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«Il s'agit de soucis existentiels»

News
Édition
2023/05
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21498
Bull Med Suisses. 2023;103(05):8-9

Publié le 01.02.2023

Décision judiciaire Recours gagnant: la clinique privée Birshof s’est défendue avec succès contre les restrictions d’admission dans huit spécialités. Le tribunal cantonal de Bâle-Campagne a récemment ordonné la levée de la clause. Miodrag Savic, président de l’ASMAC Bâle, se dit néanmoins inquiet, en particulier pour les jeunes médecins.
Depuis le 1er avril 2022, la limitation des admissions dans les cantons de Bâle-Campagne et de Bâle-Ville s’appliquait aux domaines ambulatoires comme la cardiologie ou la neurologie. Que pense l’Association suisse des médecins-assistant(e)s et chef(fe)s de clinique de Bâle de cette mesure controversée?
À nos yeux, la limitation des admissions n’est pas un moyen approprié pour résoudre durablement les défis dans le domaine de la santé. Elle aggrave la pénurie de médecins au lieu de la réguler de manière judicieuse. Nous ne formons pas assez de médecins en Suisse. Avec le gel, on rend la profession moins attractive et les futurs médecins auront encore plus de difficultés dans leur quotidien hospitalier.
La limitation a-t-elle déjà eu des conséquences pour les jeunes médecins?
Le nombre de médecins-assistants a été réduit dans un hôpital, car on ne voulait pas former des personnes qui n’auraient finalement aucune perspective professionnelle. Cela a des répercussions sur la situation professionnelle, car les services sont en sous-effectif chronique. De plus, la situation est difficile pour les médecins hospitaliers, car les chefs de clinique ne peuvent pas ouvrir de cabinet et sont donc contraints de rester. Ils ne laissent ainsi aucune place libre aux médecins-assistants pour progresser. En bref: faut-il maintenant envoyer le chef de clinique hautement qualifié au chômage ou dire au talentueux médecin-assistant qu’il ne peut pas devenir chef de clinique et qu’il vaut mieux changer de spécialité?
Les barrières sont à nouveau ouvertes: à Bâle-Campagne, les restrictions d’admission sont levées – du moins pour l’instant.
© Martingraf / Dreamstime
Avec la décision du tribunal, la restriction est supprimée à Bâle-Campagne, mais reste en vigueur à Bâle-Ville. Êtes-vous quand même soulagé?
En principe, la Confédération exige des cantons qu’ils mettent en œuvre la gestion des admissions dans un délai de deux ans. On peut donc s’attendre à ce que le canton crée les bases juridiques nécessaires pour introduire la limitation de l’admission. Cela donnera au moins l’occasion de s’impliquer à nouveau dans le processus politique et de relancer la discussion sur la question de savoir où la clause du besoin est vraiment nécessaire.
Que conseillez-vous aux jeunes diplômés? Doivent-ils choisir une spécialité médicale qui n’est pas concernée?
Je leur conseille de faire ce qu’ils et elles ont envie et d’aller là où leur passion professionnelle les porte. Si l’on choisit une spécialité uniquement pour assurer son avenir, ni le médecin ni le patient ne seront heureux.
Qu’est-ce qui préoccupe vos membres depuis l’introduction du gel des admissions?
Il s’agit de soucis existentiels. Le premier grand pas dans une jeune carrière est l’obtention d’un titre de spécialiste. Mais une partie décisive de la formation professionnelle se fait ensuite en tant que jeune chef de clinique. Dès ce stade, on prend des décisions de manière autonome. Ce cycle est désormais plus compliqué. Les carrières en hôpital sont bloquées pour les spécialités concernées. Cela conduira inévitablement à ce que des jeunes gens très talentueux quittent la médecine.
Comment ces préoccupations se manifestent-elles?
De nombreux membres expriment leur incompréhension, leur mécontentement et leur inquiétude quant à ce que l’avenir leur réserve. Bien entendu, on discute régulièrement de ce que l’on peut faire pour stopper cette évolution.
Quelles sont les prochaines étapes pour votre association?
Nous ne sommes pas connus pour être des défenseurs de cette mesure. Il y a selon nous d’autres moyens pour aborder les problèmes actuels du système de santé. Mais le gel des admissions est une directive fédérale que les cantons doivent appliquer dans une certaine mesure. En tant qu’association, nous allons poursuivre notre travail auprès du public et de la politique afin de faire valoir nos arguments. Nous allons renforcer encore davantage notre travail politique tout en cherchant à recruter de jeunes médecins qui souhaitent s’engager politiquement. Nous de l’ASMAC Bâle sommes prêts à soutenir les jeunes politiques issus de nos rangs.
Dr méd. Dr méd. dent. Miodrag Savic
Chef de clinique Chirurgie maxillo-faciale, Hôpital universitaire de Bâle, président de l’ASMAC Bâle