Hôpital cherche lit

Hintergrund
Édition
2023/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21507
Bull Med Suisses. 2023;104(07):16-19

Publié le 15.02.2023

CapacitésUne gestion coordonnée des opérations et des lits fait souvent défaut. De nombreux hôpitaux souhaitent améliorer leur planification. Mais comment faire? Un chercheur, un consultant pour les hôpitaux et un directeur de clinique proposent des solutions.
Trop de patients, c’est mauvais pour un hôpital, mais trop peu aussi. Il est toutefois difficile pour de nombreux établissements d’introduire une gestion des capacités efficace. «Aujourd’hui encore, de nombreux hôpitaux commettent des erreurs car ils ne pensent pas en termes de système, mais planifient à court terme et en silos», explique le chercheur Florian Liberatore, directeur de gestion du système de santé à la Haute école zurichoise de sciences appliquées. Dans la plupart des hôpitaux, la gestion des opérations se fait indépendamment de celle des lits. En raison du système DRG, le nombre d’heures d’opération à fournir par an est fixé comme un objectif de gestion par la hiérarchie. La planification dans les deux silos prend en compte les cas électifs. Les urgences continuent à arriver de manière imprévue. Par ailleurs, une certaine charge de travail est imposée sans tenir compte de la charge de travail par cas. «Les cas électifs sont trop nombreux. Ils sont entassés dans le système hospitalier», critique Florian Liberatore.
En raison de l’absence fréquente d’une gestion des capacités axée sur le système, la disponibilité du personnel et des lits en fonction de la durée d’hospitalisation des cas n’est pas prise en compte. «Le personnel passe son temps à chercher un lit disponible dans l’établissement. Résultat: un grand nombre de patientes et de patients se retrouvent dans le mauvais service, ce qui complique les processus de travail tels que les visites», ajoute le consultant pour les hôpitaux Christophe Vetterli, cofondateur et managing partner chez Vetterli Roth & Partners.
Une gestion des capacités coordonnée fait défaut: «Chaque établissement dispose de données historiques sur les cinq à dix dernières années et sait donc, avec un certain écart type, quel est le mix de lits nécessaire dans les différents services, en fonction de la saison et du jour de la semaine, pour pouvoir prendre en charge les patientes et patients électifs, mais également non planifiés, avec une grande probabilité conformément à leur diagnostic», explique Christophe Vetterli.

Planifier à l’aide de données historiques

Dans la mesure où les données historiques internes offrent une certaine qualité, il serait possible de prévoir plusieurs jours à l’avance combien de cas stationnaires venus des urgences sont attendus dans les services selon la saison, avec un écart type, combien d’opérations et de cas électifs ultérieurs en découlent et avec quelle durée de séjour, explique Christophe Vetterli. De cette manière, les urgences peuvent être prises en compte dans la planification des lits pour les cas électifs. Pour une meilleure estimation du nombre de cas urgents, il est également possible d’utiliser les données météorologiques et événementielles de la région, comme par exemple un match de football.
«La gestion des capacités est un levier important sur lequel il est possible d’agir, par exemple pour passer moins de temps à chercher des lits. Certaines incertitudes subsisteront, mais si l’équipe utilise activement les données disponibles dans toutes les disciplines, les bonnes discussions seront menées, la variabilité réduite et la prévisibilité augmentée», résume Christophe Vetterli.
Le discours du consultant pour les hôpitaux paraît logique. Mais Thomas Brack, directeur de l’Hôpital Limmattal, ajoute: «La planification n’est possible que dans une certaine mesure. Car le nombre de patientes et patients dépend de paramètres qu’on ne peut pas influencer: les vagues de maladie, mais également les développements sociétaux. Aucun schéma clair ne ressort des données historiques.»
En revanche, Christophe Vetterli est convaincu que des schémas peuvent être identifiés à l’aide d’un logiciel adapté et que des solutions peuvent être élaborées en combinaison avec des processus de planification contraignants. En analysant les bonnes données, l’Hôpital Humber River à Toronto obtient des prévisions très fiables pour les 48 heures suivantes [1].
La gestion des lits pose problème à de nombreux hôpitaux.
© Hush Naidoo Jade Photography / unsplash

Nouvelles solutions informatiques

«Les bons systèmes de gestion des capacités possèdent souvent leur propre logiciel d’aide, appelé middleware. Il est au-dessus des dizaines de systèmes sources différents, comme la radiologie, le laboratoire et la planification des lits, et puise dans ces silos les données importantes pour le système», explique Christophe Vetterli. Le problème: souvent, les systèmes sources de base n’ont pas d’interfaces compatibles, de sorte que jusqu’à présent, il était souvent nécessaire d’établir des évaluations Excel séparées. Le système de gestion des capacités peut simuler des prévisions à partir des données fournies grâce à un logiciel intelligent. Par ailleurs, il offre un retour d’information en temps réel sur les lits encore disponibles et permet de prendre des décisions de priorisation sur la base des PROMs (Patient Reported Outcome Measures).

Préparer les sorties suffisamment tôt

«Il serait judicieux de planifier le plus tôt possible la date probable de sortie du patient ou de la patiente avec le diagnostic correspondant», explique Christophe Vetterli. «Les données internes sur la durée moyenne de séjour avec un tel diagnostic constituent un point de repère précieux pour les médecins.» Aujourd’hui, les décisions de sortie sont souvent prises spontanément au lieu d’être planifiées à l’avance de façon à laisser suffisamment de temps pour organiser la gestion des sorties», souligne Christophe Vetterli avant d’ajouter: «Dans le cadre d’un projet actuel mis en place dans une clinique suisse, nous avons pu réduire les départs non planifiés de 50% à moins de 5% de tous les départs. Les équipes de l’hôpital comprennent rapidement que, grâce à la gestion des capacités, elles n’ont plus à s’occuper de nombreuses tâches telles que la recherche perpétuelle de lits disponibles.» Les directions des hôpitaux sont conscientes des avantages, l’amélioration de la planification des capacités occupe la deuxième place du rapport PwC «Motivations et préoccupations des CFO dans le secteur hospitalier suisse» [2].
Thomas Brack fait cependant remarquer: «La gestion des sorties ne dépend pas seulement du parcours du patient ou de la patiente au sein de l’hôpital, mais souvent aussi de son environnement social.»

Un changement culturel nécessaire

Afin d’exploiter au mieux les possibilités de la gestion des capacités, il est nécessaire d’impliquer toutes les parties prenantes. «Les mécanismes de planification pour la gestion des capacités devraient être développés par le Design Thinking avec les équipes travaillant au sein de l’établissement», recommande Christophe Vetterli. Un changement culturel important est nécessaire pour convaincre tous les spécialistes de s’engager dans de nouveaux processus [3].
Comme l’a révélé la pandémie, les hôpitaux doivent non seulement réagir le plus rapidement et le plus souplement possible aux fluctuations et à la pénurie de personnel, aux congés maladie internes et aux pics de travail, mais également aux événements inattendus venant de l’extérieur. «Soit un hôpital conclut à cet effet des coopérations avec d’autres établissements qui lui permettent de se coordonner et d’utiliser des synergies. Ou alors, au lieu de penser en silos, il mise sur des services de lits agiles ainsi que sur des pools de personnel avec des collaboratrices et collaborateurs flexibles et du personnel temporaire externe, qui peuvent être affectés à différents services en fonction des priorités et de la charge de travail», recommande Florian Liberatore.
L’avantage pour le personnel est de pouvoir décider quand et combien il souhaite travailler dans le cadre du travail annualisé. «Dans l’idéal, il faudrait planifier proactivement ces collaborateurs sur la base de la gestion des capacités là où un nombre de patients important est à prévoir. Une fois le scénario prévu arrivé, il suffit juste d’affiner», recommande Christophe Vetterli. La condition préalable à une telle planification des ressources est de mesurer dans les services non seulement le taux d’occupation, mais aussi la charge de travail objective. Dans le cas des soins médicaux, cette dernière résulte de l’indice de case-mix, la gravité moyenne des cas, et de l’indice d’auto-soins, la charge en soins pour le personnel ainsi que d’autres indicateurs convenus en interne. En ramenant la charge de travail moyenne au nombre d’heures de travail, il est possible de voir si un renfort en personnel est nécessaire ou si du personnel peut éventuellement être affecté à certains autres services.
La gestion des capacités peut contribuer à affecter les collaboratrices et collaborateurs de manière plus ciblée. Certains facteurs d’insécurité persistent malgré tout, souligne Thomas Brack: «Un hôpital est un système très complexe qui ne peut pas être programmé comme une machine.»

Les défis des hôpitaux publics – deuxième partie

Dans ce second et dernier volet de notre série sur les défis des hôpitaux publics, nous nous penchons sur la gestion des capacités. La journaliste ne s’est pas seulement entretenue avec les personnes mentionnées dans l’article, mais a également mené d’autres entretiens de fond avec des cliniciens qui n’ont pas souhaité être nommés, mais qui ont apporté une contribution importante à la recherche grâce à leurs informations. En raison du cadre limité, nous ne pouvons pas prétendre à l’exhaustivité de la thématique et vous invitons à nous faire part de vos expériences.

Une app utile pour le plan de service

Et il reste encore un défi: actuellement, en raison de leurs ressources en personnel limitées, il est difficile pour les hôpitaux d’adapter les plans de service aux besoins individuels des soignants dans le cadre d’un temps partiel fixe. Une alternative consisterait à proposer un job-sharing avec des collègues. Cela implique toutefois une charge de travail plus importante pour établir le plan de service. «Il est aujourd’hui techniquement possible que les collaboratrices et collaborateurs saisissent leurs préférences dans le système via une application et que la planification soit prise en charge par des automatismes numériques», précise Christophe Vetterli.
Les nouveaux rôles dans les soins peuvent contribuer à décharger les médecins. «Les groupes professionnels doivent devenir plus ouverts. En effet, les Advanced Practice Nurses (APN) ou les personnes en position d’assistance peuvent assumer de plus en plus de tâches médicales si elles sont affectées conformément à leurs nouveaux rôles et si des personnes moins ou différemment formées déchargent le personnel soignant de tâches simples», explique Thomas Brack. «Dans nos unités de soins à l’Hôpital Limmattal, la préparation des médicaments est effectuée par une assistante en pharmacie.»

Gestion efficace des médecins référents

Une bonne gestion des médecins référents, des urgences et des sorties fait également partie d’une gestion des capacités efficace. L’Hôpital Limmattal propose une large gamme de prestations ambulatoires là où les soins de base manquent de spécialistes dans la région. Cette offre est coordonnée avec les spécialistes établis et les médecins de premier recours sur place. Sur l’initiative de ces derniers, l’hôpital a également aidé à développer et cofinancé un réseau de six cabinets de médecine générale et a ainsi contribué à garantir de bons soins de base dans la vallée de la Limmat. «Avec ce réseau, nous travaillons sur une base de confiance dans le cadre de cette gestion des médecins référents. Dans un autre réseau, un prestataire Managed Care, nos médecins peuvent participer à un cercle de qualité», explique Thomas Brack.

Soulager les urgences

Mais la gestion des urgences de l’hôpital est également importante pour la régulation de l’afflux de patients. «Comme le montre la gestion des retours d’information des hôpitaux, le comportement des patientes et patients a changé au cours des dernières années. Ils se rendent au service des urgences des hôpitaux au lieu d’aller chez un médecin de famille, en raison du manque de médecins, d’une part, mais également parce que les cabinets sont fermés aux heures creuses et le week-end», explique Florian Liberatore. «À cela s’ajoute le fait qu’aujourd’hui, les médecins de premier recours n’organisent souvent pas leur propre remplacement pendant les vacances, mais renvoient aux urgences», précise Thomas Brack. L’Hôpital Limmattal a donc aménagé son propre cabinet d’urgence directement à côté du service des urgences. Pendant la semaine, il est dirigé par deux médecins de l’hôpital. Le week-end, les médecins libéraux de la région reprennent le flambeau. Le triage des patientes et des patients est effectué par une APN, une infirmière ou un infirmier expérimentés ou un ambulancier.
Les urgences restent ainsi aussi disponibles que possible pour les cas vraiment graves. En outre, les patientes et les patients ont une bonne impression de l’hôpital, et des recettes ambulatoires supplémentaires sont générées par le cabinet d’urgence. «En guise d’alternative, de nombreux hôpitaux ont mis en place des services de télémédecine de première consultation pour soulager les urgences», ajoute Florian Liberatore.

Des transferts allégés

«En aval, de nombreux hôpitaux sont engorgés, car les services d’aide et de soins à domicile et les maisons de retraite n’ont souvent pas les capacités suffisantes pour accueillir les patients nécessitant des soins», indique Florian Liberatore. Si, dans un tel cas, la prise en charge par les proches n’est pas garantie, il ne peut y avoir de sortie, ce qui prolonge parfois le séjour à l’hôpital jusqu’à cinq jours. La collaboration avec les institutions gériatriques ou de suivi concernées est donc très importante pour la gestion des sorties et des cas. L’Hôpital Limmattal possède un centre de soins rattaché dont la responsable est également la directrice des soins de l’hôpital. «Cela nous permet des transferts allégés et des procédures bien coordonnées. À partir du milieu de l’année, la Regio Spitex Limmattal installera sa base sur notre campus de sorte à pouvoir également y exploiter les synergies», souligne le directeur de l’hôpital.
Par ailleurs, la clinique a aménagé un service de rééducation via la coopération avec Zurzach Care AG et créé un propre service pour le suivi au lieu de nouer des coopérations avec des prestataires en rééducation externes. C’est intéressant pour les patientes et les patients, car il leur suffit de changer de chambre au sein du même établissement. La rééducation à proximité du domicile raccourcit également les trajets pour les proches.
3 New Healthcare Management, 7 Erfolgskonzepte für das Gesundheitswesen, A. Angerer (Hrsg.), avec des articles de: A. Angerer, C. Thiele, F. Liberatore, C. Vetterli, L. Leifer, M. Wolff, G. Karlinger; avec des articles de: M. Ebner, F. Rüter, M. Graban, I. Bergen, M. Döring-Wermelinger, H.J. Hohensinner, G. Hammer; MMV Medizinisch Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft, 2021.