Congrès européen sur le cancer du poumon 2023

Point fort
Édition
2023/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21813
Bull Med Suisses. 2023;104(22):70-71

Publié le 31.05.2023

Immunothérapie Le Congrès européen sur le cancer du poumon (ELCC 2023) s’est tenu cette année à Copenhague, avec plus de 3000 participants de diverses spécialités. Trois situations pathologiques pertinentes pour la pratique clinique quotidienne sont discutées ci-dessous.

Immunothérapie dans le CBNPC métastatique

Les données actualisées des études EMPOWER-Lung 1 [1] et EMPOWER-Lung 3 [2] confirment une efficacité durable de l’anticorps anti-PD-1 cémiplimab dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) avancé. L’étude EMPOWER-Lung 1 a évalué de manière randomisée l’effet du cémiplimab en monothérapie par rapport à une chimiothérapie chez des patients atteints de CBNPC métastatique sans mutation driver et avec une expression de PD-L1 d’au moins 50% [1]. Lors de l’ELCC 2023, des données issues d’une analyse post-hoc chez des patients atteints de métastases cérébrales qui étaient cliniquement stables lors de l’inclusion dans l’étude ont désormais été présentées [3]. La survie globale médiane des patients traités par cémiplimab était significativement prolongée. Sous cémiplimab, un plus faible taux de progression tumorale cérébrale et moins d’effets indésirables liés au traitement ont en outre été observés. Bien que le nombre de patients (n=69) avec métastases cérébrales inclus dans l’étude EMPOWER-Lung 1 soit faible, les données d’efficacité concordent avec celles obtenues dans une analyse groupée portant sur le pembrolizumab chez des patients atteints de CBNPC hautement PD-L1-positif avec métastases cérébrales [4]. Dans leur ensemble, ces données soutiennent l’utilisation d’inhibiteurs de points de contrôle immunitaires chez les patients avec métastases cérébrales et montrent que des métastases cérébrales stables ne devraient pas être un motif pour exclure les patients d’une immunothérapie.
Chaque année, environ 4800 personnes sont atteintes d'un cancer du poumon en Suisse.
© Psnoiret / Dreamstime
Une deuxième présentation à l’ELCC a montré des données positives issues d’un suivi prolongé de l’étude EMPOWER-Lung 3 chez des patients atteints de CBNPC avec expression quelconque de PD-L1 [2]. L’étude a confirmé la durabilité du bénéfice de survie apporté par l’association du cémiplimab et d’une chimiothérapie par rapport à la chimiothérapie seule [5]. Ces deux études confirment le rôle de l’immunothérapie dans le traitement de première ligne du CBNPC métastatique.

Résistance à l’immunothérapie dans le CBNPC métastatique

Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires se sont établis comme traitement standard de première ligne du CBNPC métastatique, soit en association avec une chimiothérapie, soit en monothérapie. Les mécanismes à l’origine d’une résistance à l’immunothérapie ainsi que les traitements efficaces dans la ligne thérapeutique suivante sont encore trop peu compris. Une approche thérapeutique possible consiste à ajouter un inhibiteur multikinase à l’immunothérapie afin d’influencer le microenvironnement tumoral, notamment en modifiant l’approvisionnement en sang. Le cabozantinib est un inhibiteur multikinase. Lors du congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) 2022, des données prometteuses de l’étude COSMIC-021 ont été présentées pour l’association du cabozantinib et de l’anticorps anti-PD-L1 atézolizumab [6]. Sur la base de cette étude, l’étude randomisée de phase 3 CONTACT-01 a été menée et les résultats ont été présentés à l’ELCC [7]. Cette étude a inclus 346 patients atteints de CBNPC métastatique ayant progressé après ou sous traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire et chimiothérapie à base de platine. Les patients ont été randomisés pour recevoir du docétaxel ou une association de cabozantinib et d’atézolizumab. La survie globale médiane n’était pas améliorée par l’association cabozantinib plus atézolizumab. De même, la survie sans progression et le taux de réponse n’étaient pas différents dans les deux bras de traitement. Ces résultats négatifs sont décevants. Ils nous rappellent une fois de plus que les résultats encourageants d’études exploratoires de phase 2 doivent toujours être confirmés par des études randomisées. Surmonter les mécanismes de résistance aux immunothérapies reste un défi majeur dans le CBNPC avancé.

Mutation KRAS G12C dans le CBNPC métastatique

Une mutation KRAS est présente chez environ 25% de tous les patients atteints d’un adénocarcinome pulmonaire métastatique. La mutation KRAS la plus fréquente est la mutation ponctuelle G12C. Plusieurs inhibiteurs spécifiques de KRAS G12C sont actuellement en évaluation clinique – le sotorasib est le premier inhibiteur spécifique autorisé. Dans l'étude randomisée de phase 3 CodeBreak200, le traitement palliatif de deuxième ligne par sotorasib a montré un avantage faible mais significatif en termes de PFS par rapport au docetaxel, avec un taux de réponse également plus élevé mais une survie globale identique [8]. Lors de l’ELCC 2023, les données sur la qualité de vie et l’analyse de la charge symptomatique décrite par les patients (patient-reported outcome measures, PROMS) ont été présentées [9]. Les patients traités par docétaxel ont souffert de symptômes plus fréquents et plus sévères que ceux traités par sotorasib, ce qui a eu un impact négatif sur leur vie quotidienne.
Une analyse de patients atteints d’adénocarcinome métastatique avec mutation KRAS G12C, qui n’ont pas été traités dans le cadre d’une étude mais ont reçu le sotorasib via un programme du fabricant (early access program), a confirmé l’efficacité de la substance [10]. De telles analyses sont importantes, car elles reflètent souvent mieux le quotidien clinique que les études cliniques avec des critères d’inclusion ou d’exclusion stricts. Sur la base de ces données, le sotorasib est le nouveau standard thérapeutique pour les patients atteints de NSCLC métastatique muté KRAS G12C après progression sous chimiothérapie et immunothérapie à base de platine.
L’adagrasib est un autre inhibiteur spécifique de KRAS G12C, dont l’effet a été démontré dans l›étude de phase 1/2 KRYSTAL-1 [11]. Une analyse de cette étude, présentée à l’ELCC 2023, suggère un lien possible entre la clairance de la fréquence allélique de la mutation et la réponse [12]. Cette analyse montre l’importance de la détermination de l’ADN tumoral circulant (ADNtc), qui est également évalué comme facteur possible d’évaluation de la réponse au traitement pour plusieurs autres traitements.

Immunothérapie néoadjuvante dans le CBNPC résécable

L’étude randomisée de phase 3 CheckMate 816 a démontré le bénéfice d’une chimio-immunothérapie néoadjuvante avec l’anticorps anti-PD-1 nivolumab [13]. Lors de l'ELCC 2023, les données d'une analyse exploratoire de l'étude CheckMate 816 ont été présentées, montrant qu'après un suivi médian de 41 mois, l'ajout de trois doses de nivolumab à la chimiothérapie néo-adjuvante avait amélioré la survie sans événement (SSE) à 3 ans de 43 à 57%. Il a été confirmé que le traitement combiné par chimiothérapie à base de platine et nivolumab améliore significativement la survie sans évènement par rapport à une chimiothérapie seule [14]. Grâce à cette étude et à d’autres, l’immunothérapie s’est établie en situation néoadjuvante pour le CBNPC résécable. Dans l’étude SAKK 16/18, nous évaluons actuellement la valeur ajoutée d’une radiothérapie immunomodulatrice en association avec l’immunothérapie avant une opération planifiée.
Prof. Dr méd. Dr phil. nat. Sacha Rothschild
Médecin-chef en oncologie et hématologie à l’Hôpital cantonal de Baden. Vice-président du Groupe Suisse de Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK) et professeur titulaire à l’Université de Bâle.

Résumé pour vous par:

Congrès ELCC | 29.03.-01.04.2023 | Copenhague
sacha.rothschild[at]ksb.ch
laetitia.mauti[at]ksw.ch
1 Sezer A, Kilickap S, Gümüs M, Bondarenko I, Özgüroglu M, Gogishvili M, et al. Cemiplimab monotherapy for first-line treatment of advanced non-small-cell lung cancer with PD-L1 of at least 50%: a multicentre, open-label, global, phase 3, randomised, controlled trial. Lancet. 2021;397:592-604.
2 Gogishvili M, Melkadze T, Makharadze T, Giorgadze D, Dvorkin M, Penkov K, et al. Cemiplimab plus chemotherapy versus chemotherapy alone in non-small cell lung cancer: a randomized, controlled, double-blind phase 3 trial. Nat Med 2022;28(11):2374-80.
3 Kilickap S, Özgüroglu M, Sezer A, Gumus M, Bondarenko I, Gogishvili M, et al. EMPOWER-Lung 1: Cemiplimab (CEMI) monotherapy as first-line (1L) treatment of patients (pts) with brain metastases from advanced non-small cell lung cancer (aNSCLC) with programmed cell death-ligand 1 (PD-L1) _50%: 3-year update. ELCC 2023; abstract 10MO.
4 Mansfield AS, Herbst RS, de Castro G, Hui R, Peled N, Kim D-W, et al. Outcomes With Pembrolizumab Monotherapy in Patients With Programmed Death-Ligand 1-Positive NSCLC With Brain Metastases: Pooled Analysis of KEYNOTE-001, 010, 024, and 042. JTO Clin Res Rep 2021;2(8):100205.
5 Makharadze T, Gogishvili M, Melkadze T, Baramidze A, Giorgadze D, Penkov KD, et al. Cemiplimab plus chemotherapy versus chemotherapy alone in non-small cell lung cancer: longer follow-up results from the Phase 3 EMPOWER-Lung 3 trial. ELCC 2023; abstract 5O.
6 Neal JW, Santoro A, Viteri S, Ponce Aix S, Fang B, Lim FL, et al. Cabozantinib (C) plus atezolizumab (A) or C alone in patients (pts) with advanced non–small cell lung cancer (aNSCLC) previously treated with an immune checkpoint inhibitor (ICI): Results from Cohorts 7 and 20 of the COSMIC-021 study. J Clin Oncol 2022;40: no. 16_suppl; abstract 9005.
7 Neal J, Pavlakis N, Kim S, Lim S, Mountzios G, Fountzilas E, et al. CONTACT-01: Efficacy and safety from a Ph 3 study of atezolizumab (atezo) + cabozantinib (cabo) vs docetaxel (doc) monotherapy in patients (pts) with metastatic NSCLC (mNSCLC) previously treated with checkpoint inhibitors and chemotherapy. ELCC 2023; abstract 6O.
8 De Langen AJ, Johnson ML, Mazieres J, Dingemans AMC, Mountzios G, Pless M, et al. Sotorasib versus docetaxel for previously treated non-small-cell lung cancer with KRASG12C mutation: a randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet 2023;401(10378):733-46.
9 Waterhouse DM, Rothschild SI, Dooms C, Mennecier B, Bozorgmehr F, Majem Tarruella M, et al. Patient-reported outcomes from the CodeBreaK 200 phase 3 trial comparing sotorasib versus docetaxel in KRAS G12C-mutated NSCLC. ELCC 2023; abstract 4O.
10 Maimon N, Stevenson JP, Petty W, Ferreira CM, Morbeck I, Zer A, et al. Sotorasib in KRAS G12C-mutated advanced non-small cell lung cancer (aNSCLC): overall survival (OS) data from the global expanded access program (EAP study-436). ELCC 2023; abstract 7MO.
11 Jänne PA, Riely GJ, Gadgeel SM, Heist RS, Ou SHI, Pacheco JM, et al. Adagrasib in Non-Small-Cell Lung Cancer Harboring a KRASG12C Mutation. N Engl J Med. 2022;387:120-131.
12 Jänne PA, Spira A, Riely GJ, Gadgeel S, Heist R, Ou S, et al. Adagrasib (MRTX849) in Patients With Advanced/Metastatic KRASG12C-Mutated Non-Small Cell Lung Cancer (NSCLC): Preliminary Analysis of Mutation Allele Frequency. ELCC 2023; abstract 8MO.
13 Forde PM, Spicer J, Lu S, Provencio M, Mitsudomi T, Awad MM, et al. Neoadjuvant Nivolumab plus Chemotherapy in Resectable Lung Cancer. N Engl J Med. 2022;386:1973-1985. N Engl J Med. 2022;386:1973-85.
14 Girard N, Spicer J, Provencio M, Lu S, Wang C, Awad M, et al. Neoadjuvant nivolumab (N) + platinum-doublet chemotherapy (C) for resectable NSCLC: 3-y update from CheckMate 816. ELCC 2023; abstract 84O.