Savoir
Nouvelle stratégie contre le cancer du sang
Pharmacoscopie L’analyse complète des tumeurs constitue la base de la médecine de précision en oncologie. Grâce à une plateforme entièrement automatisée, des chercheurs de l’EPF Zurich peuvent désormais tester simultanément des centaines de substances anticancéreuses. La pharmacoscopie permet de déterminer quel est le traitement le plus efficace pour chaque individu.
Le myélome multiple est un type de cancer assez rare. Il fait néanmoins partie des tumeurs les plus fréquentes de la moelle osseuse et du système hématopoïétique. Même traitée, la tumeur réapparaît souvent, car les cellules cancéreuses développent en général une résistance aux médicaments. Après plusieurs traitements, il n’y a souvent plus de thérapie efficace à disposition. D’où l’importance de trouver de nouvelles substances actives. Le Prof. Dr Berend Snijder, professeur de biologie moléculaire systémique à l’EPF Zurich, et son équipe testent plusieurs options de traitement sur leur propre plateforme. Une étude qu’il dirige vient d’être publiée dans la revue Nature Cancer [1].


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Les cellules décident des traitements
Avec son équipe, le biologiste moléculaire a analysé 138 biopsies de moelle osseuse provenant de 89 malades du myélome. Elles incluaient des échantillons tissulaires à tous les stades de la maladie. Dans cette étude, les chercheurs utilisent la pharmacoscopie spécialement développée par Berend Snijder à cet effet: plusieurs centaines de médicaments anticancéreux et combinaisons diverses de ces produits peuvent être analysées simultanément sur une plaque comportant 384 puits.
Selon la réaction des cellules, les chercheurs décident du traitement individualisé le plus prometteur pour chaque personne. «La biopsie de moelle osseuse que l’on reçoit contient à la fois des cellules sanguines saines et cancéreuses. Pour choisir le meilleur traitement, nous testons simultanément plusieurs médicaments et identifions le traitement qui élimine les cellules cancéreuses sans attaquer les cellules saines», détaille Berend Snijder. Le système, très largement automatisé, évalue la réaction de chaque cellule et livre le résultat en 24 heures.
Un modèle pour la médecine personnalisée
Berend Snijder a d’abord établi la pharmacoscopie pour le traitement du cancer du sang, dont la leucémie et le myélome multiple. Il l’a depuis élargie avec succès à d’autres types de cancer. La méthodologie a en effet été développée de façon à pouvoir utiliser divers types de matériel cancéreux, dont le sang, les biopsies et les résections, explique Berend Snijder. «Notre but est d’introduire la pharmacoscopie dans la pratique clinique, pour permettre des tests fonctionnels de routine induisant la mise en œuvre du traitement optimal. Il en résulterait un traitement personnalisé des patients et, on l’espère, une amélioration de l’évolution de la maladie», précise-t-il. Pour mettre la plateforme à disposition dans la pratique clinique, lui et son équipe doivent maintenant obtenir les certificats requis pour son usage clinique.
Le Prof. Dr méd. Adrian Ochsenbein, directeur et médecin-chef de la Clinique universitaire d’oncologie médicale de l’Hôpital de l’Île à Berne, n’a pas pris part à l’étude. Pour lui, en tant qu’expert indépendant, «une médecine personnalisée est cruciale, surtout en oncologie, pour renforcer l’efficacité et éviter les effets secondaires inutiles. L’analyse des gènes de la tumeur, des marqueurs tumoraux et du métabolome, ainsi que les tests in vitro, aideront à l’avenir à définir la meilleure thérapie possible. Toutes ces méthodes doivent toutefois être testées dans une étude clinique avant de pouvoir être utilisées pour les malades.»
Des attributs individuels
De nouveaux résultats dans la recherche du cancer démontrent qu’il n’y a pas deux tumeurs identiques [2]. Les deux experts sont d’avis que cette réalité doit se refléter dans les traitements. Diverses formes de médecine personnalisée, notamment sur la base de la génétique, influencent aujourd’hui déjà positivement l’évolution de la maladie. À l’avenir, il sera important de tenir compte des différents aspects de la biologie tumorale – composants génétiques et structure cellulaire de la tumeur notamment. La réaction des cellules tumorales aux médicaments est aussi très instructive. Berend Snijder pense qu’en la matière, des méthodes fonctionnelles comme la pharmacoscopie peuvent jouer un rôle clé. Celles-ci prennent justement en compte ces divers aspects. L’expert et son équipe continuent à développer la plateforme afin de pouvoir analyser également les tumeurs solides comme les mélanomes et le cancer colorectal.
Références
1 Kropivsek K, Kachel P, Goetze S, et al. Ex vivo drug response heterogeneity reveals personalized therapeutic strategies for patients with multiple myeloma. Nat Cancer (2023).
2 Hôpital universitaire de Zurich, USZ. Oncologie de précision au CCCZ. https://www.usz.ch/fachbereich/comprehensive-cancer-center-zuerich/angebot/praezisionsonkologie-am-cccz/ (consulté le 06.07.2023).
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