (poignées de portes) que l’on souhaite meilleures et plus grandes, mais ce n’est pas ce que j’avais lu.
Au fond, il aurait très bien pu s’agir de poignées de portes, le sujet est intéressant.
Référence
1 «Immer auf die Kleinen», DIE ZEIT n° 30, 13 juillet 2023, p. 21.
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