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Zurich veut faire tomber les barrières linguistiques

News
Édition
2023/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21587
Bull Med Suisses. 2023;104(09):8-9

Publié le 01.03.2023

Aide à la traduction Tous les patients ne parlent pas une langue nationale. L’accès au système de santé doit être garanti à chacun sans discrimination, un droit qui est toutefois encore trop rarement respecté. Pour que cela soit enfin le cas, notre auteur a lancé un projet pilote à Zurich.
En théorie, tout est très simple. La Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien-être. En théorie, ce droit à la santé est inscrit à plusieurs échelons en Suisse par la Constitution fédérale et par des conventions contraignantes. Par conséquent, les praticiens sont théoriquement punissables s’ils ne peuvent pas prouver qu’ils ont informé de manière adéquate – c’est-à-dire sans barrière linguistique – sur d’éventuelles interventions.
Chaque patient doit avoir accès au système de santé sans entrave. Or ce n’est de loin pas le cas.
© Kenneth W Mellott / Dreamstime
C’est plus compliqué dans la pratique. Ni les patients ni leurs soignants ne sont conscients de cette situation juridique. Il se produit pratiquement un renversement des responsabilités. L’obligation médicale d’assurer une communication sans barrière se transforme en obligation pour le patient de venir avec une personne qui, dans le meilleur des cas, permettra la communication. Dans le pire des cas, le personnel médical doit communiquer avec les mains et les pieds, ce qui entraîne des situations délicates, voire à l’issue potentiellement mortelle. Une solution acceptable à ce dilemme n’existe en fait qu’au sein des institutions. Elles ont les réserves nécessaires pour prendre en charge les coûts des services de traduction prescrits. Les praticiens qui y font appel se retrouvent cependant face à une impasse en matière d’économie de la santé: malgré l’efficacité et l’adéquation de ces mesures, ni la Confédération, ni les cantons, ni les assurances ne veulent en assumer le financement transparent et définitif.
Au cours de ma vie, j’ai vécu plusieurs fois cet écart entre théorie et pratique. Quand j’étais jeune, je devais accompagner mes parents à leurs consultations médicales et leur transmettre parfois des diagnostics difficiles. En tant que psychiatre consultant, j’ai été témoin à plusieurs reprises de petits, moyens et grands drames découlant directement du manque de communication entre les personnes traitées et les soignants. J’ai également observé comment l’économisation croissante de l’activité médicale a conduit certains collègues à chercher désespérément des raisons pour ne pas devoir prescrire des services de médiation linguistique afin de ne pas grever le budget de l’hôpital.
Heureusement, les institutions médicales ne sont pas seulement dirigées de l’intérieur, mais aussi de l’extérieur. C’est notamment le cas de l’Hôpital de Zurich, qui se trouve en dialogue direct avec le parlement. Ainsi, à peine arrivé au conseil municipal de Zurich, j’ai déposé une interpellation (2018) et une motion (2019) pour soulever la problématique du manque de services de traduction et d’interprétation interculturels. Cette intervention a obtenu une majorité parlementaire en 2020, ce qui a donné deux ans au responsable de la santé de la ville pour élaborer le projet pilote.
Entre-temps, la situation en termes de services de traduction et d’interprétation à l’Hôpital de Zurich et dans les centres de santé a été analysée. Sur cette base, le conseil municipal a développé quatre trains de mesures pour atténuer le problème:
En 2022, le conseil municipal a approuvé le projet pilote et le financement qui en découle (2,4 millions de francs). Après une phase d’évaluation de quatre ans, les nouvelles connaissances seront intégrées dans un nouveau projet visant à garantir à long terme les mesures qui ont fait leurs preuves dans une nouvelle structure réglementaire. On doit à Max Weber la phrase selon laquelle la politique «consiste en un effort tenace et énergique pour tarauder des planches de bois dur». On peut y voir une allusion à la construction de ce pont qui doit relier la théorie et la pratique en matière de services de traduction et d’interprétariat…
Dr méd. David Garcia Nuñez
Directeur du pôle de recherche sur la variance des sexes à l’Hôpital universitaire de Bâle et
membre du conseil municipal de la ville de Zurich (Liste alternative)