Traitement du séminome faiblement métastatique

Point fort
Édition
2023/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21786
Bull Med Suisses. 2023;104(22):72-73

Publié le 31.05.2023

Contrôle tumoral Les tumeurs testiculaires sont les cancers les plus fréquents chez les hommes âgés de 20 à 40 ans. En Suisse, env. 470 hommes par an développent une tumeur testiculaire, qui ne représente donc que 1% de tous les cancers [1].
Plus de la moitié des tumeurs testiculaires sont des séminomes, dont env. 80% sont diagnostiqués au stade I, ce qui signifie que la tumeur reste limitée au testicule [2]. Env. 10% des séminomes sont diagnostiqués au stade IIA/B. Ce stade est défini par des métastases limitées aux ganglions lymphatiques rétropéritonéaux et/ou pelviens d’un diamètre maximal de 5 cm (IIA: ≤2 cm, IIB: 2–5 cm). Le stade IIA/B couvre ainsi un large spectre, allant d’un seul ganglion lymphatique hypertrophié d’un diamètre d’à peine plus d’1 cm à plusieurs métastases ganglionnaires plus volumineuses.
Aujourd’hui, la plupart des patients atteints d’un séminome de stade I ne reçoivent pas de traitement adjuvant après l’orchidectomie, conformément aux lignes directrices, et env. 10% d’entre eux développent une récidive. Ainsi, env. 15% de tous les patients ayant reçu un diagnostic de «séminome testiculaire» seront finalement confrontés à un stade IIA/B, soit de manière synchrone (lors du diagnostic initial), soit de manière métachrone (en tant que récidive sous surveillance active après un diagnostic au stade I).
Le diagnostic correct d’un stade IIA représente un défi. De petits ganglions lymphatiques rétropéritonéaux hypertrophiés de manière réactionnelle peuvent donner l’impression d’une métastase précoce et conduire à un surtraitement au stade I. Chez ces patients, il est recommandé de répéter l’imagerie après env. six à huit semaines et de ne prendre une décision thérapeutique qu’à ce moment-là. Pour l’avenir, l’espoir réside dans de nouveaux marqueurs tumoraux pour la stadification correcte et la surveillance thérapeutique; le micro-ARN 371a-3p semble être le plus prometteur [3].
Dans toute la Suisse, environ 470 hommes sont atteints chaque année d'une tumeur testiculaire.
© Clinique de radiothérapie et de radio-oncologie, Hôpital universitaire de Bâle
Le traitement standard des patients atteints d’un séminome de stade IIA/B est soit une radiothérapie para-aortique et pelvienne de 30–36 Gy, soit une polychimiothérapie comprenant trois cycles de cisplatine, étoposide, bléomycine (BEP) ou, en cas de doute sur la tolérance à la bléomycine, quatre cycles de cisplatine, étoposide (EP). Les deux formes de traitement sont très efficaces et les chances de guérison avec une seule de ces modalités sont supérieures à 90% [4]. La radiothérapie est surtout recommandée au stade IIA, la chimiothérapie surtout au stade IIB. Les rares récidives se présentent majoritairement sous forme de métastases à distance après radiothérapie et de progression tumorale dans le rétropéritoine après chimiothérapie. Cet algorithme thérapeutique est établi depuis des décennies et n’a guère changé depuis.
Les deux formes de traitement comportent des risques d’effets indésirables. La toxicité aiguë est plus prononcée avec la chimiothérapie qu’avec la radiothérapie (alopécie, altérations de l’hémogramme, évènements thromboemboliques, toxicité pulmonaire avec la bléomycine). Les complications tardives de la chimiothérapie comprennent l’ototoxicité, la néphrotoxicité et la morbidité cardiaque, tandis que la radiothérapie peut causer des troubles gastro-intestinaux et une fibrose rétropéritonéale avec sténoses urétérales. Les effets les plus redoutés des deux traitements sont toutefois les tumeurs malignes secondaires – les deux modalités ont un potentiel similaire d’induction de telles tumeurs (hazard ratio d’env. 1,6) [5].
Ces dernières années, des tentatives ont été faites dans trois «directions» pour améliorer le traitement du séminome de stade IIA/B.
La lymphadénectomie rétropéritonéale (LRP) primaire est un traitement possible chez certains patients atteints d’un non-séminome de stade II, mais n’a jusqu’à présent trouvé que peu de considération dans le séminome [6]. L’objectif d’une LRP primaire serait d’éviter toute radio- ou chimiothérapie. Plusieurs petites études, dont certaines étaient des études cliniques formelles ou des études de cohortes, ont testé la LRP primaire dans le séminome de stade IIA et communiqué des résultats préliminaires [7]. L’interprétation des résultats n’est pas triviale. Premièrement, la période de suivi actuelle d’env. deux ans est encore assez courte. Le taux de récidive est d’au moins 20% après cette période, un plateau n’est pas perceptible après deux ans [8, 9]. Deuxièmement, la plupart des études n’ont inclus que des patients présentant une métastatisation très limitée. Le taux élevé de pN0 (jusqu’à 20%) soulève la question de savoir si ces patients dont les ganglions lymphatiques ne sont que marginalement hypertrophiés n’auraient pas dû bénéficier d’une imagerie répétée plutôt que d’une LRP. En outre, la sélection des patients limite la transposabilité des conclusions à l’ensemble des patients atteints d’un séminome de stade IIA/B. Un point positif est le faible taux de complications dans les centres à haut niveau d’expertise. Les questions suivantes restent sans réponse: a) Quel taux de récidive final serait acceptable pour recommander une LRP primaire?; b) Une chimiothérapie adjuvante pourrait-elle réduire le taux de récidive?; c) Comment les patients présentant une récidive après LRP sont-ils traités; d) Comment résoudre le problème de l’expertise chirurgicale nécessaire pour ces interventions?
Une désescalade de la chimiothérapie standard (trois cycles de BEP ou quatre cycles d’EP) a été testée dans l’étude française SEMITEP [10]. Après deux cycles d’EP, les patients ont fait l’objet d’une stadification intermédiaire par tomographie par émission de positons au 18F-fluorodésoxyglucose. En cas de bonne réponse, la chimiothérapie a été complétée par un seul cycle de carboplatine AUC7; en cas de réponse inadéquate, deux cycles supplémentaires d’EP (donc finalement la chimiothérapie standard) ont été administrés. Env. 80% des patients ont pu être traités avec désescalade, avec un taux de récidive à trois ans de 10%. Les résultats de l’étude doivent être vérifiés dans une plus grande cohorte, mais ils indiquent que la chimiothérapie standard avec trois cycles de BEP ou quatre cycles d’EP représente un surtraitement pour la plupart des patients et qu’une désescalade est possible.
Enfin, dans l’étude suisso-allemande SAKK 01/10, une désescalade thérapeutique a été entreprise en combinant un cycle de carboplatine AUC7 et une radiothérapie ciblée des métastases ganglionnaires avec 30–36 Gy [11]. La combinaison avait pour objectif de réduire l’intensité globale du traitement tout en assurant le contrôle de la tumeur, localement et à distance. L’efficacité du traitement à l’étude était très bonne, avec un taux de récidive de 6% à trois ans, comparable à celui des traitements standard. Le spectre des effets indésirables était très encourageant (>50% de toxicité de grade 0 et <10% de toxicité de grade 3, principalement hématologique). Aucune toxicité tardive n’a été relevée. Le choix de la chimiothérapie et la réduction marquée du volume d’irradiation (en moyenne de 75%) ont été déterminants pour ces résultats favorables. Le concept de désescalade thérapeutique par chimio- et radiothérapie atténuées est encore testé dans l’étude SAKK 01/18 en cours.
Dans le cas du séminome faiblement métastatique (stade IIA/B), il existe à la fois des défis et des opportunités d’optimisation du traitement pour les praticiennes et praticiens et les patients. Une stadification correcte pour éviter un sur- ou un sous-traitement reste indispensable. Ce domaine de recherche actif comprend des approches thérapeutiques innovantes visant à maintenir les taux de guérison déjà élevés avec moins d’effets indésirables..
Dr Alexandros Papachristofilou
Médecin adjoint à la clinique de radiothérapie et de radio-oncologie de l’Hôpital universitaire de Bâle.

Résumé pour vous par:

ASCO Genitourinary Cancers Symposium
16.-19.02.2023 | San Francisco
alexandros.papachristofilou[at]usb.ch
1. Office fédéral de la statistique. Cancer, nouveaux cas et décès: nombre, taux, âge médian et risque par localisation cancéreuse. Published 2022. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/etat-sante/maladies/cancer/specifiques.assetdetail.23566677.html
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