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«Liste Top 5» pour la médicine interne générale hospitalière

DOI: https://doi.org/10.4414/bms.2023.22050
Date de publication: 30.08.2023
Bull Med Suisses. 2023;104(35):42-43

Organisme responsable «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland»

smarter medicine La Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) a publié une nouvelle «liste Top 5» pour la médecine hospitalière. Elle y recommande d’éviter des traitements a priori inutiles, tels que la prescription systématique d’antihypertenseurs ou d’anticoagulants prophylactiques à des patientes et patients en soins aigus.

En tant que cofondatrice de l’organisation d’utilité publique «smarter medicine», la SSMIG a déjà établi une liste Top 5 pour la médecine hospitalière [1] ainsi que deux autres pour la médecine ambulatoire [2, 3]. Une deuxième liste complémentaire pour la médecine hospitalière a à présent été établie. Le but de ces listes Top 5 est de contribuer à réduire la surmédicalisation et les traitements inappropriés.

La SSMIG émet les cinq recommandations suivantes pour la médecine interne générale hospitalière.

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smarter medicine: éviter les traitements inutiles et risqués pendant le séjour hospitalier.

© Syda Productions / Dreamstime

1. Ne pas instaurer une anticoagulation prophylactique chez les patients médicaux aigus ayant un risque bas d’évènement thromboembolique veineux.

L’anticoagulation prophylactique permet de réduire l’incidence d’évènements thromboemboliques veineux chez des patients médicaux aigus présentant des facteurs de risque de thrombose veineuse. Il existe un surrisque d’évènements hémorragiques lié à cette anticoagulation prophylactique. Dans la pratique médicale hospitalière, l’adéquation entre le niveau de risque de thrombose veineuse et la prescription d’une anticoagulation prophylactique est imparfaite avec de la moitié jusqu’à trois quarts des patients à bas risque qui reçoivent à tort une anticoagulation prophylactique dont le bénéfice n’est pas établi. Parmi les différents scores de risque de thrombose veineuse, on peut citer les scores de Genève, de Genève simplifié, de Padoue, IMPROVE – qui, malgré une sensibilité imparfaite de 70-90% chez les patients à haut risque de thrombose veineuse acquise à l’hôpital, restent utiles pour identifier un groupe de patients à bas risque avec une incidence faible d’évènements thromboemboliques veineux (< 1% à 90 jours pour le score de Genève par exemple). L’anticoagulation prophylactique comporte un inconfort pour les patients, un coût en personnel soignant et en produit pharmaceutique qui ne sont pas justifiés en l’absence de bénéfice établi.

2. Ne pas prescrire d’antibiotique lors de la découverte isolée d’une Protéine C-réactive (CRP) ou d’une Procalcitonine (PCT) élevée.

Les marqueurs inflammatoires comme la CRP ou la PCT mettent en évidence un processus inhabituel dans l’organisme qui peut avoir de nombreuses étiologies. Ils ne sont pas spécifiques d’une infection et encore moins d’une infection bactérienne, de ce fait doivent toujours être analysés par rapport au contexte clinique. Des paramètres inflammatoires élevés sont une bonne occasion de rechercher une infection (par exemple une pneumonie, une pyélonéphrite ou une bactériémie) mais pas d’engager une antibiothérapie sans avoir pu la mettre en évidence.

3. Ne pas traiter systématiquement avec des antihypertenseurs des valeurs de pression artérielle supérieures à la normale lors d’une hospitalisation de soins aigus.

Des valeurs de pression artérielle supérieures à la normale sont fréquemment rencontrées lors d’une hospitalisation de soins aigus et conduisent souvent à une intensification d’un traitement antihypertenseur préexistant, voire à l’initiation d’un traitement chez une personne sans diagnostic préalable d’hypertension. De nombreux éléments peuvent en effet conduire à une augmentation de la pression artérielle lors d’une hospitalisation de soins aigus, comme la douleur, le stress, l’anxiété, le manque de sommeil, un syndrome d’apnées du sommeil non appareillé, un sevrage ou un état fébrile. Néanmoins, en l’absence d’urgence hypertensive immédiate (« hypertensive emergency », c’est-à-dire avec atteinte d’organes cibles) ou relative (« hypertensive urgency », c’est-à-dire avec présence de facteurs de risque de complications), il n’y a pas d’indication à initier ou intensifier un traitement antihypertenseur lors d’une hospitalisation de soins aigus. Au contraire, intensifier ou initier un tel traitement favorise la survenue de complications (par exemple vertiges, chutes) sans améliorer le contrôle de la pression artérielle à long terme. Lors d’une hospitalisation de soins aigus, il s’agit de reconnaître et traiter les urgences hypertensives et de s’abstenir de traitement médicamenteux dans les autres situations, tout en cherchant et traitant les éléments externes qui peuvent faire augmenter la pression artérielle.

4. Ne pas prescrire à la sortie de l’hôpital des neuroleptiques initiés en cours d’hospitalisation pour insomnie ou agitation et, en cas de prescription, prévoir une réévaluation de l’indication en dehors de la phase aiguë.

Swissmedic et la Food and Drug Administration américaine ont approuvé l’utilisation des neuroleptiques (aussi appelés antipsychotiques) de deuxième génération (quétiapine, rispéridone, olanzapine) pour le traitement de divers troubles neuropsychiatriques. Ces dernières années, on a constaté une augmentation de la prescription off-label de ces médicaments en raison de leurs propriétés sédatives et hypnotiques connues. En milieu hospitalier, les neuroleptiques atypiques ont trouvé une large application dans la gestion de l’insomnie, de l’agitation et des troubles du comportement liés à la démence. Les neuroleptiques de deuxième génération entraînent un risque accru de complications métaboliques, de sédation et somnolence, de symptômes extrapyramidaux, de troubles cognitifs, de chutes traumatiques. Compte tenu de ces effets indésirables, ainsi que du potentiel de dépendance, la prescription off-label et au long cours des neuroleptiques de deuxième génération doit être découragée. Une évaluation minutieuse des risques et des avantages doit être effectuée systématiquement au moment de la prescription. En outre, les neuroleptiques ne doivent être envisagés chez les patients atteints de démence que lorsque les symptômes sont graves et/ou provoquent une détresse importante.

5. Ne pas administrer d’oxygène pour maintenir une saturation capillaire en oxygène de 94% ou plus chez les patients médicaux aigus.

L’oxygénothérapie (O2) est fréquemment administrée aux patients médicaux aigus sans évidence forte lorsqu’il n’existe pas d’insuffisance respiratoire ou d’abaissement de la saturation capillaire périphérique en O2 (SpO2) < 90%. Des études conduites chez des patients médicaux aigus hospitalisés ont montré qu’une stratégie libérale d’administration d’O2 était associée à une surmortalité par rapport à une approche conservatrice avec des seuils abaissés de cible de SpO2 limitant l’administration d’O2. L’O2 est aussi responsable d’une sécheresse et d’un inconfort au niveau des fosses nasales et du pharynx. Une méta-analyse et une rapid recommandation du British Medical Journal ont traité ce sujet avec une recommandation forte pour ne pas dépasser 96% de SpO2, seuil sur lequel plusieurs recommandations sont alignées et une recommandation avec une évidence plus faible en faveur d’une cible SpO2 entre 90-94% et 88-92% en cas de risque de décompensation hypercapnique (BPCO, maladie neuromusculaire respiratoire, hypoventilation obstructive par exemple). Cette recommandation n’est pas applicable aux intoxications au CO, aux céphalées en grappes, aux crises vaso-occlusives drépanocytaires et aux pneumothorax.

La limitation de l’utilisation libérale de l’O2 lorsqu’il n’apporte pas de bénéfice et expose à un risque permet aussi de limiter l’impact financier et environnemental en lien la production d’O2 et les dispositifs nécessaires à son administration. Chez les patients avec peau noire la mesure de la SpO2 peut être faussée et sous-estimée le degré d’hypoxémie.

Adresse de correspondance

smartermedicine[at]sgaim.ch

Références

1 https://www.smartermedicine.ch/fr/liste-top-5/medecine-interne-generale-hospitaliere

2 https://www.smartermedicine.ch/fr/liste-top-5/medecine-interne-generale-ambulatoire-2014

3 https://www.smartermedicine.ch/fr/liste-top-5/medecine-interne-generale-ambulatoire-2021

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