Recension Quand le climat va mal, la santé humaine aussi. Cette interdépendance n’est plus à prouver. Un nouvel ouvrage réunissant l’expertise de dizaines d’auteurs y est consacré. Un savoir précieux pour tous les professionnels de la santé, en particulier la relève.
Cet ouvrage traite de manière approfondie de dimensions d’importance croissante dans la pratique médicale et qui doivent intégrer l’enseignement: les relations entre médecine et système de santé et le milieu dans ses multiples facettes. Ceci notamment en rapport avec les impacts sur la santé du dérèglement climatique et de la chute de la biodiversité, qui accroissent fortement notre vulnérabilité. La santé humaine dépend de la santé des écosystèmes, on le sait bien maintenant, c’est «l’interdépendance du vivant».
La santé humaine dépend de la santé des écosystèmes.
Le «chef d’orchestre», Nicolas Senn, est professeur et responsable de la formation en médecine de famille à Lausanne; il a mené des recherches sur l’émission de gaz à effet de serre dans l’activité des cabinets médicaux. Cet ouvrage entend conceptualiser et décrire les problématiques auxquelles il s’agit de faire face. Avec ses trois collègues, ils ont rassemblé quelque 70 autrices et auteurs, suisses, français et anglo-saxons, d’horizons disciplinaires différents, qui ont rédigé une quarantaine de chapitres regroupés en cinq parties.
De nombreux sujets majeurs sont abordés, tels que l’importance de se référer au neuf limites planétaires, le modèle du «donut» de Kate Raworth qui veut trouver des solutions entre un plancher social de base à garantir et un plafond écologique à ne pas dépasser, le concept de «One Health», incluant les aspects sanitaires humains et animaux (zoonoses) ainsi que les questions socio-économiques, formulé par notre compatriote Jakob Zinsstag. On peut aussi citer la mise en évidence de «La Grande Accélération», particulièrement manifeste depuis les années 1950, dont les évolutions exponentielles ont été étudiées par W. Steffen et coll., les services écosystémiques, qui peuvent être définis comme «le bien-être fourni par la nature pour l’humain», les dangers croissants de la pollution de l’air et les risques toxicologiques, l’éco-anxiété ou «solastalgie» et d’autres aspects de santé mentale, les problématiques migratoires, les bénéfices liés à la mobilité active, à l’alimentation, au contact régulier avec la nature et enfin la science de la durabilité dans les services de santé.
Devant le défi climatique, il importe que la médecine et le système de santé assument leurs responsabilités de contribuer à des pratiques soutenables, des exigences de sobriété, voire de frugalité. Cela demandera à plusieurs niveaux de faire des choix qui ne seront pas simples. «Santé et environnement» apporte à cet égard des bases solides, selon une multiplicité d’éclairages. Un tel contenu doit aujourd’hui faire partie du bagage des étudiants en médecine et des professions soignantes, ainsi que de tous les jeunes professionnels – mais aussi des moins jeunes.
Dans l’introduction, il est souligné que «ne pas considérer l’influence des déterminants environnementaux de la santé dans la prise en charge peut même être vu comme un manque de professionnalisme, tant les preuves de leur influence sont abondantes». Plus généralement d’ailleurs, on réalise que la prise en compte de ces facteurs questionne le fonctionnement d’un système de santé productiviste, organisé autour d’une approche trop strictement biomédicale. La dernière partie du livre y est consacrée.
C’est dire qu’il n’est plus possible pour les professionnels de se retrancher ici derrière une neutralité souvent évoquée dans le passé. Aujourd’hui leur engagement affirmé est requis, pour une pratique de qualité qui tienne adéquatement compte des enjeux – de survie sociétale peut-on dire. Ce qui requiert d’inclure des composantes suffisantes, appuyées, d’éducation et de persuasion des patientes et patients. L’ouvrage précise: «Les professionnels deviennent-ils pour autant des militants? Certainement non. C’est juste faire son travail correctement.»
Sous la direction de Nicolas Senn, Marie Gaille, Maria del Rio Carral et Julia Gonzalez Holguera
Santé et environnement – Vers une nouvelle approche globale
RMS Editions, 2022
Dr méd. Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois
